Cannes 2019 : Interview B.O avec Dan Levy (J'AI PERDU MON CORPS, Grand Prix de la Semaine de la Critique)

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Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico - Publié le 23-05-2019

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Dan Levy signe la musique de ce film d'animation, premier film de Jérémy Clapin, avec une partition de claviers, guitares, basses, flûte, ainsi qu'un quatuor... et des chansons de rap originales entendues par le personnage.


Cinezik : Il s'agit de votre premier film d'animation, est-ce que vous avez ressenti des différences en tant que compositeur ?

Dan Levy : Les gens de l'animation, c'est un autre monde. On n'est pas du tout dans la prise de vue réelle. C'est très minutieux, ils peuvent te décrire exactement ce qui va se passer à 9 minutes 28. Ils vous parlent en timecode. C'est assez étrange mais j'ai bien aimé parce que c'est très studieux, très laborieux, on peut rester une semaine sur trois secondes, c'est beaucoup de travail ! Il y a beaucoup de plans dans ce film, c'est ce qui a fait peur à tout le monde au début, c'est un film ambitieux !

Quelle a été l'approche musicale du réalisateur Jeremy Clapin ?

D.L : Jérémy avait très peur des émotions que pouvait apporter la musique, et pour moi c'était essentiel dans ce film-là, notamment parce que je travaillais sur une cinématique, je n'avais pas les vraies voix, donc il fallait apporter en avance l'émotion. Il était très réticent à l'idée, il trouvait que la musique prenait trop de place. Je me suis battu un petit peu pour ça. C'est un échange. Il faut savoir travailler avec des gens souples des deux côtés, je l'ai été, et lui devait l'être aussi.

Au final votre musique a une vraie contribution pour le récit du film...

D.L : C'est la première fois où un réalisateur, avant même que je commence à travailler, me dit que je serai un co-auteur du film. Quand quelqu'un vous dit ça, ça vous laisse une liberté supplémentaire. Quand vous vous sentez cette responsabilité, vous donnez plus. Je parle beaucoup avec les gens du métier et on passe souvent pour des techniciens. Alors qu'il y a des gens qui pensent qu'on est des auteurs. c'était le cas du producteur qui m'a toujours parlé comme un co-auteur du film. Ca a tout changé dans ma vie et dans ma vision de la musique du film.

Votre musique est thématique, en lien avec les personnages, notamment avec cette main qui a perdu son corps...

D.L : Il y avait trois axes, il y avait le point de vue de la main, avec une musique un peu abstraite, sans vraiment de thème, avec des sonorités qui s'entremêlent, qui sont un peu perdues, qui ne savent pas où s'accrocher, des dissonances, du glissé... Jérémy tenait beaucoup pour l'axe de la main qu'on ne sache pas quels instruments jouent, j'ai trouvé ça intéressant. Il y a aussi l'axe du destin, c'est une mécanique qui tourne, des arpèges qui mettent la main dans l'engrenage avec ce thème très simple et très enfantin. Et enfin, il y a l'axe romantique, amoureux. C'était donc pour moi un jeu entre ces trois axes. Ça m'a beaucoup plu de faire ça.

Quel a été le travail avec le son film ?

D.L : Dans un film d'animation on part de zéro donc il y a tout à créer, alors que pour un film en prise de vue réelle, on part avec des dialogues et sons enregistrés. Là on avait rien. C'est à dire qu'une scène dans le métro, on en créé le son, puis on créé la musique, et une fois qu'on a la musique, on enlève du son. Je me suis beaucoup battu aussi pour qu'on épure vraiment le son. Il y a même des moments où on a coupé le son, ce qui est très rare. Parfois ça servait à rien d'entendre tout. La musique peut prendre le dessus.

Vous avez aussi pris en charge les morceaux de rap qu'on entend dans le film...

D.L : J'ai fait vraiment toute la B.O. Ça se passe dans les années 90 et Jérémy voulait absolument des morceaux de rap. Au début il avait mis NTM. Et j'avais repéré aux Printemps de Bourges un groupe de rap (l'ordre du périph', et son membre Swan), des jeunes de 20 ans. Je les ai donc appelé pour leur parler des deux passages de hip hop dans le film. On s'est vraiment amusé à faire ça, une journée en Studio.

Vous semblez revenir au cinéma après une dizaine d'année au sein du duo The DO...

D.L : Avec The DO, j'ai fait trois albums, j'ai vécu ces moments en studio, les promos, les tournées, ça dure entre un et deux ans, ça se répète, et j'en ai eu un peu marre. Je trouve qu'un film vous permet d'être seul (j'adore être seul, mais en même temps avec une équipe), de se concentrer sur un nouvel univers, de n'appartenir à rien, pour moi c'est vraiment synonyme d'une liberté totale. Demain je pourrais faire de la musique abstraite dans un film, ça ne me dérange pas. Et là j'avais envie de faire du lyrique, parce qu'on me l'a demandé. J'aime bien cette idée que d'être musicien c'est s'intéresser à tout, encore plus quand tu fais de la musique de film. D'ailleurs, je n'ai pas fait The DO parce que je voulais faire de la pop. C'était un accident quelque part. Je viens de la musique de théâtre, de danse contemporaine... On s'est vu il y a quinze ans pour une musique de film, après j'ai rencontré Olivia et on a monté The DO. Je pense que la nouveauté dans mon parcours était de faire de la pop. En même temps, je trouve que tout se complète. La musique reste de la musique.

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