Louis Garrel pensait tout le temps à "César et Rosalie" (sur le thème du triangle amoureux) en élaborant son film, c'est pour cela qu'il a pensé au compositeur de ce film de Claude Sautet.
Philippe Sarde n'était pas à Cannes pour la présentation du film à la Semaine de la critique, mais il nous a témoigné de ce travail par téléphone.
Cinezik : Qu'est-ce qui vous a intéressé dans ce projet, un premier film en l'occurrence ?
Philippe Sarde : Louis m'a appelé quand son film était terminé. Quand j'ai vu le film, j'ai été très ému. Je me suis dit qu'il fallait faire une musique qui le rapproche le plus possible du public. Je lui ai fait quelques remarques sur quelques longueurs qu'il y avait, et il a arrangé. Je me suis enfermé dans une bulle pendant un mois pour écrire cette musique, pour qu'elle soit très raffinée, j'ai fait venir le meilleur soliste de Londres.
C'est un des films sur le remord entre deux amis le plus intéressant que j'ai jamais vu, avec raffinement, à aucun moment ce n'est explicité, mais c'est dans les personnages. C'est ce que j'ai aimé. Le secret du film est sa sensibilité. J'ai ainsi conçu ma musique autour des personnages.
Qu'est-ce que cela représente pour vous de signer la musique d'un premier film aujourd'hui ?
P.S : Faire la musique d'un premier film ne change pas mon travail. C'était comme si c'était mon propre premier film. J'avais autant le trac pour lui que quand j'avais en face de moi des réalisateurs qui avaient plus de 30 ans que moi. De plus, j'en ai fait beaucoup de premiers films. J'essaie à chaque fois de ne pas trahir le réalisateur mais d'aller au plus profond de lui-même, de ne pas le déposséder de son film. J'ai traduit sa propre sensibilité, même si de par mon expérience je lui ai indiqué des choses qui n'allaient pas et qui pouvaient être améliorer. Je lui dit cela au bénéfice du film, sans lui faire sentir que j'ai 300 films derrière moi, comme si c'était aussi mon premier film. Au départ, la production a eu peur que Louis Garrel fasse appel à moi, mais ayant fait beaucoup de films d'auteur (Doillon...), on pouvait me faire confiance.
Comment Louis Garrel vous communiquait ses intentions ?
P.S : Louis me donnait très peu d'indications, ça a fonctionné tout de suite entre nous. Je voulais lui faire une musique qui ait sa sensibilité, il fallait capter sa sensibilité. Il m'a juste dit qu'il voulait du piano.
Comment définiriez-vous votre musique pour ce film ?
P.S : En plus du piano, il y a aussi de la clarinette, et des cordes. Il y a près de 30 minutes de musique sur 1h30 de film. Elle n'écrase personne. Je voulais que ce soit très mélodique, comme une parole, un deuxième discours. Je n'ai pas joué que sur le climat. La musique raconte l'intérieur, les émotions des personnages. Je fais une musique d'intérieur.
Avec cette collaboration, vous entrez dans une nouvelle famille de cinéma, une nouvelle génération...
P.S : Le problème souvent de cette jeune génération est qu'ils ne s'entourent que de gens qui n'ont pas d'expérience. Me concernant, ils se disent que je n'accepterais jamais. Mais pourtant j'aime faire cela. J'ai souvent aidé de jeunes réalisateurs. Il faut entourer les gens qui démarrent, apaiser les angoisses, rassurer, même si moi aussi j'avais le trac sur ce film.
J'aurai bien envie que grâce à ce film je puisse continuer auprès de cette jeune famille de cinéma. En tout cas avec Louis Garrel, nous sommes devenus comme deux amis. Le titre du film nous convient vraiment !