Vous commencez votre carrière musicale dans les années 80 avec la musique électronique : quelles sont vos références musicales de l’époque ?
Mes influences proviennent surtout de la musique minimaliste américaine, comme Steve Reich, Philip Glass ou Terry Riley, de la même manière que je m’intéresse à la musique électronique européenne comme celle de Brian Eno. J’avais aussi beaucoup de musique classique, de pop et de musiques du monde chez moi. Mon ambition était de créer une musique avec une structure classique (écriture, contrepoint) tout en travaillant pour un public « pop ».
Quelle est votre formation musicale ? Comment êtes-vous arrivé à la musique de film ?
Je suis en grande partie autodidacte, mais j’ai suivi quelques cours du compositeur chilien Gabriel Brncic. Je suis arrivé à la musique de film au travers de mes concerts : le réalisateur Agustín Villaronga avait entendu parler de moi et est venu à l’un de mes concerts alors qu’il préparait son film IN A GLASS CAGE (1987). C’est comme ça que nous nous sommes rencontrés.
Vous poursuivez ensuite dans le cinéma dans les années 90 en collaborant entre autres avec Agustí Villaronga et Antonio Chavarrías régulièrement pour toutes sortes de films (drames, thrillers…) : que retenez-vous de cette période ?
Mes débuts dans le cinéma n’ont pas été faciles, malheureusement je n’ai pas beaucoup de très bons souvenirs ! Mais bien sûr, j’apprécie ces cinéastes, et je collabore encore avec certains d’entre eux. J’ai beaucoup appris d’eux.
Comment avez-vous connu Guillermo Del Toro ?
Je l’ai rencontré à Madrid, après qu’il ait vu le film EL MAR de Agustín Villaronga. Il avait apprécié la musique et il a exprimé son souhait de m’engager pour L’ÉCHINE DU DIABLE.
Comment avez-vous choisi la couleur musicale de ce premier film avec Del Toro, qui se déroule pendant la guerre civile espagnole ?
L’ÉCHINE DU DIABLE tout comme LE LABYRINTHE DE PAN sont des films d’époque. Cette période (les années 30) compte parmi mes favorites en musique. De nombreux compositeurs d’avant-garde de l’époque, tels que Chostakovitch ou Stravinsky, ont soumis leur musique à un cadre plus structuré propre à la musique de film, en se fixant des règles. C’est de là que vient la musique de film, elle a permit de mettre en forme les folies de l’avant-gardisme de cette époque. Mes choix musicaux pour L’ÉCHINE DU DIABLE et LE LABYRINTHE DE PAN proviennent de là.
Comment compareriez-vous votre musique pour LE LABYRINTHE DE PAN en résonance avec votre partition pour L’ÉCHINE DU DIABLE ? Il y a des thèmes communs : l’enfance, la guerre, le mystère…
La principale différence est mélodique : LE LABYRINTHE DE PAN est un score qui comporte des thèmes plus marqués, plus nombreux. Il est aussi moins tendu, plus délicat, plus féminin.
Vous avez composé une sorte de berceuse pour LE LABYRINTHE DE PAN : cette musique évoque l’innocence de l’enfance face à la violence de la guerre, et donne tout son sens au film. S’agit-il d’une idée de Del Toro ou la vôtre ?
C’est entièrement une idée de Guillermo : cette berceuse figurait déjà dans le script du film, et il s’en ai même servi pour le tournage de certaines scènes. Je l’ai donc composé en amont du film.
Pouvez-vous nous décrire votre relation avec Guillermo Del Toro ?
Travailler avec lui est très plaisant. Il aime sincèrement la musique, et apprécie toujours chaleureusement chaque étape du processus de création de la musique de ses films. Nous avons une vraie relation amicale, et lorsqu’il n’aime pas quelque chose dans la musique (et je peux vous dire entre nous que ça n’arrive pas très souvent !), il l’exprime très clairement. A l’inverse, la même chose se passe lorsqu’il apprécie la musique. Je commence à travailler sur les images dès qu’il a des séquences montées, souvent avant même que l’ensemble du film soit terminé. Pour LE LABYRINTHE DE PAN il y a donc eu beaucoup de changements, j’ai travaillé sur de nombreuses versions du film, mais il y a toujours eu cette berceuse qui, comme un fil rouge, nous a donné la couleur du film depuis le début du processus de composition.
Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)