,clair-philippe,par-ou-tes-rentre-on-ta-pas-vu-sortir2025042910,plus-beau-que-moi-tu-meurs2025042910,tais-toi-quand-tu-parles, - Interview B.O : Philippe Clair, le roi de la comédie française, soufflait les thèmes à ses compositeurs (Raymond Lefebvre, Claude Bolling, Armando Trovajoli, Alan Silvestri…) Interview B.O : Philippe Clair, le roi de la comédie française, soufflait les thèmes à ses compositeurs (Raymond Lefebvre, Claude Bolling, Armando Trovajoli, Alan Silvestri…)

[à l'occasion de la parution chez Music Box Records de 2 BO de ses films]

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Propos recueillis par Benoit Basirico

- Publié le 02-05-2025




Philippe Clair est décédé le 28 novembre 2020 à l'âge de 90 ans. Nous l'avions rencontré quelques années auparavant, en 2015, où il nous faisait part de son oreille musicale, et qu'il pouvait souffler les thèmes à ses musiciens. Il a tourné quatre films avec Aldo Maccionne et a fait venir Jerry Lewis en France. Malgré ses succès publics dans les années 1970, il était considéré à la légère par la critique (souvent désigné comme "le roi des nanars"), ce qui nourrissait en lui la sensation d'être passé à côté de la reconnaissance qu'il méritait. Inventeur de gags qu'on lui pillait allègrement, il a pu aussi s'entourer des meilleurs talents musicaux alors à leurs balbutiements, tel l'américain Alan Silvestri quelques mois après son premier succès avec Robert Zemechis. Il était par ailleurs le père du comédien et chanteur Esteban, connu à la scène sous le nom de David Boring au sein du groupe Naive New Beaters.

Il a travaillé avec plusieurs compositeurs, certains à leurs débuts, en commençant par Raymond Lefebvre qui débutait sur son premier film "Déclic et des claques" (avec Annie Girardot, 1965), Les Charlots - également compositeurs (dont c'était la première apparition au cinéma) sur "La Grande Java", 1970), puis Claude Bolling ("La Grande Maffia", 1971) juste après le succès de "Borsalino", Jean-Michel Defaye ("La brigade en folie", 1973), l'italien Carlo Rustichelli ("Le Führer en folie" avec Alice Sapritch, 1973), Jacques Revaux ("Le grand fanfaron", 1976), Jean-Pierre Doering sur 4 films entre 1978 et 1980 ("Comment se faire réformer ", "Les réformés se portent bien", "Ces flics étranges venus d'ailleurs", "Rodriguez au pays des merguez"), un autre italien Armando Trovajoli à deux reprises sur les films avec Aldo Maccione ("Tais-toi quand tu parles", 1981 / "Plus beau que moi, tu meurs", 3 millions d'entrées en 1982), l'américain Alan Silvestri ("Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir", 1984 - avec Jerry Lewis), Jean-Marie Sénia ("Si t'as besoin de rien, fais-moi signe", 1986), David Tygel ("Si tu vas à Rio... tu meurs", 1987) et enfin Christian Cravero sur son dernier film "L'aventure extraordinaire d'un papa peu ordinaire" (1990).

Music Box Records (2 mai 2025)
Par ou t'es rentré? On t'a pas vu sortir
 (1984) - Alan Silvestri

Plus beau que moi, tu meurs (1982) - Armando Trovajoli

 

"Dans tous mes films, il y a un rythme de comédie musicale"

 

Interview : 

Bien que vous ne soyez pas musicien, comment avez-vous abordé la musique dans vos films et collaboré avec les compositeurs ?

Philippe Clair : Je ne suis pas musicien, mais j'ai le sens de l'effet musical. J'ai pu collaborer avec les Charlots pour la musique de "La Grande Java". Ils étaient un peu brouillons et je prenais des accessoires pour les accompagner. J'ai fait la musique avec eux, en quelque sorte. Ils avaient les instruments et je donnais le thème principal. Pour tous mes films, je chantais les thèmes à mes compositeurs. Je n'ai jamais co-signé avec eux. C'était officieux. Je m'en moquais. Je leur expliquais d'abord ce que je souhaitais, puis je leur chantais des idées. Un jour, quelqu'un m'a dit que mes films étaient des comédies musicales. Tout est rythmé comme une partition. C'est peut-être aussi une histoire de famille : j'ai un neveu qui est l'un des plus grands chefs d'orchestre du monde, Pierre Vallet. Il a écrit 36 opéras. Dans tous mes films, il y a un rythme de comédie musicale ; ce sont des films de gags. D'ailleurs, quand j'ai tourné avec Jerry Lewis ("Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir"), il m'a emprunté de nombreux gags pour son émission de télévision américaine.

