Pourquoi Claude Lelouch a fait appel à vous pour ROMAN DE GARE, alors qu'il avait l'habitude de travailler avec Francis Lai ?
AJ : Claude Lelouch a produit le film de Bernard Werber NOS AMIS LES TERRIENS dont nous avons composé la musique avec Grégory Tanielian (arrangement, compo et programmation) et Loïc Etienne pour quatre titres. La première rencontre s'est faite par ce biais. Stéphane Mazalaigue, monteur de nombreux films de Claude, a utilisé certains des titres de NOS AMIS LES TERRIENS sur le prémontage de ROMAN DE GARE, Claude a bien aimé et il a pensé à nous pour illustrer l'univers sombre de son film. Sans cette première approche musique/sound design sur NOS AMIS LES TERRIENS, Claude n'aurait pas pu essayer ce type de mélange sur son film.
Comment se passe le travail musical avec Lelouch ?
AJ : Contrairement à mes précédentes musiques de films, Claude "prend" la musique et l'utilise. Il n'aime pas avoir de la musique composée à l'image.Il préfère caler lui même les titres. J'étais un peu réservé au début, mais ses choix m'ont étonné et sont souvent très efficaces.
L'idéal était de pouvoir en amont réfléchir et discuter avec le réalisateur. On peut mieux comprendre et cerner son univers artistique et musical. On peut évoquer des sensations, des références, des mariages musiques/images qui l'ont marqué. Sans passer obligatoirement par des "temp tracks", on peut définir plus facilement un territoire musical : gamelan ou piano, orchestre ou verrophone (dans le cas de NOS AMIS LES TERRIENS, les quatre!!)
Plus généralement, quel langage la musique doit avoir pour vous dans un film ?
AJ : Tout, sauf une paraphrase de l'image. J'aime bien l'idée de raconter ce que l'image ne montre pas. Comme exemple sur le téléfilm "l'abbaye du revoir" de Jérôme Anger nous avons travaillé avec une chanteuse au timbre très particulier qui représentait la mère absente.
D'où vient l'inspiration, pensez-vous à des influences externes ?
AJ : Musicologue averti, je laisse le soin à Greg de répondre.
GT : On est très attentif à ce qui ce fait de l'autre coté de l'atlantique avec des compositeurs comme Thomas Newman, ou Hans Zimmer qui n'hésites pas à mélanger orchestre et électronique. On est aussi beaucoup attaché à des compositeurs plus "classique" comme John Williams ou Philip Glass.
AJ : Et à Alexandre Desplat entre autre pour la BO de "Birth", un vraie belle réussite.
Comment votre musique évolue t-elle avec les chansons de Gilbert Bécaud ?
AJ : La bonne idée de Claude ( qui adoooore les chansons), c'est d'avoir Bécaud en fil conducteur dans le film. Il a utilisé la musique originale autour des chansons pour poser des ambiances ou dynamiser certaines scènes.
Pour revenir à NOS AMIS LES TERRIENS de l'écrivain Bernard Werber, quel fut ce travail ?
AJ : Un travail captivant, nous avions travaillé sur le court métrage "Nos amis les terriens" de Bernard. Il a donc refait appel à nous (Greg et moi) et à Loîc Etienne qui avait travaillé sur son premier court métrage. Nous avons eu beaucoup de conversation préparatoire avec Bernard qui avait déjà des idées précises de musiques (il est fan de BO !). L'écoute de "Solaris", par exemple, ou du travail de Thomas Newman a beaucoup dirigé notre réflexion.
Parlez un peu de votre parcours pour en arriver là...
AJ : J'ai étudié le Piano au CIM (jazz) mais je suis surtout autodidacte ! J'ai commencé par des habillages télé, des musiques de pubs. Ma première BO date de 98, "Francorusse" un film d'Alexis Miansarow avec Mathilde Seigner.
J'ai ensuite crée Start Rec, une société de production son pour pouvoir continuer à développer un savoir faire de bande son avec quelques camarades de valeurs
Comment conciliez-vous le travail musical et les activités annexes comme la télé ? C'est original d'ailleurs qu'un compositeur soit aussi animateur télé...
AJ : J'ai toujours rêvé de faire découvrir des compositeurs ou des musiciens qui me tenaient à coeur. J'ai commencé sur MCM avec "Private jack" en 98 et depuis 2001 sur France 2. Aller rencontrer Schifrin ou Shore c'est juste un pur bonheur ! (et puis en tant que compositeur, c'est une chance de leur poser hors caméra des questions pointues).
Vous êtes également scénariste ("Monde de Marty"), quel fut ce travail ?
AJ : Par un effet du hasard, c'est une longue longue histoire, c'était ma deuxième BO. J'ai eu la chance de faire un peu de musique avec Michel Serrault sur le tournage, il jouait de la trompinette. C'est un très beau souvenir.
Quels sont les points communs et spécificités des travaux publicitaires par rapport à ceux cinématographiques ?
AJ : A part les délais et les budgets, nous essayons (chez Start Rec) d'avoir la même approche, d'avoir une vision latérale. Nous réfléchissons à chaque fois à la cohérence de la bande son en terme de musique, mais également en terme de sound design, de voix off. Nous utilisons des temp tracks et des notes d'intentions comme pour une BO.
Quels sont vos goûts musicaux ?
AJ : Bach, Prokofiev, Stravinsky pour le classique, Glass, De roubaix, Newman, Hermann pour le cinéma.
Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)