Avec « Le Parfum de la Dame en Noir » de Bruno Podalydès, c'est votre deuxième partition pour ce jeune réalisateur…
Oui, enfin jeune… il a juste quelques années de moins que moi ! Mon drame est que les gens pensent que j'ai 90 ans. J'ai écrit « Les Choses de la Vie » à 16 ans. Alors effectivement, au bout de 250 films, on pense que j'ai 90 ans… Mais ce n'est pas grave, vous voyez que je ne les ai pas... Bruno est donc un peu de ma génération, c'est un type qui a énormément de talent. Avec « Le Mystère de la chambre jaune », c'était difficile de rentrer dans son monde... Il faut avoir beaucoup de patience et aimer ce qu'il a fait pour avoir le courage de rentrer dans sa tête difficile et géniale. Car il est génial, c'est un visionnaire atypique. Il me rappelle un peu le regretté Marco Ferreri pour qui j'ai écrit pour presque tous les films. Il a ce côté fantasque, inattendu. Les premiers mois sur « Le Mystère… », je me suis dit que je n'y arriverai pas. Ce qui m'intéresse c'est de rentrer véritablement dans la tête d'un type pour lire ce qu'il a dans l'esprit. Beaucoup de metteurs en scène n'arrivent pas à s'exprimer réellement et c'est mon travail d'aller chercher ce qu'ils veulent. Aujourd'hui, je me demande où sont passés les réalisateurs. C'est affreux. Je suis angoissé car je me rends compte qu'ils sont tous morts ou sur le point de mourir. J'ai donc besoin de rentrer dans la tête du réalisateur pour que ce soit lui qui soit à l'origine de l'inspiration de la musique, sinon ça ne m'amuse pas. J'ai eu la chance de faire tant de films car c'était des réalisateurs tous différents et c'était à moi d'avoir la tâche impossible de décrypter. Car plus le réalisateur a une forte personnalité, plus c'est difficile.
Et Bruno Podalydès fait partie de ces réalisateurs-là ...
J'ai réussi à trouver le mystère de la « Chambre Jaune », et donc le mystère de cet homme, qui n'est pas banal ! On s'est lié d'amitié, j'ai réussi à le comprendre. Ce qui m'amuse, c'est de proposer des choses inattendues aux gens qui ont de fortes personnalités, leur apporter ma sensibilité tout en étant dans son monde. Il me souffle un peu ce qu'il désire, mais sans vraiment le savoir, et dès lors que je suis un peu dans son monde, j'ai compris. Et après, c'est à moi de trouver les idées musicales.
Par rapport à vos premières années, où sont passées vos chansons et vos compositions de jazz...
Elles ont disparu avec les réalisateurs. Ce type d'écriture est parti avec les gens pour lesquels je travaillais. Je suis sorti assez orphelin des années 2000, je ne vous le cache pas. Et être orphelin à cinquante ans, c'est un peu emmerdant. Lorsque je travaillais avec ces réalisateurs de 75 ans, je ne voyais pas leur âge, je ne m'en suis rendu compte que lorsqu'ils ont disparu. Lorsqu'à 16ans, Claude Sautet est venu me demander de faire la musique des « Choses de la vie », il avait 50 ans et je ne l'avais jamais vraiment saisi jusqu'à sa mort ! La plupart des cinéastes du début de ma filmographie ont disparu.
Il vous reste Tavernier ou Téchiné tout de même…
Oui, mais ces gens-là ne sont pas loin de ma génération. Mais effectivement il me reste André, Bertrand ou Jacques ! Mais l'étau se resserre, comme on dit…
Et avec Tavernier, par exemple, vous n'avez plus d'opportunités de composer des chansons ou du jazz comme par le passé ?
Non. Je pense que Tavernier a besoin d'une musique qui a une vraie valeur, un vrai engagement. Après « La Fille de d'Artagnan », qui était un vrai challenge musical à faire, il y a eu « Laisser-Passer », que je n'ai pas fait pour des raisons privées, et qui malheureusement a été un échec. Bertrand ne s'est plus lancé dans ces grandes aventures où il y avait davantage ma place. Car « L627 » ou « Juge et Assassin », c'est un cinéma que Bertrand ne fait plus.