Vous avez aussi écrit des textes de chansons. Quelle place cela a-t-il eu pour vous ?

Philippe Clair : J'ai écrit beaucoup de textes de chansons que Jacques Revaux, compositeur de "Comme d'habitude" ou encore "Les Lacs du Connemara", a soumis à des interprètes, sans succès. C'est ma grande frustration de ne pas avoir fait carrière dans ce domaine. J'écrivais énormément de textes pour atténuer ma peine, à une période où je souffrais d'avoir été quitté par ma femme, partie avec un beau milliardaire. Chaque mot était une larme, c'était déchirant. Dans ce métier, c'est ma plus grande déception de ne pas avoir été interprété. Le cinéma est un milieu odieux, le plus odieux du monde, mais la chanson le dépasse largement. Un film prend énormément de temps, alors qu'il y a des chansons que j'ai écrites en 10 minutes. Je ne peux pas écrire des paroles sans avoir une musique en tête. Quand j'ai écrit les paroles de la chanson de "Si t'as besoin de rien, fais-moi signe", j'avais la mélodie que j'ai soumise au compositeur Jean-Marie Senia.

Comment s'est passée votre collaboration avec Alan Silvestri pour "Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir" ?

Philippe Clair : Quand j'ai découvert Alan Silvestri, il n'était pas encore très connu ; il venait de composer la musique d'"À la poursuite du diamant vert" (sa première collaboration avec Robert Zemeckis). Je suis allé voir le film et, pendant toute la projection, je disais à ma femme : "Écoute cette musique !". Je voulais absolument ce musicien pour "Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir" et je me suis débrouillé pour le contacter. Il est venu au montage avec son équipe américaine. C'est un homme extraordinaire, et il y a eu une réelle entente entre nous. C'était la première fois qu'il venait à Paris. Il venait de connaître son premier grand succès en Amérique. J'avais une telle confiance en lui, et ses musiciens m'impressionnaient tellement. Pour lui, chaque mouvement est musical. Je n'ai rien osé lui proposer comme idées musicales. À la séance d'enregistrement, il y avait Francis Lai qui était épaté par ce qu'il voyait.

Vous avez aussi travaillé avec Armando Trovajoli. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Philippe Clair : Avec Armando Trovajoli, nous sommes devenus si amis qu'il est venu en Tunisie sur le tournage de "Tais-toi quand tu parles". Il riait beaucoup de toutes les bêtises que je pouvais dire. C'était un grand nom du cinéma italien (il a travaillé avec Ettore Scola, Dino Risi...), il était génial et d'une grande gentillesse. C'est curieux, mais les Italiens m'ont toujours pris au sérieux.

Les producteurs intervenaient-ils dans vos choix musicaux ?

Philippe Clair : Les producteurs ne m'ont jamais empêché de faire quoi que ce soit ; ils ne connaissent rien à la musique... et, pour eux, ce ne sont pas les musiques qui marquent un film. Ce n'est pas un élément décisif, en tout cas pour un producteur. On ne peut pas compter sur cet élément pour faire le succès d'un film. Donc ils n'intervenaient pas sur la musique.

Vos musiques de films étaient souvent construites autour de thèmes forts...

Philippe Clair : Presque toutes les musiques de mes films étaient construites autour de thèmes, mais malheureusement, aucun n'est vraiment resté dans la mémoire collective. Pourtant, quand je réécoute les musiques de mes films, je me dis qu'il y avait matière à faire des succès.

Utilisiez-vous parfois la musique de manière parodique ?

Philippe Clair : Dans "Le Führer en folie", il y a Hitler qui s'enfuit avec Eva Braun, et j'ai proposé une parodie de "La grande évasion".

Votre fils, Esteban, a aussi suivi une voie artistique et musicale...

Philippe Clair : J'ai un fils, Esteban, qui prend la relève. Il ne sait pas vraiment chanter, mais il chante quand même. Quand vous le voyez sur scène avec les Naive New Beaters, c'est explosif ! Il est naturellement drôle, il ne cherche pas à faire rire, mais lors des dîners de famille, nous sommes morts de rire avec lui. Je lui ai d'ailleurs donné le rôle principal de mon dernier film ("L'aventure extraordinaire d'un papa peu ordinaire"), il avait 10 ans.

Avez-vous des projets non aboutis que vous aimeriez voir réalisés ? 

Philippe Clair : J'ai de nombreux scénarios qui n'ont pas pu aboutir, notamment un qui aurait inspiré la comédie à succès "Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?" (2014). Là encore, je suis passé à côté de quelque chose. Peut-être que mon fils pourra reprendre mes scénarios après moi...

Propos recueillis par Benoit Basirico


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