Godzilla (Alexandre Desplat), un thème martial, marche imposante et trépidante, dés l’ouverture

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par Sylvain Rivaud

- Publié le 18-05-2014




Le film s’ouvre sur un morceau en crescendo qui dévoile assez vite le thème martial de Godzilla. Alexandre Desplat signe une sorte de marche trépidante, imposante, qui évoque avec des cuivres effrénés le gigantisme du monstre. Des cors et des percussions assourdissantes parachèvent d’en faire un morceau dans la grande tradition des films de monstre. 

Pour le thème d’ouverture de GODZILLA, on pense à l’unique morceau composé par Michael Giacchino pour CLOVERFIELD (2008), qui en revanche était, lui, situé au générique de fin. En ce sens, ce morceau “énorme” du Godzilla de Desplat capte toute l’attention du spectateur dès le début du métrage et par son gigantisme convient bien au sujet du film. Par ailleurs, il a le mérite de caractériser très nettement Godzilla alors même que le monstre n’apparaît que de longues minutes après le début du film. Desplat utilise ici, en quelque sorte, la recette de John Williams pour JAWS, en signifiant à gros traits le monstre alors qu’on ne le voit pas encore. Une démarche cohérente avec celle du réalisateur, qui s’inspire beaucoup du chef d’oeuvre de Spielberg pour la construction dramaturgique de son GODZILLA, et cite également l’autre grand film de monstre du maître (JURASSIC PARK) dans de nombreux plans hommages.

Dans les morceaux suivants, Desplat utilise le potentiel du grand orchestre pour alterner entre des séquences d’action où il met en avant les cuivres et les percussions, et les séquences plus émotionnelles, avec de larges sections de cordes. C’est bien fait, mais fonctionnel : l’orchestration est un peu lisse et passe-partout, on ne décèle pas ici la personnalité du compositeur. Dans “The Q Zone”, il utilise un rythme qui évoque le battement d’un coeur (de monstre), associé ici aux fréquences rythmiques enregistrées par des instruments dont on voit à l’écran la figuration. Comme un signal, d’ordre plutôt funeste. Desplat développe aussi un motif descendant de 4 notes qui se répètent, évoquant le mythe de Godzilla. Il s‘en sert pour insuffler du suspense et du mystère dans sa partition. 

“Back to Janjira” permet au musicien de signer un morceau au piano, retrouvant la veine intimiste qu’on lui connaît. Elle évoque la famille du personnage principal. Mais bientôt les percussions prennent le dessus. Desplat semble s’inspirer à l’occasion des travaux du compositeur japonais Akira Ifukube (flûtes atonales / percussions / échos et cris lointains), qui avait signé l’identité musicale du premier film Godzilla en 1954 (avec un thème autrement plus mémorable - même si celui écrit par Desplat ne démérite pas). Le compositeur français maîtrise tout de même très bien le rythme de sa partition, avec des crescendos et des ostinatis qui accompagnent les images avec un certain relief. Dans “Muto Match” par exemple, ou dans “Airport Attack”, il fait sonner les cuivres à l’instar d’un Marco Beltrami (un maître du genre qu’on aurait volontiers pu entendre sur ce film). De même, le début de “Following Godzilla” (et le morceau suivant) rappelle clairement le John Williams de JURASSIC PARK (peut-être des restes du temp track ?). Néanmoins, la partition de Desplat reste très efficace, malgré des influences évidentes. Avec ses cordes pincées et ses choeurs d’outre-tombe, “Golden Gate Chaos” est un morceau franchement bien troussé. On peut regretter en revanche l’introduction (discrète, certes, mais discutable) de quelques rythmiques électroniques (qui évoquent les technologies mises en place pour pister le monstre dans l’océan Pacifique). 

Après l’excellent GRAND BUDAPEST HOTEL, cette nouvelle partition américaine d’Alexandre Desplat s’avère plutôt réussie, même si on regrette une certaine tendance du compositeur à se fondre dans les hommages et les clichés hollywoodiens, au détriment d’une certaine audace et de sa personnalité musicale. Néanmoins, le compositeur trouve de bonnes idées et pour une fois, accouche d’un thème vraiment mémorable et bien troussé, aspect qui lui faisait souvent défaut sur ces précédentes oeuvres américaines un peu fades. A côté de cela, MONUMENTS MEN pour George Clooney était une partition franchement paresseuse et sans relief, sans véritable groove. Comme quoi, l’ambition d’un film et de son réalisateur influe sur le compositeur pour signer un score digne de ce nom.

(le morceau de Ligeti “Lux Aeterna” composé en 1966 entendu dans la bande-annonce de GODZILLA, sur la scène du parachutage des militaires, est bien utilisé dans le film - et c’est d’ailleurs un excellent parti pris artistique, mais est absent du disque de la BO, qui ne contient donc que la musique originale.)

par Sylvain Rivaud


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