Pourtant, dernièrement, le jazzman Louis Sclavis a composé pour lui (sur « Ca commence aujourd'hui »)…
Oui, mais un jazzman n'est pas un musicien de cinéma. Ce qui est formidable, c'est d'utiliser un grand jazzman, comme je l'ai fait. Mais il faut un compositeur. Les jazzmen sont des interprètes. Alors demander à un interprète d'écrire une musique de film, pour moi c'est aberrant. Quel que soit la valeur de l'interprète, c'est en général totalement raté. Et même si ça passe, parce que le type joue bien, « ça passe » simplement. Ça ne veut pas dire que c'est réussi.
Il y a pourtant de bons jazzmen qui ont fait de bonnes musiques, comme sur « A Bout de Souffle »…
Ah oui, mais vous me parlez de Martial Solal ! Un grand bonhomme, c'est une exception. C'est un compositeur de grand talent, avant d'être un jazzman.
Aujourd'hui, on a l'impression que vous ne faites pas autant de musiques qu'à une certaine époque, et également, vous reprenez des thèmes déjà composés comme pour « Les Égarés » de Téchiné sur lequel vous reprenez le thème de « L'Adolescente » (1978), ou sur « Les Sœurs Fâchées » d' Alexandra Leclère avec un thème de « Garçon »…
Pour « Les Sœurs Fâchées », ce n'est pas vraiment un thème de « Garçon », plutôt une « déflagration ». Alexandra Leclère adorait cette musique. Dans le disque, on a mis des extraits de « Garçon », mais le thème n'est pas de « Garçon ». Le film « Les Sœurs Fâchées » est un peu inspiré de l'univers de Sautet pour « Garçon ». Pour Alexandra Leclère, qui est une femme très bien qui va aller très loin, j'ai essayé de reconstituer le « passé » de « garçon ». Je suis donc resté dans cet esprit.
Et quand vous savez que Ravel (même si je ne suis pas Ravel, j'aimerais bien mais j'en suis loin) n'a composé que deux heures de musiques vraiment originales sur douze, et que le reste ce sont des reprises de thèmes (pour aller plus loin, toujours plus loin). En vieillissant, je me rends compte que faire énormément de films ça ne sert à rien. D'abord parce que les films sont mauvais, donc je ne tiens pas à les faire. J'essaie d'être le plus éclectique possible en choisissant des films qui me parlent, et des metteurs en scène qui me plaisent. Alexandra Leclère est quelqu'un avec qui j'ai des rapports très proches. C'est la même chose avec Bruno Podalydès, Téchiné avec qui je travaille depuis 25 ans et Tavernier même s'il est allé prendre deux jazzmen afin de leur permettre de faire un travail plus minimaliste. Mais si je compose moins c'est parce que ces réalisateurs font peu de films. Doillon n'a pas fait de grands films depuis « Ponette ».
Sur « Les Égarés», j'ai repris « L'Adolescente » parce que c'est l'une de mes partitions que je préfère. C'est une des choses les plus intéressantes que j'ai faite, du point de vue de ma sensibilité. Mais j'ai tout de même composé une musique originale pour ce film. Dans la version originale de « L'Adolescente », il y a Grappelli. Dans la version Téchiné, il n'y est pas, donc ce n'est pas totalement la même musique. Malgré mon travail sur ce film, pour le disque particulièrement, j'ai voulu faire ressortir l'univers du film avec Jeanne Moreau et Simone Signoret, que je trouve magnifique. J'ai adoré faire ce film, faire cette musique, et travailler pour eux. Ça fait partie de ces vieux thèmes récurrents qui font partie de vous-même, dont vous ne pouvez pas vous détacher.
Donc la musique du film « Les Égarés » ne correspond pas à ce qu'il y a sur le disque ?
Non, elle n'y est pas. Sur le CD, il s'agit d'une adaptation de ma partition pour « L'Adolescente ». La musique du film « Les Égarés » n'est audible que dans le film. Le film est une chose, le disque en est une autre.
Vous procédez souvent ainsi ?
Oui. J'écris souvent 50 minutes qui ne sont pas dans le film, pour élargir le discours, pour que le CD ne soit pas emmerdant pour les gens. Il n'y a rien de plus horrible pour un type qui achète un CD de se retrouver avec des petits bouts de trente secondes ! Pour moi, c'est du vol à main armée ! Je participe à toutes les étapes dans la création des disques, je suis « multi-tâche ».
Et que pensez-vous des rééditions de vos musiques ?
