Interview B.O avec Gaspar Claus (KONGO, Sélection ACID, Cannes 2019)

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Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico - Publié le 31-05-2019

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Gaspar Claus retrouve le cinéma (et l'ACID à Cannes) après MAKALA de Emmanuel Gras en 2017. Il signe la musique du premier film de Hadrien La Vapeur et Corto Vaclav avec une partition qui intervient au bout de 20’, pour représenter le monde invisible de ce documentaire sur un homme accusé de pratiquer la magie noire en République du Congo.

Cinezik : Comment êtes vous arrivé sur ce nouveau documentaire ?

Gaspar Claus : J'ai reçu une version pratiquement définitive du film avec comme musique de référence sur les séquences où ils pensaient qu'il fallait de la musique des musiques de MAKALA. Ce dernier se passe également au Congo mais ce n'est pas la même planète, ce n'est pas le même Congo dans les deux films, donc utiliser une musique qui se rapproche de MAKALA n'aurait pas fait sens.

KONGO a une dimension plus fantastique et onirique...

G.C : La portée magique du film réclamait une écriture beaucoup plus narrative que celle de MAKALA qui est plus horizontale, de l'ordre du paysage. Dans le cadre de KONGO, face à l'abstraction du monde invisible auquel le personnage a affaire en permanence j'ai trouvé que c'était beaucoup plus réel que le monde visible, plus conséquent, avec plus d'emprise sur ceux qui le fréquente.

Comment avez-vous traduit musicalement ce monde invisible ?

G.C : Il y a un contenu magique et je n'ai pas eu le temps de m'en protéger. Je me suis retrouvé immergé en très peu de temps. J'ai proposé beaucoup de choses, j'ai essayé d'être le plus réactif possible pour être sûr que je traduisais bien les termes utilisés par les réalisateurs quand ils parlaient de musique. Il y a des sirènes dans le film, convoquées plusieurs fois, qui sont des êtres invisibles que le personnage principal du film va consulter, qu'il protège et qui le protègent. La sirène, c'est le chant originel, le retour aux origines, le chant au fond de la mer, la chose à laquelle on résiste ou pour laquelle on se jette à l'eau. Le fondement de la sirène, c'est le chant comme un cri originel, le premier son de voix de l'enfant, ou le son qu'on entend à travers les parois du ventre de sa mère. C'est un endroit très important pour le musicien. C'était une vraie quête, un défi insurmontable, mais il y avait cette orientation forte que le film nous a imposée.

La musique devait trouver le bon équilibre pour ne pas atténuer cette portée magique ?

G.C : J'ai eu la sensation de faire du tricot en écrivant cette partition, avec mon violoncelle essentiellement. Je leur ai envoyé énormément de choses, ils ont fait le tri là-dedans. Ce sont des dosages très très complexes, entre trop triste et pas assez, quand la musique prend le dessus ou qu'elle est trop en dessous.

Les réalisateurs ont su vous guider ?

G.C : C'est toujours délicat d'avoir affaire à un réalisateur qui a une idée imprécise, une intuition dans laquelle parfois il n'y a pas de mélodies ni de rythme. Donc ça s'exprime par des mots pour se mettre au service d'un film qu'il ne faut pas abîmer, et qu'on abîme forcément, car si on met un blues ou un requiem de Mozart sur une séquence, ça ne va pas raconter la même chose.

Votre musique a trouvé sa vraie place et nécessité...

G.C : J'ai toujours eu un problème avec les films où la musique était là comme une béquille, et mes deux réalisateurs n'avaient pas besoin de béquilles pour le film. Quand la musique intervient, elle est une voix supplémentaire qui appartient à ce film. C'est très agréable de travailler de cette manière-là.

 

 

Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico

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