Interview B.O / Sébastien Betbeder et Minizza : dans ULYSSE & MONA, la musique réveille le monstre

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Propos recueillis à Paris le 29 janvier 2019 par Benoit Basirico - Publié le 30-01-2019




Sur ULYSSE & MONA, au cinéma depuis le 30 janvier, le duo Minizza (Franck Marguin, Geoffroy Montel) retrouve Sébastien Betbeder après LE VOYAGE AU GROENLAND (2016) avec des sonorités électroniques tantôt pop tantôt sombres, et qui glissent progressivement vers le piano à l'aspect plus mélancolique et minimaliste pour convoquer le lien qui nait entre Ulysse (Eric Cantona) et Mona (Manal Issa). 

Cinezik : Le choix musical de ULYSSE & MONA s'est porté à nouveau sur Minizza après LE VOYAGE AU GROENLAND (2016)...

Sébastien Betbeder : L'envie de retravailler avec Minizza était très fortement à la base du projet. L'expérience du VOYAGE AU GROENLAND avait été tellement gratifiante, dans tous les sens du terme, pour le film et dans notre collaboration. Quand le scénario d'ULYSSE & MONA s'est achevé, je n'ai pas réfléchi très longtemps avant de leur proposer. Mais je ne savais pas trop ce que j'allais leur demander, ni dans quelle direction on allait partir.

Comment s'est alors construite la musique du film ?

S.B : On a écouté beaucoup de musiques. On a essayé d'avoir un espèce de magma musical qui constituait des références communes.

Franck Marguin (Minizza) : On discute beaucoup en amont. Sébastien nous fait lire le scénario. On réagit et on rebondit sur cette lecture. On parle d'envies communes. Si un de nous trois a une envie qui n'est pas suivie par les autres on l'abandonne tout de suite. On part donc sur des envies communes, et sur ce nouveau film l'idée était au départ liée à la musique des Giallos italiens des années 70, ainsi qu'aux BO de John Carpenter. Mais il était hors de question de reproduire l'un ou l'autre, c'était juste des lignes directives, parce qu'à la lecture du scénario de Sébastien j'ai senti une ambiance de films d'horreur. Pour moi, le personnage d'Ulysse (Éric Cantona), c'est Frankenstein chez James Whale, qui petit à petit se fait apprivoiser par une petite fille qui le ramène vers la vie. C'est un film d'horreur entre les lignes. C'était naturel d'aller vers ça.

S.B : Il y avait vraiment en effet cette idée d'une musique de film d'horreur de Giallos, ou de Carpenter, et demeurent au final des traces de cela dans la musique, notamment des choses assez explicites comme la musique que le personnage d'Ulysse écoute sur un vinyle dans son manoir et sur laquelle il danse. Cette musique de Minizza est vraiment sous influence.

F.M : Le morceau s'appelle d'ailleurs "Giallo".

S.B : Il y avait aussi cette musique sur laquelle danse Ulysse, on avait choisi en référence un morceau de Morricone, c'était en accord avec vous.

F.M : En revanche, on n'a pas du tout fait la même chose pour ce morceau de Morricone, mais on a gardé le tempo pour que le geste de Cantona soit synchro.

Cette partition est assez différente de celle de VOYAGE AU GROENLAND...

S.B : J'ai l'impression que là où commence ULYSSE & MONA musicalement, c'est là où s'arrêtait LE VOYAGE AU GROENLAND, puis après la musique évolue à l'Interieur du film. Mais j'aime bien ce pont qui se fait entre les deux films.

F.M : Sébastien nous a demandé petit à petit une musique de plus en plus épurée et de plus en plus au piano. Voire même au piano solo.

On retrouve la place essentielle dans votre travail de la mélodie...

Geoffroy Montel (Minizza) : On a toujours envie, comme dans LE VOYAGE AU GROENLAND, de se baser sur des thèmes forts. On compose souvent des thèmes pour les personnages. Il y a un thème pour Ulysse, le thème de Mona, etc. et après on les décline.

F.M : Sur la base du scénario, on écrit des thèmes très simples qu'on envoie à Sébastien juste pour qu'il nous valide les choses. On a les thèmes principaux à ce moment-là. Sur ULYSSE & MONA, quand on était en train de composer au studio, Sébastien était au montage, donc on faisait des allers-retours tous les jours. La forme définitive de la musique s'est vraiment précisée à ce moment-là.

Le film (noir, sentimental, nostalgique et poétique) est aussi surtout une comédie, avez-vous joué musicalement sur ce registre ?

F.M : On fait des albums à côté des BO où on a un son électronique très rond, très sautillant. On n'a pas peur de la pop, on est très influencé par des compositeurs des années 70. Je pense que l'aspect comédie du film passe par la rondeur des sons. Notre musique ajoute cet aspect comique naturellement, par ses choix de production. Car paradoxalement, les morceaux plus ambiants du film, notamment ceux où Ulysse roule en voiture dans la nuit, sont très très sombres parce que là justement on n'utilise pas ce son rond, on est davantage avec des nappes et des drones.

S.B : C'est un film très condensé de 1h22, un film de rencontres avec des moments de rendez-vous, ce qui impliquait de vraiment bien gérer les silences qui sont presque aussi important que la musique de Minizza. On a besoin de se reposer d'un thème (dans le bon sens du terme), de l'avoir encore dans un coin de l'oreille même s'il n'y a plus de musique, même si ce sont les sons du film qui ont repris le dessus. Et le travail qu'ils ont fait sur le Vinyle est vraiment magnifique parce qu'ils ont réutilisé des dialogues et des sons du film qu'ils ont réinvestis musicalement au sein de leurs thèmes. C'est une autre lecture du film que je trouve passionnante.

Enfin, mentionnons la scène de concert du film lors de laquelle on voit à l'image le groupe INSTITUT...

S.B : J'avais envie de retrouver ce que j'avais aimé dans la saison 3 de TWIN PEAKS, où un groupe intervient comme un comédien et influe sur le personnage. Il me fallait donc un morceau et j'ai rencontré à une soirée Arnaud Dumatin de INSTITUT. Je ne connaissais pas du tout le groupe, je l'ai découvert assez récemment, et les morceaux sont entrés en écho avec ce que j'étais en train de faire sur ce film. La musique à quelque chose d'absolument nihiliste et aussi pleine d'humour qui me semblait correspondre au personnage d'Ulysse.

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Propos recueillis à Paris le 29 janvier 2019 par Benoit Basirico

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