J'ai un peu l'impression de creuser ma tombe avec les réédition. Ce sont des disques très personnels, que je revendique, en quelque sorte. Ce ne sont pas des « disques de morts », des compilations hommages à la con. C'est un vrai travail d'album. Par exemple, j'aimerais bien sortir mes musiques pour la dizaine de films de Ferreri pour lequel j'ai travaillé, et aussi mes partitions pour Jacques Rouffio comme « Le Sucre ». Rien de nécrologique là dedans.
Vous ne faites pas de concert de vos musiques ?
Non. Je vais peut-être en faire un. Une musique comme « Fort Saganne » ou « Le Train », ça fonctionnerait peut-être en concert, encore faut-il que j'aie l'orchestre. Peut-être si j'étais resté aux Etats-Unis, j'en aurais fait, mais en France, il est complexe de trouver un orchestre à la hauteur.
Je suis parti aux Etats-Unis pour l'Oscar à l'occasion de ma nomination pour « Tess ». J'ai fait une trentaine de films américains, et j'aurais peut-être dû rester là-bas, mais les gens avec qui je travaillais habituellement n'étaient pas morts, alors je revenais en France. Aujourd'hui, je me dis que j'aurais dû rester là-bas. Dans les années 1990 et 2000, j'ai fait de gros films américains, et j'aurais aussi bien fait de rester là-bas. Je serais revenu pour « Nelly et Monsieur Arnaud » et puis voilà.
Vous avez l'impression d'avoir raté quelque chose là-bas ?
Non, mais comme je n'ai pas 90 ans, mais 55 ans, c'est exactement ce que je vais faire : foutre le camp. Il n'y a plus rien à faire, ici. Même si je reviendrai de temps en temps pour faire quelques films, évidemment, mais il n'y a plus grand-chose à faire en France.
Vous pensez à qui ?
Je compte préparer une comédie musicale avec Marshall Brickman , qui fut scénariste de Woody Allen, avec qui j'ai fait trois films américains. J'ai aussi un projet de film de lui avec Jack Nicholson.
Pour moi, le cinéma français c'est fini. A part un ou deux films qui me plaisent, et les rares gens qui me plaisent. Je n'ai pas envie de travailler sur des daubes. Quand on a connu le caviar, on n'a pas envie de manger des œufs de limpe.
Et aux Etats-Unis, avec quels réalisateurs vous trouvez-vous des affinités ?
Déjà, la musique de film à l'étranger, et particulièrement aux Etats-Unis, n'est pas considérée comme de la merde, contrairement à ici. Je suis un véritable compositeur de cinéma, un vieux dinosaure, et je m'ennuie. Alors, j'ai quand même des projets, en France. Je fais le film de Jean-Pierre Améris (« Je m'appelle Elizabeth »), qui est un autre « jeune vieux » réalisateur intéressant. Je continuerai de travailler avec Alexandra, qui est proche de l'esprit et de la perfection de Sautet. Je vais aussi faire « Le Grand Maulnes », qui est un beau projet, réalisé par Jean-Daniel Verhaeghe, avec qui j'avais fait « Le Rouge et le Noir » (téléfilm, 1997) écrit par Jean Cosmos, l'auteur de « La Fille de d'Artagnan », que je connaît depuis une éternité. Mais c'est très peu de films, finalement. Je suis les trois quarts du temps à rien foutre. Parce que je ne peux pas être devant un con, je ne peux rien lui apporter. Je préfère rester six mois avec un type qui a du talent, même si ça ne me rapporte rien, plutôt que de travailler avec un type qui n'a pas de talent. On ne peut pas me demander ça !
Mais il y a des talents en France… des réalisateurs comme Bruno Dumont, Philippe Grandrieux ?
Ce n'est pas la question. Ces gens-là pensent que je suis mort ! Peut-être qu'ils n'aiment pas ma musique, je n'en sais rien. Mais les gens pensent que je suis un vieillard, alors ils n'ont peut-être pas envie de se retrouver avec un vieillard. Et comme je n'ai pas envie de faire une campagne publicitaire, tant pis.
Aux Etats-Unis, la génération de compositeurs est beaucoup plus âgée, finalement…
Vous savez pourquoi ? Parce que des compositeurs jeunes, ici, il n'y en a plus. Enfin des « vrais », j'entends bien. J'ai été une exception, de commencer si jeune, sur de si gros films. En France, à l'époque, il y avait François De Roubaix, Georges Delerue... Par contre, en Angleterre ou en Amérique, je n'aurais jamais pu commencer à 16 ans. A 50 ans, aux Etats-Unis, on est encore un jeune compositeur. Ici, on est un vieux con.
