Interview B.O : Cyril Atef / VIVA RIVA et TUE-MOI

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Interview réalisée le 23 avril 2011 par Benoit Basirico - Publié le 23-04-2011




Cyril Atef signe la musique de deux films aux antipodes, VIVA RIVA de Djo Tunda Wa Munga a une musique omniprésente sur un ton plutôt rythmé et festif, tandis que TUE-MOI de sa soeur Emily Atef a une musique rare et délicate, mélancolique et atmosphérique.

Cinezik : Comment définir votre univers musical aussi différent que celui de vos groupes Bumcello et de Congopunk ?

Cyril Atef : Je suis un musicien éclectique, j'ai toujours écouté des styles variés, du speed metal à la musique africaine, en passant par la musique classique.
Congopunk et Bumcello sont des projets différents, mais ce qui les rapproche, c'est la "transe". Les concerts de Bumcello, avec Vincent Ségal, sont improvisés, on aime ce risque. Congopunk est un projet plus expérimental. Je suis le seul musicien dans ce groupe (batterie, chant, instruments africains avec des lamelles en métal). Mon partenaire Dr Kong est un "performer". Cette démarche se rapproche du dadaïsme.

Est-ce que votre groupe Bumcello a participé au film TUE-MOI comme ce fut le cas pour MOLLY'S WAY, un précédent film de la réalisatrice ?

C.A : TUE-MOI est vraiment mon univers propre. Bumcello n'a pas collaboré comme ce fut le cas en effet sur MOLLY'S WAY, même si mon acolyte du groupe Vincent Ségal a fait une composition un peu orientale pour ce film, présente lorsque le personnage traverse Marseille en taxi.

Comment s'est déroulée la collaboration avec Emily Atef ?

C.A : Je suis un musicien qui vient du "live", qui fait des albums et des concerts, mais ça me plait de collaborer avec des réalisateurs, ce qui n'est pas évident, ce ne sont pas des musiciens, il faut être à leur service. Ma soeur Emily, la réalisatrice, aime le catalogue musical du label allemand de jazz expérimental ECM et s'en est inspiré. Le superviseur musical du film est le patron du label, Manfred Eicher, qui lui proposait des titres. Parfois je proposais des choses alternatives qui fonctionnaient mieux, parfois elle a gardé des morceaux de chez ECM qui sont restés dans le film. Il y a un mélange. Mais elle met peu de musiques dans ses films, j'ai essayé d'être sobre et naturaliste. Je me suis inspiré des ambiances.

Y a-t-il eu une part d'improvisation ou la partition a été écrite avec précision ?

C.A : J'ai écrit cette partition, d'autant plus qu'un guitariste est venu jouer des parties. Emily m'a soumis les séquences où elle voulait de la musique. J'avais un timing précis. Lors de la séquence où la fille joue du football avec des enfants, il devait y avoir une musique mais au final on l'a enlevée.

Peut-on dire qu'il y a des thèmes dans cette partition ?

C.A : Il y a un thème lent au piano lorsqu'ils sont dans le port de Marseille qui réapparait à la fin du film à la guitare lorsqu'ils courent. Ces thèmes se répondent harmoniquement.

Quand est-ce que vous êtes intervenu dans le processus ?

C.A : Sur TUE-MOI, je suis intervenu sur les images. Pour VIVA RIVA, j'ai commencé sans images pour écrire la musique avant le tournage, puisque ma musique était utilisée lors des séquences de discothèque. Puis j'ai reçu des images deux jours avant de rentrer en studio.

Comment vous êtes arrivé sur le film congolais VIVA RIVA ?

C.A : Le producteur avait entendu un des morceaux de Cogopunk qu'il a soumis à Fabien Lhérisson le superviseur musical et j'ai été choisi parmi cinq autres compositeurs. Puis en 2009, je suis allé travaillé 10 jours à Kinshasa avec le réalisateur pour m'imprégner de l'ambiance de cette ville. Je suis allé voir des lieux de musiques traditionnelles et modernes, des répétitions et concerts, et je demandais aux musiciens si je pouvais jouer avec eux, ils se demandaient qui était ce blanc qui voulait prendre les baguettes. Ils m'ont vite apprivoisé.

Bien avant ce film, via votre groupe Congopunk, la musique congolaise était présente dans votre travail, comment est née cette source d'inspiration ?

C.A : En créant Congopunk, je me suis inspiré du groupe congolais Konono N°1 que je connais depuis 20 ans, et qui est connu maintenant. C'est une musique à la fois mélodique et percussive. Le groupe est donc à la fois inspiré de cette musique et de mon goût pour le punk. Il reste un aspect punk dans VIVA RIVA dans l'énergie agressive du rythme. Pour cette BO, je me suis entouré avec des musiciens que je connais depuis des années, comme Yves Robert, un vieil ami, également Thomas Bloch, qui avait déjà joué sur le premier disque de Congopunk. Il y a aussi Flamme Kapaya, grand guitariste de rumba zaïroise que j'ai rencontré grâce à Fabien Lhérisson et que j'ai fait joué sur plusieurs morceaux. Il a apporté une touche d'authenticité.

Quelles étaient les intentions du réalisateur Djo Tunda Wa Munga ?

C.A : Il me parlait des musiques de Ennio Morricone pour Sergio Leone ou même "Le Clan des siciliens". Il m'a donné une liste de morceaux, même s'il n'en reste pas grand chose au final. Il voulait surtout cette énergie congolaise, électro, transe, pas du pur congolais, ce n'est pas authentique à 100%. On n'est pas ici dans une musique dramatique comme sur TUE-MOI mais dans une musique qui se danse.

Plus généralement, qu'aimez-vous dans la musique de film ?

C.A : J'aime beaucoup "There will be blood" de Jonny Greenwood. Je connais un peu le milieu de la musique de film car je suis parfois musicien pour Alexandre Desplat, cela fait plus de 15 ans que je fais occasionnellement des séances pour lui en tant que batteur. Je l'ai fait sur THE GHOST WRITER, le dernier Polanski, également TWILIGHT 2, et avant qu'il soit connu à Hollywood avec UNE CHANCE SUR DEUX de Patrice Leconte. C'est Vincent Ségal qui travaille avec lui depuis les premiers Jacques Audiard qui m'a présenté à lui. Je me suis confronté dans cette expérience au sous-mixage, je n'entendais presque plus ma batterie, je ne reconnaissais plus la partie que j'avais jouée, mais c'est souvent le cas dans le cinéma français. Le mixage de TUE-MOI où la musique est en arrière plan me convient, il ne faut pas non plus que la musique soit trop en avant non plus. Plus récemment, j'ai écrit deux morceaux pour UN MONSTRE A PARIS avec Mathieu Chedid. J'aimerais faire d'autres dessins animés. Je suis quand même beaucoup plus attiré par les films expérimentaux et sombres comme les films de Cronenberg et Lynch (j'ai adoré ce que Badalamenti a fait pour "Lost Highway", notamment le reggae lent pour la scène dans la voiture), et aussi le naturalisme des films iraniens, je sais que Emily s'en inspire beaucoup.  Sinon, je ne viens pas du tout du conservatoire, j'ai fait des écoles de jazz et de musiques modernes à Los Angeles et à Boston, je suis allé à Berklee College of Music, je n'ai donc pas une formation classique permettant d'écrire pour un orchestre, mais il n'est pas trop tard pour apprendre.

 

Interview réalisée le 23 avril 2011 par Benoit Basirico

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