Interview Etienne Chatiliez : le musical caustique de AGATHE CLERY

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Interview réalisée à Auxerre le 12 novembre 2008 par Benoit Basirico - Publié le 12-11-2008




Après avoir réalisé de nombreuses publicités, Etienne Chatiliez se lance avec succès dans la comédie en 1987 avec "La vie est un long fleuve tranquille" qui fut un grand succès. Chacun de ses films aborde avec acidité un sujet de société, que ce soit pour "Tatie Danielle" (musique de Gabriel Yared) que "Tanguy". En 2008, il réalise une comédie musicale sur le racisme "Agathe Clery".

Cinezik : Quelle place doit occuper pour vous la musique dans un film ?

Etienne Chatiliez : La musique dans un film, c'est extrêmement difficile que ce ne soit pas pléonasmique, qu'elle trouve sa place. La musique de film est un exercice difficile. Il y a de formidables compositeurs, mais c'est avant tout une question de récit. 

Pourquoi avoir choisi de nouveau Matthew Herbert pour la musique d'AGATHE CLERY, après celle de LA CONFIANCE REGNE ?

Je pense que c'est quelqu'un de doué, je l'appelle le Kubrick de la musique. Il avait travaillé sur une comédie musicale de Blanca Li (Ndlr : "Le défi") et j'étais emballé par son travail, donc je l'avais contacté pour la musique de LA CONFIANCE REGNE. Au moment de lancer la recherche de compositeur pour la comédie musicale (AGATHE CLERY), je suis allé le revoir et j'ai appris qu'il avait été élevé dans le monde de la comédie musicale, il connaissait bien les références du genre. Sa musique est très élaborée, très écrite, subtile. J'adore la musique qu'il a écrite. La difficulté pour une comédie musicale, c'est de trouver des compositeurs. J'ai donc eu la chance d'avoir trouvé Matthew, mais également Bruno Coulais qui a participé, et un troisième, Crapoutchik, qui est mon ancien comparse de la pub (sur Eram). 

La musique dans l'ensemble est hétéroclite, et c'est le point de vue qui fait le lien, j'avais du mal à imaginer que le même compositeur puisse s'atteler à tous les genres, c'est pour cela qu'il y en a plusieurs. 

D'où vous est venue cette envie de faire une comédie musicale ?

A défaut de savoir danser et composer moi-même, c'était une façon de le faire par les autres. Mais je n'aurais pas fait une comédie musicale juste pour faire un film de genre, cela ne m'intéresse pas. Ce qui m'amusait, c'était de prendre un sujet grave comme celui-là et de l'alléger par la comédie musicale en même temps que le sujet lui donne du fond. La comédie musicale est en générale légère et naïve, et là j'ai l'impression qu''il y a un équilibre entre le fond et la forme. 

Comment avez-vous justement appréhendé le sujet du racisme, comme vous appréhendez d'ailleurs des sujets forts dans chacun de vos films ?

Le risque c'est que ça vous pète à la gueule, parce que c'est un sujet dangereux. Tous les jours, il y a des gens qui meurent à cause de la couleur de leur peau. L'idée était d'essayer de ne pas être démagogique, essayer d'être à la fois mauvais esprit, drôle, et musical. J'avais le sentiment que le vecteur choisi de raconter une chose pas nouvelle ("c'est pas bien d'être raciste") de cette manière, était une façon pour que la fléchette aille plus facilement à sa cible. Le mélange du fond et de la forme permet de bien raconter cela. 

A quel moment la musique est intervenue ?

Pour les éléments de comédie musicale, tout a été évidemment composé avant, ça met beaucoup de temps, car tous les numéros sont écrits, il y a une notion de temps, donc il fallait dealer avec les compositeurs pour resserrer des passages, car la musique, c'est une question de tempo, donc comment ne pas les frustrer et arriver en même temps à mettre en place l'action du film. 
C'était un gros travail.

Quel fut le travail de Valérie Lemercier ?

Pour elle, ce fut un enfer, car elle a du pratiquer la danse pendant un an, quatre heures par jour. 
C'est un film plein de difficultés, il y a la musique, le chant, la danse, le maquillage... il y a plein de contraintes. C'est comme avec un grand convoi, on avance plus lentement qu'avec une petite voiture de sport qui se faufile. Mais en même temps, ce qui compte, c'est le goût de ce que l'on mange, et pas le temps que le cuisinier a mis. 

La musique contient des thèmes qui varient selon qu'Agathe soit blanche ou noire...

C'est un film sur le problème de la couleur, alors la musique traduit cela, on reprend des thèmes qui sont colorés différemment selon leurs apparitions. 

La musique est là pour à la fois faire avancer l'histoire, créer des émotions, et il s'agit de danser, souvent. Une danse parfaitement exécutée, c'est comme un tableau, l'important c'est l'émotion qui en nait. C'est de l'art qui passe par l'expression du corps. Je tenais à ce que ça danse bien. Je voulais que ce film soit une petite brique dans le paysage de la comédie musicale. 

Quels sont vos goûts musicaux ?

Ils sont simples. Je suis de la génération Beatles, rock et pop. Je voulais d'ailleurs mettre du Beatles dans ce film, mais il y a des problèmes de droit qui sont impossibles à gérer. On ne pourra jamais avoir, dans aucun film au monde, un titre original des Beatles. Donc, je n'ai pas réussi.

J'appartiens à une génération où la musique était vraiment un instrument de culture. Elle était plus importante qu'elle l'est maintenant. 
Ca racontait toute une génération. 

Et quelles sont vos préférences en musique de film ?

Il y a Bruno Coulais que je trouve formidable, il y avait Delerue, puis un autre qui a aussi travaillé avec Truffaut... Antoine Duhamel. Ce que Delerue a fait dans "Le Mépris", c'est magnifique, mais c'est aussi Godard, son travail y est pour quelque chose,  ce qui n'enlève rien au talent du compositeur. D'ailleurs, pour mon premier film, j'avais appelé Delerue, mais il était indisponible.

Interview réalisée à Auxerre le 12 novembre 2008 par Benoit Basirico

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