Cinezik : Quel est votre parcours de musicien ?
Bedis Tir : J'ai commencé il y a une dizaine d'années en jouant du blues et du rock avec des amis. Petit à petit, j'ai eu l'envie d'expérimenter de nouvelles choses. J'ai étudié la musicologie à la faculté d'Aix, j'étais en contact avec des gens du conservatoire, très conservateurs, et il y a eu une réaction. J'ai quitté les bancs de la fac, et suis venu à Paris. Avec mon groupe Mama Stone & The Swang Gang, on a commencé à faire des films. J'ai signé ma première BO ainsi, j'en ai signé une dizaine depuis.
Quand vous faites des musiques de films, qu'est-ce qui vous inspire ? Le scénario, l'image...
B.T : Je n'ai pas forcément besoin de l'image, c'est le scénario. L'image joue beaucoup, mais ce n'est pas l'élément principal. On retrouve déjà les ambiances et les sensations en lisant le scénario. C'est différent pour chaque film. Parfois c'était à l'image et lorsque le film n'est pas encore tourné, ce sont des discussions avec le réalisateur.
Vous êtes à la fois compositeur et sound-designer, la raison pour laquelle vous privilégiez la texture dans vos compositions ?
B.T : C'est en effet souvent de la texture, mais pas tout le temps, car ça peut desservir une image aussi.
Pour L'ATELIER, comment s'est passé le travail avec Laurent Cantet ?
B.T : Il m'a invité à venir à la Ciotat pour la préparation du film, pour de la musique qui servait aux jeunes de l'atelier. On a donc d'abord travaillé sur cette musique-là. On a beaucoup discuté, j'avais le scénario. Une fois que le film a été tourné, il m'a montré une version du montage en me donnant carte blanche.
Pour une musique correspondant aux personnages, ces adolescents en réinsertion, il était évident de proposer du Hip Hop ?
B.T : On n'est pas parti directement sur de la musique Hip Hop. Laurent Cantet voulait au départ une musique qui puisse représenter et faire sentir la haine qu'ont ces jeunes en eux, et qu'il soit logique que ces jeunes l'écoutent. Je voulais faire au départ une techno très dure, mais il était bien d'avoir du texte et de pouvoir l'exprimer par des paroles. Cela donne un hip hop assez énervé, notamment le titre "La Défausse", écouté par ces jeunes sur le plateau et dans le film, écrit par mon groupe 7e Sky avec mon acolyte Edouard Pons pour le texte, qui a conçu la BO avec moi.
Vous interprétez aussi une chanson, "Bark at the Moon", celle du début du film...
B.T : Ce morceau est venu en premier et a permis de débloquer toute l'écriture de la musique pour le film. Je me suis dit qu'il serait bien de commencer par une musique qui puisse exister sans les images, et d'y trouver tous les éléments constitutifs qui seront ensuite déclinés avec les images. J'ai donc travaillé d'abord sur ce morceau en prenant des sons du direct qu'avait pris l'ingénieur du son, des sons déjà musicaux, des bruits de cordage sur le port de la Ciotat, des coques qui résonnent... J'ai traité ces sons comme des instruments. De là on a ajouté de vrais instruments... Cela donne cette atmosphère aqueuse et a donné les fondations de toute l'esthétique musicale du film.