Je pense par exemple à Philippe Rombi, Eric Neveux…
Pour moi, ils sont inexistants, peut-être dans 10 ans ils s'affirmeront, enfin je l'espère pour eux… Peut-être qu'ils feront de bons films. Mais pour l'instant, ils sont assez légers. Ce que je veux dire, c'est qu'ils sont obligés de faire la musique qu'on leur demande. Je ne les critique pas, d'ailleurs je ne connais pas leur musique. Mais moi, mon problème, c'est que j'ai connu tellement d'émotions fortes, que je me dis : qu'est-ce que je fais avec ces gens-là ?
Auriez vous envie de retrouver Roman Polanski pour qui vous avez composé « Le Locataire » ?
Non, je n'ai pas envie de le retrouver, je me suis fâché avec lui. J'ai été très proche de lui sur trois films, parmi ses plus beaux d'ailleurs (« Tess » et « Le Locataire »), mais aujourd'hui, un homme de 73 ans qui fait « Oliver Twist », je trouve cela complètement fou. Surtout sans son scénariste, sans son compositeur... Disons que les derniers films de Polanski, depuis « Pirates », ne sont pas à la hauteur du réalisateur. Je ne lui ai plus parlé après « Pirates », donc je ne sais plus qui est Polanski. Je n'ai jamais eu d'explications sur ma scission avec lui. Si je devais vous résumer ce que je peux vous dire de Polanski, c'est que j'ai fais trois films avec lui, deux bons, un mauvais, et une amitié loupée.
Qu'est-ce qui pour vous a changé entre les années 70 et aujourd'hui dans la manière de faire de la musique de film ?
Dans les années 70, je ne savais pas trop ce qui se passait, qui travaillait avec qui, sur quoi… Je débutais. Avec Sautet, je travaillais en amont du film, c'était assez agréable. Avec Corneau (« Fort Saganne »), j'ai écrit la musique avant le tournage. On a fais deux ou trois raccords pour que ça colle, mais il n'y a pas vraiment eu de problème. Aujourd'hui, les metteurs en scènes, ce sont des cuisiniers. Ils n'ont pas vraiment de culture cinéphilique, et pour moi c'est très grave. Il n'y a plus de véritables cinéastes, on saisit mal les relations entre les réalisateurs et les compositeurs. Du coup, il n'y a pas non plus de véritables musiciens qui puissent s'exprimer sur les films qu'on leur fait faire.
Quelle est votre appréhension des nouveaux supports, comme Internet ? Vous n'avez pas de sites…
Pleins de gens le font pour moi, des sites de « fans », mais c'est vrai que je n'ai pas créé mon propre site. J'ai toujours un problème avec cette histoire d'hommage, de montrer ce que j'ai fait. Quand je regarde ma filmographie, je suis assommé, je me dis que j'ai plus rien à faire, que je peux aller dormir… Mais je vais m'y mettre car Internet c'est un moyen convivial de rentrer dans la vie des gens. Ce sera bientôt un passage obligé. C'est un média capital que l'on peut maîtriser soi-même, pas encore assez répandu.
Et le DVD avec la parution de « La Valise » enrichie d'un entretien avec vous en bonus…
C'est Gaumont qui cherchait un bonus pour le DVD de « La Valise », et puisque presque tous les collaborateurs au film sont morts, ils ont cherché ceux qui étaient vivants.
C'est vrai que le DVD a une grande importance aujourd'hui. Ça explique peut-être aussi la baisse de fréquentation des salles, car le « home cinéma » ne vaut plus très cher. C'est génial, de partager ça, même si ça me transperce le cœur. Car la projection 35 mm, la salle obscure, ça n'existera plus. Ma mère était chanteuse à l'Opéra, j'ai été plongé très tôt dans de grands décors et de grandes mises en scènes, alors le DVD, vous savez… J'en regarde pas beaucoup, parfois pour de vieux films, ou des films que je n'ai pas vus. Avant je commandais une copie 35 mm du film que je voulais voir, et je me le projetais ici, chez moi, dans mon auditorium. Le DVD est de bonne qualité, on a un bon son, mais il n'y a plus le plaisir du groupe, les réactions du public. Moi, ça ne me gêne pas, je suis très friand de nouvelles technologies ! Mais sur le plan artistique, on a dégringolé. Je trouve qu'on a perdu de 1970 à 2000 le plaisir d'être ensemble. Chez les Anglo-saxons, ça existe toujours, malgré l'existence d'appareils encore plus sophistiqués.
