Interview Miguel Gomes / CE CHER MOIS D'AOÛT : 'On gagne en économie narrative car ce que les personnages ressentent se traduit en chanson.'

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Interview réalisée à Paris le 12 juin 2009 par Benoit Basirico - Publié le 12-06-2009




Miguel Gomes propose avec CE CHER MOIS D'AOUT un délicieux film estival plein de chansons portugaises.


Cinezik : D'où vous est venue cette idée de mêler le documentaire et la fiction ?

Miguel Gomes : Il y a eu un vrai problème de production. Il y avait au départ un scénario plus ambitieux que l'on peut voir un peu dans la deuxième partie fictionnelle du film. Mon producteur m'a dit avant le tournage qu'il n'y avait pas d'argent pour faire le film tel qu'il était écrit. Alors j'ai pensé que le mieux, s'il fallait changer le film, c'est qu'on le fasse pendant le tournage. Alors j'ai demandé au producteur une petite équipe de cinq personnes avec une caméra 16mm pour aller dans cette région, pour filmer les bals populaires qui font partie du film. Il n'y avait ni acteurs ni scénario, et on a commencé à faire ce que l'on voit dans la première partie du film. On a fait un premier montage de ce matériel puis on a réécrit le scénario à partir de cette expérience. Le film est naît d'un hasard.

On a pensé ensuite qu'il était intéressant de faire un film dans lequel les vrais gens qu'on filmait commençaient à devenir des personnages, le lieu devenait un décor de cinéma et le rituel local, les chansons, devenaient des éléments du scénario. 

D'où viennent les groupes musicaux présents dans tous le film lors de ces bals populaires ?

Ces groupes musicaux existent à l'intérieur du Portugal, à la campagne, du nord au sud. Ce film a été fait surtout dans la zone centrale appelée "le coeur du Portugal". On y écoute ces musiques de bal un peu méprisées dans les grandes villes. Il y a des chansons sur la joie des émigrés qui reviennent au Portugal l'été. La chanson qui donne le titre au film en fait partie. On a tourné avec des vrais groupes, et après on a crée notre propre groupe pour la fiction. Les chansons existaient déjà, mais Mariana Ricardo qui travaille sur les musiques de mes films et qui co-scénarise, a écouté beaucoup de disques pour choisir les chansons pour le scénario et en faire des arrangements. Elle en a fait des versions uniques. 

Comment a été déterminé le choix des chansons, aux paroles correspondant au récit ?

Ce travail de chercher les bonnes chansons pour le récit du film me rappelle les comédies musicales américaines des années 40/50 que j'adore. C'est un peu l'idée de faire une comédie musicale avec ces chansons-là. J'aime dans ces comédies musicales américaines lorsque l'action s'arrête et que les comédiens se mettent à chanter de manière artificielle, ce qui est comme un commentaire sur l'action, sur l'intériorité des personnages. On gagne en économie narrative car ce que les personnages ressentent se traduit en chanson. On a essayé de faire la même chose. Les chansons du film jouées sur scène sont des commentaires sur les rapport amoureux entre les personnages. 

Mais votre film est plus réaliste que les films américains...

Dans mon film ce sont des vrais villages, alors que dans la comédie américaine ce sont des studios. Je voulais avoir un choc entre cette artificialité et un côté néoréalisme italien, avec une certaine matérialité des choses. Il y a un moment dans le film où l'on écoute une chanson sur un homme qui va toutes les nuits dans un bordel, et un jour sa femme entre dans cet endroit. Elle était fatiguée de l'attendre sur le lit conjugal, alors elle est devenue une pute. C'est du mélodrame, un peu ridicule, comme voir le chanteur ému lorsqu'il chante cela, en gros plan. Il y a le rapport entre l'imaginaire délirant de la chanson et l'émotion humaine. Ce moment-là résume ce que je voulais faire avec ce film. 

Quel fut le travail de mixage, il semble que toutes les musiques aient été prises en son direct ?

On n'a pas fait beaucoup de mixage car le son direct était vraiment privilégié. A un moment on voit un paysage vu au travers de jumelles, et on écoute les "Variations Goldberg" de Bach. Dans cette séquence du film, le mixeur a mis le disque de la musique dans l'autoradio d'une voiture et voulait en même temps écouter le dehors, alors il a mis son micro un peu sur la fenêtre, et m'a demandé de monter ou baisser le son de la radio où jouait le disque de Bach, pour travailler le son sans mixage, en live.

Interview réalisée à Paris le 12 juin 2009 par Benoit Basirico

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