Interview Nicolas Kuhn / UNE VIE AILLEURS : un paysage musical serein et doux.

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Propos recueillis à Paris le 3 avril 2017 par Benoit Basirico - Publié le 04-04-2017




Sur UNE VIE AILLEURS, Nicolas Kuhn retrouve Olivier Peyon après le documentaire "Comment j'ai détesté les maths" (2013) avec une musique solaire, tendre, toujours généreuse, qui évite le pathos face au sujet dramatique de cette mère (Isabelle Carré) en quête de son fils en Uruguay. Rencontre dans le cadre de la participation mensuelle de Cinezik à l'émission "Vive le cinéma" de Aligre FM.

Interview Nicolas Kuhn

  Ecoutez l'interview au sein de l'émission de radio (dés 6:35):

 

Cinezik : A quel moment êtes-vous intervenu sur UNE VIE AILLEURS ?

Nicolas Kuhn : J'avais le scénario, donc j'ai pu proposer au réalisateur Olivier Peyon des morceaux avant qu'il ne se mette au montage. C'est le mode de fonctionnement idéal pour un compositeur, mais aussi pour le réalisateur car lui-même avait ainsi déjà les paysages sonores qu'on a pu développer ensemble, en cherchant des sons qui nous amènent un peu ailleurs. Il y a la guitare et le bandonéon, pour le côté intimiste au-delà de l'aspect lié à l'Amérique Latine. Il y a aussi du Hang, un instrument de percussion métallique, plus un quintet de cordes qui me permettait d'aller dans toutes les directions. En tout cas, je rêverais de retrouver ce genre de situation, d'être impliqué en amont du montage. C'est idéal car souvent on compose à partir de morceaux temporaires que le monteur a déjà placé sur les séquences, et il est difficile de lutter contre le monteur et le réalisateur qui ont déjà travaillés pendant des semaines et des mois sur des musiques.

Au-delà de la fusion des sonorités, votre partition est à la fois tendre, douce, presque maternelle, et en même temps tendue et rythmée...

N.K : On commence avec un ton un peu léger pour se diriger vers quelque chose de plus en plus tendue et fort émotionnellement avec une présence des cordes de plus en plus grande. Des sons électroniques comme la guitare électrique peut aussi ajouter une tension. Il y a une évolution de la signature sonore au cours du film.

Il y a aussi un aspect de tango, est-ce que vous aviez Astor Piazzolla en tête ?

N.K : Avec le réalisateur, on s'est envoyé des morceaux l'un à l'autre, et il y a eu du Astor Piazzolla, pas mal de musiques argentines, car initialement le réalisateur voulait tourner son film en Argentine, cela s'est finalement fait en Uruguay, mais la musique est encore marquée par l'Argentine, le tango de Piazzolla est présent effectivement.

Tout en convoquant l'Amérique du Sud, la musique n'est jamais folklorique, elle est toujours au service du personnage et de sa trajectoire...

N.K : Il y a plusieurs personnages qui évoluent au fur et à mesure du film, et la musique sert la trame narrative et l'action. J'ai cherché à créer une cohérence pour qu'il y ait un côté organique. On ne passe pas d'un morceau à l'autre en faisant de grands écarts incompréhensibles, on essaie de poursuivre un chemin.

Olivier Peyon vient du documentaire, est-ce que musicalement l'idée était de ne pas trop jouer sur le spectaculaire ?

N.K : J'ai essayé de mettre des touches dramatiques sur un paysage plutôt serein. Il y a une scène déchirante à un moment donné où il était bien de jouer le côté tragique, mais tout est en effet plutôt retenu. C'est aussi la chance de travailler avec des comédiens comme Isabelle Carré et Ramzy Bedia qui parviennent à exprimer des choses très puissantes sans forcément en faire trop. La musique peut exprimer ces émotions sans en ajouter. De plus, lors d'un moment très poignant où le fils ne veut pas reconnaître sa mère, le thème entendu à ce moment-là est réutilisé plus tard sur un moment beaucoup plus doux. C'est une chose que je trouve passionnant dans la musique de film. La même musique peut avoir des connotations totalement différentes en fonction des moments. C'est intéressant de pouvoir réutiliser un thème avec des variations. Ceci créé des effets de mémorisation.

Quel parcours vous a mené à devenir compositeur pour le cinéma ?

N.K : J'ai un parcours assez autodidacte, j'ai commencé par faire de la chanson, puis ensuite je me suis formé dans divers organismes. Mais on se forme beaucoup en faisant. Je trouve les contraintes du cinéma très inspirantes, cela permet de partir dans des directions très différentes sur chaque film. Il y a des recherches intéressantes au cinéma aujourd'hui, à la frange de la musique contemporaine et des musiques plus classiques. Je pense par exemple à Jonny Greenwood et Mica Levi.

Olivier Peillon a bien participé à la composition sur COMMENT J'AI DÉTESTÉ LES MATHS (2013) ?

N.K : Oui en effet, je lui ai montré quelques accords de guitare, on a cherché Un peu ensemble. Il y a certains thèmes qui ont été écrits en collaboration. Mais sur UNE VIE AILLEURS en revanche, il était très très pris par la production donc il n'est pas intervenu. Sur le documentaire, la musique a permis de donner une dynamique, de "cinétiser" le réel et de donner du rythme.

 

Propos recueillis à Paris le 3 avril 2017 par Benoit Basirico

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