Et l'électronique dans la musique de film ?
En France, le rapport aux nouvelles technologies, c'est le tout ou le rien, soit musiques symphoniques, soit du synthétiseur. Aux Etats-Unis, on peut mêler les synthétiseurs avec l'orchestre, cela demeure de la musique de film.
Et vous, vous avez utilisé de la musique électronique ?
J'ai été l'un des premiers avec « César et Rosalie », en utilisant ce fameux Moog, qui marchait mal. J'ai souvent fait ce genre de mélange, mais s'il n'y a pas de vrais musiciens, ça ne m'intéresse pas.
Vous êtes à la recherche d'un certain minimalisme…
En effet, avec Doillon, c'était deux ou trois musiciens, avec Ferreri, ça pouvait être une simple flûte. Je travaille de manière instinctive, et parfois, je trouve qu'un thème au piano est beaucoup plus fort qu'une masse orchestrale. Ce qui est beau dans le piano, justement, c'est qu'il ne faut rien mettre derrière, pour qu'un climat se crée. J'ai beaucoup utilisé les instruments solistes. C'est comme une femme : si elle est belle, elle est encore plus belle nue.
Et vous affectionnez aussi l'idée de contrepoint…
C'est mon côté iconoclaste aller contre le pléonasme. Je raconte avec ma musique une histoire parallèle, qui complète les images qu'on voit. Le type qui plaque la même chose sur la même chose, c'est inintéressant. Noir sur noir, ou rouge sur rouge, c'est nul. Je pense qu'il est intéressant d'ajouter une couleur qui fasse ressortir le noir, ou le rouge. La musique doit simplement apporter quelque chose de supplémentaire qu'il n'y a pas sur les images.
Vous retrouvez ce travail sur « Le Parfum de la dame en noir » ?
Oui, j'ai utilisé de la musique contemporaine sur des images de comédie, cela provoque un certain burlesque.
Vos souhaits pour l'avenir…
J'espère rester vivant, faire le film de Jean Pierre Améris (que j'ai déjà commencé), faire « Le Grand Meaulnes », le prochain Alexandra Leclère, le prochain Téchiné, et planter des « banderilles » en Amérique, des points de chute. Je veux me dépayser là-bas où on ne considère pas un mec de 50 ans comme fini. Je suis un type qui bouge beaucoup, mais je travaille toujours dans une atmosphère calme, je suis un peu claustrophobe quand je travaille. Je ne vis que pour mon métier, il y a que ça qui m'intéresse dans la vie. Et les femmes. Et mes deux enfants (Ponette et Liza, 7 et 6 ans).
Il est surprenant que, contrairement à Delerue, votre nom ne soit pas encore populaire pour le grand public...
Je ne dois pas être assez vieux. Mais la vérité, c'est que je n'ai jamais essayé de faire du Philippe Sarde. Ce qui m'excite, c'est de mettre ma sensibilité au service d'un metteur en scène. Il n'y a aucun égoïsme chez moi. Et aussi, les gens ne peuvent pas me cataloguer car j'ai fait des choses très différentes.
Chez Delerue, on retrouve l'esprit du « Mépris » dans plusieurs de ses films…
C'est du Bach qu'il a développé toute sa vie. Ainsi, il y a une image de lui de la même musique, d'où sa popularité. Il n'a jamais osé entrer dans un studio avec une clarinette seule. Ce qui est fort, c'est qu'il a continué de faire « Le Mépris » aux Etats-Unis. Le plus drôle c'est cela, qu'il a continué de faire du Delerue en Amérique. La raison à cela, c'est qu'il était avant tout orchestrateur. Pour moi, il faut naître compositeur pour faire de la musique de film.
Si vous composez aux Etats-Unis, vous aurez affaire avec toute une équipe imposante d'orchestrateurs…
Quand j'ai composé pour des films américains, j'avais une dizaine d'orchestrateurs crédités, cela ne m'a posé aucun problème, je leur demandais de rester chez eux. Aux USA, il y a une quarantaine de copistes.
On va même jusqu'à marquer son nom au générique d'un film alors que c'est l'orchestrateur qui a composé…
Oui, c'est extraordinaire… Il arrive que le compositeur devenant connu colle son nom et d'autres gens composent. C'est possible car il n'y a aucune personnalité. Moi, ce qui m'intéresse aux Etats-Unis, c'est de faire de la musique comme j'ai toujours fait, c'est de rester moi-même.
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