Interview B.O avec Jean-Baptiste de Laubier (PORTRAIT DE LA JEUNE FILLE EN FEU, Prix du Scénario Cannes 2019)

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 22-05-2019

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Jean-Baptiste de Laubier (Para One) retrouve Céline Sciamma une 4e fois depuis NAISSANCE DES PIEUVRES (2006) avec un unique morceau choral composé avec Arthur Simonini et entendu au bout d'1h18 de film, puis repris au générique final. Il nous raconte la genèse de cette musique poignante qui représente une sorte de climax dans le film. 

Cinezik : Comme sur TOMBOY, votre contribution à un film de Céline Sciamma est celle d'un unique titre composé, mais ici il a une grande puissance émotionnelle...

Jean-Baptiste de Laubier : Ce n'est pas la quantité qui prime dans ce film, mais on parle beaucoup d'art, du rapport aux émotions, des sensations... Je trouve très beau cette idée de découvrir une musique à une époque où pour l'entendre il faut se déplacer, où ce n'est pas si simple d'avoir accès à cette musique. Et je constate qu'une fois sur deux Céline ne met pas de musique dans ses films. C'est presque une statistique. Le point commun avec TOMBOY c'est que je suis d'accord avec son parti pris de travailler la bande-son plutôt que la bande musicale sur la majorité des films puisque ça sert sa mise en scène et son propos. Dans TOMBOY je lui avais fait écouter un morceau qu'elle a utilisé sans même me prévenir, là c'est différent, il y a une commande, un projet de séquence en musique conçu par Céline qu'elle est venue me soumettre. C'est donc le sens inverse, elle est venue me chercher avec ce projet musical écrit sur les images, à la lecture du scénario, avant le tournage. J'ai écrit ce morceau avec Arthur Simonini qui jouait déjà les violons sur BANDE DE FILLES. On a travaillé dès le départ ensemble, je travaille beaucoup avec lui notamment sur les arrangements et sur les chorales. J'avais besoin de quelqu'un qui avait cette expérience.

Etiez-vous présent sur le tournage pour la réalisation musicale de la scène ?

JBL : On était avec Arthur sur le tournage pour faire l'interface. Il fallait absolument qu'on puisse faciliter les échanges avec la chef de chœur, les interprètes, l'équipe du son, il y a plein de questions qui se posent pour la synchronicité, pour le play-back, pour le calage... et aussi un peu en observateur, c'était un très beau moment.

Y a avait-il des références pour correspondre à l'époque filmée ?

JBL : On a beaucoup réfléchi à la question de l'époque, à la crédibilité. On a enquêté pour obtenir la musique crédible du XVIIIe siècle, en Bretagne, chantée ainsi sur les rythmes et sur les danses. Il y a des réminiscences de ça en terme de cadence. Mais on a parlé aussi de Ligeti avec Céline. Elle était d'accord sur le fait d'être moderne, de s'affranchir du rapport à l'époque. C'est un film moderne. C'est le "2018e siècle" qu'elle a voulu créer, c'était son expression. Elle est donc retourné écouter Ligeti pendant trois jours et elle est revenue avec une cadence frénétique, c'était une grande inspiration, un déblocage, on a trouvé le tempo. Et je le dis toujours, quand on a le tempo on a fait la moitié du chemin. Quand j'ai évoqué Ligeti, je pensais à la découverte du monolithe dans "2001, L'Odyssée de l'Espace". Elle était sur cette référence là, même si c'est très éloigné de ce qu'est la séquence évidemment. C'est une polyrythmie très sophistiquée quand on écoute bien les claps. Il y a aussi un peu de Steve Reich qui est un tropisme avec Céline. Et cette fois-ci, il n'y a aucune présence électronique, à part les moyens de production employés évidemment. C'est assez jouissif de faire ça !

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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