Jeff Grace (COLD IN JULY)

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- Publié le 26-05-2014

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Le compositeur américain Jeff Grace retrouve le réalisateur Jim Mickle après STAKE LAND (2010) et WE ARE WHAT WE ARE (2013) pour COLD IN JULY (Quinzaine des réalisateurs, Cannes 2014).

Interview Jeff Grace (COLD IN JULY)

Cinezik : Quelles étaient les indications du réalisateur ?

Jeff Grace : C'est mon troisième film avec Jim. On a commencé à parler du projet assez tôt, il y a quelques années. J'ai commencé à écrire quelques thèmes à la lecture du scénario. Nous avions en référence BLOOD SIMPLE (Ndlr : film des frères Coen, musique de Carter Burwell) avec les synthés des années 80, même si nous voulions que ce soit plus intemporel, pas si fortement ancré dans les années 80. Nous voulions aussi tous les deux que le score ait d'autres éléments, des instruments acoustiques comme le piano et des cordes. Nous ne voulions pas un score strictement au synthé. Les éléments électroniques ont un lien avec des score contemporains comme DRIVE.

Le réalisateur a t-il monté son film avec de la musique ?

J.G : Jim avait trois ou quatre de mes morceaux quand il a commencé le montage. La première version du montage contenait beaucoup de musique. Puis j'ai commencé à écrire de la musique au fur et à mesure qu'il montait.

Avez-vous contribué au choix des emplacements musicaux ?

J.G : Avant le tournage, nous avons parlé des thèmes et des humeurs nécessaires, à partir du scénario. Puis il a commencé à m'envoyer des scènes. Une fois qu'il y a eu un montage décent, nous avons fait le point, utilisant ce que j'avais déjà écrit comme point de départ. Il regardait aussi beaucoup de film de John Carpenter, et l'esthétique de l'époque - le film se déroule dans les années 80. Lorsqu'il montait, j'ai donné à Jim toutes les différentes choses que j'avais écrites jusqu'alors pour qu'il puisse les modifier en fonction de son montage. Au moment où nous avons fait le point sur la musique, il avait déjà monté la musique que je lui avais donné, donc c'était assez clair au niveau des emplacements qui nécessitaient de la musique.

John Carpenter était véritablement une référence pour le réalisateur ?

J.G : Je pense que l'influence de John Carpenter, en tant que réalisateur, relève quelque peu du fantasme. Le DRIVE de Cliff Martinez, BLOOD SIMPLE, ce sont des films que nous avons évoqués assez tôt. Nous avons essayé beaucoup de choses, et regardé si cela fonctionnait. Le film est évidemment infuencé par ceux des années 70 et 80, donc la musique devait en être consciente dans une certaine mesure. Mais encore une fois, Jim était clair sur le fait qu'il voulait que cela marche aussi pour des spectateurs d'aujourd'hui, et non pas que la musique soit juste une arnaque, une copie de la musique des années 80.

En tant que compositeur, que pensez-vous des références ? Sont-elles contraignantes ?

J.G : J'aime travailler sur un film car cela appelle différentes choses, en fonction du projet. Une fois j'ai dû faire une musique orchestrale, puis quelque chose d'électronique sur le projet suivant. J'aime beaucoup varier les styles de musique. Pour les films, vous êtes appelé à faire différentes choses.

Pensez-vous que votre travail est d'être un caméléon ?

J.G : Un compositeur doit avoir une perspective, il ne s'agit pas simplement de copier des styles, la référence aide juste à comprendre comment réaliser certains effets et certaines humeurs.

Veillez-vous à toujours conserver un style personnel ?

J.G : Le compositeur John Corigliano a une super réplique à ce sujet : il pensait pendant des années qu'il n'avait pas de style propre, qu'il était un caméléon musical, jusqu'à ce qu'un de ses amis ne lui fasse remarquer qu'il faisait des choix, et que ça définit le style d'une personne. Je pense que le plus important pour un compositeur au cinéma est de servir le film. Et pour le faire bien, vous devez avoir une perspective personnelle, en faisant des choix.

Qu'avez-vous appris de votre travail auprès de Howard Shore ?

J.G : C'était de grands projets, avec de grands réalisateurs. J'ai pu observer comment il travaillait dans un studio, avec de grands orchestres, et je le regardais communiquer avec le réalisateur. La communication est vraiment importante. Il y a beaucoup de business autour du tournage, de la musique, que l'on ne voit pas de l'extérieur, c'était super de voir de près quelqu'un travailler. J'ai aussi rencontré pleins de gens super, des orchestrateurs, supervisers, music editor, ingénieurs... Paul Broucek, qui était à la tête du département de la musique chez New Line, m'a donné un conseil quand nous faisions LE SEIGNEUR DES ANNEAUX : "N'essaie pas d'être Howard Shore ou John Williams, ils existent déjà. Sois toujours toi-même, avec les budgets que tu vas réellement avoir". Très bon conseil.

A propos de Jim, était-ce la seule fois où il avait des références si précises, ou c'était le cas pour les autres films faits ensemble ?

J.G : Pour STAKE LAND, il y en avait quelques-unes. Pour WE ARE WHAT WE ARE, il y avait quelques références issues de ma propre musique, des scores que j'avais fait auparavant. COLD IN JULY n'avait pas beaucoup de références spécifiques, juste une conversation générale et ensuite il a utilisé ce que j'avais fait, il a coupé, modifié dedans. C'est STAKE LAND qui avait probablement le plus de références, mais c'était notre première collaboration. Il y a désormais une confiance entre nous, les choix sont plus clairs dans son esprit par rapport à ce qu'il veut réaliser.

Vous travaillez pour un cinéma indépendant américain, loin des studios. Mais cela ne vous empêche pas de faire des films de genre (comme le western avec Kelly Reichardt)...

J.G : En effet, j'ai commencé à travailler avec quelques réalisateurs qui ont fait de films d'horreur : Ti West, Larry Fessenden, Jim Mickle, JT Petty. La chose en commun entre tous les films que j'ai fait, c'est le travail habituel d'un compositeur d'amener les spectateurs dans l'univers du film, des personnages, et de créer une humeur... Le score aide à lier et unifier le film. Il ne faut pas trop attirer l'attention sur le score. Une mélodie peut ne pas être trop présente ou manipulatrice. Quand je regarde un film, je déteste quand j'ai l'impression qu'on me dicte ce que je dois ressentir, cela me sort complèteent du film. J'essaye aussi d'avoir une prise personnelle sur les choses, être conscient de ce qui est prévu tout en ayant mon propre avis sur la question. Jim peut aimer une belle mélodie, tant qu'elle fonctionne avec le film. Avec le style de Kelly, vous devez faire très attention à ne pas être trop évident, trop démonstratif.

Quels sont vos projets ?

J.G : Je fais un film avec Ti West, un western, espérons un autre avec JT Petty plus tard dans l'année. Et puis Jim Mickle prépare un autre projet adapté d'un livre du même auteur que COLD IN JULY, Joe Lansdale.

Propos recueillis à Cannes en mai 2014 par Benoit Basirico

 


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