Interview B.O : Aki Kaurismaki

kaurismaki, - Interview B.O : Aki Kaurismaki

Interview réalisée par Benoit Basirico le 4 juillet 2008.

- Publié le 04-07-2008




Cinéaste finlandais atypique qui décrit habilement la société dans laquelle il vit et sa dure réalité économique, Aki Kaurismaki signe des films humains, poétiques, ironiques, cruels, ascétiques et stylisés. Il plonge ses personnages dans lieux de musique, dans les bars, salles de concerts. Les paroles de chansons communiquent une pensée à la place de la parole, rare. Dans les appartements, un vinyle ou une radio commente la situation émotionnelle tandis que les êtres demeurent mutiques. Les musiques de ses films sont exclusivement préexistantes. On entend dans son oeuvre du tango (Carlos Gardel), du rock (The Renegades, Joe Strummer), du classique (Tchaikovsky), de la chanson française... Voici le bref entretien d'un cinéaste aussi musique que ses personnages. 

Cinezik : Quel rôle la musique joue-t-elle dans vos films ?

Aki Kaurismaki : Un film est composé de texte, d'image, de son, et des acteurs qu'il ne faut pas oublier, ainsi que de la musique. Même si on l'utilise à la manière de Bresson dans "Au Hasard Balthazar", elle demeure très importante. Ce qui va tuer le cinéma américain, c'est l'omniprésence de la musique, ce qui devient grotesque.

Dans vos films, la musique parle pour les personnages...

Effectivement, les dialogues sont souvent remplacés par la musique.

Comment sélectionnez-vous les musiques ?

Je les choisis pendant le mixage. J'ai un assortiment de musiques, je prends une pile de disques d'une étagère chez moi et pendant que les mixeurs travaillent, j'écoute la musique pour voir ce qui pourrait convenir. Avant, à l'époque des vinyles, je mesurais les durées en direct avec les images. Mes choix sont un peu aléatoires, basés sur les disques que je trouve. Ils font appel à mes sentiments les plus profonds. Je l'utilise en contrepoint par rapport aux enjeux. Parfois, c'est une question de budget. J'utilise Tchaïkovski parce que je n'ai pas à payer de droits, c'est moins cher que Prokofiev (ndlr : dont les œuvres ne sont tombées dans le domaine public qu'en 2023, soit 70 ans après sa mort).

Concernant le groupe des Leningrad Cowboys, est-ce vous qui les avez lancés avec vos films ?

Je ne suis pas vraiment à l'origine de leur création, mais j'ai contribué à leur style, notamment pour les chaussures, dont j'ai eu l'idée. Je ne sais pas jouer de la musique, j'étais simplement leur directeur visuel, mais tout cela est terminé. J'avais commencé en réalisant 5 ou 6 clips, ce qu'on appelle des "rock vidéos", en les abordant comme de véritables courts-métrages. Le matin, j'écoutais la musique, l'après-midi je tournais le film, et le lendemain on faisait le montage. C'était sympa.

Concernant le film de concert "Total Balalaïka", il se distingue dans votre filmographie. L'avez-vous conçu comme vos films de fiction ?

C'était une situation chaotique, les caméras tournaient devant 70 000 personnes ! Il fallait gérer de nombreuses caméras, on ne sait jamais quand le chef opérateur est parti fumer une cigarette et a manqué le meilleur moment. Le travail n'est pas de l'improvisation, mais d'essayer de minimiser le côté chaotique.

Vous avez dit, non sans humour, "Le cinéma est mort. Il est mort en 1962, je crois que c'était en octobre". Et pour la musique ?

La musique est morte avec James Brown. (rire)

 

Interview réalisée par Benoit Basirico le 4 juillet 2008.


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