Concert de John Williams à La Scala de Milan : compte rendu d’un spectateur

Le 12 Décembre 2022

williams,@, - Concert de John Williams à La Scala de Milan : compte rendu d’un spectateur

Compte rendu par Raphaël Malasoma
Photos : Rob Dolfing / Andrea Bruno

- Publié le 23-12-2022




Un spectateur chanceux, Raphaël Malasoma, faisait partie du public venu assisté à Milan, en ce 12 décembre 2022, au concert du grand compositeur John Williams. Il nous relate son expérience. 



Ce concert est programmé depuis une petite année. La billetterie en ligne a été ouverte le lundi 10 octobre à 14h et en moins d'une heure l'événement était complet. Le théâtre de La Scala a une capacité d'accueil de plus de 2000 places. Le jour-j, j'arrive devant La Scala plus d'une heure avant le début du concert et une foule est déjà présente. Deux personnes tendent une feuille de papier avec écrit dessus : « I need a ticket ». Je m'aperçois qu'ils ne sont pas les seuls à chercher un billet. Une troisième présente une annonce en italien sur son smartphone. J'entends parler italien de partout. Il y a moins d'étranger que je ne le pensais. Un homme arrive. Un italien criant en anglais à qui veut l'entendre qu'il achète un billet 500€ à celui qui est prêt à se défaire du sien. Les billets étaient en vente entre 10€ et 160€.

Les portes du théâtre ouvrent à 19h, une heure avant le début du concert, et se referment très vite car une manifestation passe dans la rue. Des policiers hautement protégés et munie de boucliers créent un mur entre le défilé de manifestants et nous, qui attendons patiemment dans le froid la réouverture des portes.
19h20. Les portes rouvrent enfin. Mauvaise entrée pour moi et d'autres. Mon billet à 10€ m'offrant un siège au dernier étage, à son entrée par une petite porte sur la gauche, côté jardin. Une hôtesse me montre mon siège. Ce n'est pas au premier rang du dernier étage, contrairement à ce que je pensais, mais au premier rang de la deuxième et dernière session de sièges du dernier étage. Pour faire simple, il n'y a qu'un rang de sièges derrière moi. Assis, je n'ai vu que sur une partie de l'orchestre. Quand ils seront là d'ailleurs. Pour l'instant ce ne sont que des instruments et chaises vides qu'il est possible de voir, ceux au fond à gauche. Un homme de grande taille, à un petit mètre devant moi, me bloque la vue côté cours.

© Andrea BrunoLa moitié des spectateurs sont sur leur 31. J'ai presque honte de ne pas l'être. De ce que je comprends, beaucoup vivent à Milan même ou à proximité. Je me sens moins honteux, voire même presque fière de représenter la France. Où sont les autres français ? Je suis sûr de ne pas être le seul.
19h55. Une annonce est faite demandant d'éteindre appareils photo et téléphones. Il n'est autorisé sous aucune forme d'enregistrer tout ou une partie de l'événement. Les musiciens arrivent progressivement sous les applaudissements. L'orchestre, paritaire, une fois installé, arrive le Maestro. John Williams lève un tonnerre d'applaudissements. À presque 91 ans, il tient la forme.

20h arrive et sans présentation, chef d'orchestre et musiciens nous offrent "Flight to Neverland", du film "Hook", pour ouvrir cette soirée musicale. L'un des meilleurs thèmes pour une ouverture. Je n'ai jamais entendu ce thème aussi clairement. Très rapidement les spectateurs des deux derniers rangs restent debout tout du long. Dans mon cas, ça multiplie par dix le nombre de musiciens vus sur scène. Là, moi et des centaines d'autres spectateurs aux rangs les plus hauts peuvent voir l'orchestre jouer. Je vois même John Williams de dos, tête et épaules. Des spectateurs logés aux étages intermédiaires restent également debout pour plus de visibilité. Seuls ceux au premier rang de chaque étage restent assis.
L'orchestre enchaîne avec la suite "Cuori Ribelli", de "Far and Away", moins connu du grand public. Certains dans la salle semblent l'entendre pour la première fois. C'est là que je vois tout le respect des spectateurs qui m'entourent. Pas un mot. Pas un son de leur part. Nous savourons tous, ce que certains ici rêvent depuis des années : assister à un concert de John Williams.

Le Maestro fait maintenant face à la salle, exprimant à quel point il est heureux d'être là ce soir, pour présenter avec l'orchestre Philharmonique de la Scala une partie de son œuvre. Il présente les trois prochaines musiques, venant des films "Harry Potter". Dès le nom du sorcier prononcé, ses propos sont noyés par de nouveaux applaudissements et cris de joie, qui s'arrêtent presque aussi soudainement qu'ils sont arrivés. Presque autant que sa musique, les propos et les explications de ce grand monsieur sont écoutés avec joie. Il s'apprête à orchestrer "Hedwig's Theme" du premier film, "Fawkes the Phenix" du second, et "Harry's Wondrous World" également du premier film. Nouveaux applaudissements, très brefs. Hors de question pour la salle qu'un applaudissement ne vienne recouvrir la première note d'un morceau, d'autant plus avec la renommée des thèmes de la saga.

J'ai entendu "Hedwig's Theme" bien des fois mais jamais comme ici ce soir. Dès les premières notes la clarté impressionne encore plus que pour le premier thème joué de la soirée. La qualité du Filarmonica della Scalla, comme l'a précisé le Maestro peu de temps avant, fait son travail, son effet. Entendre ce thème joué par cet orchestre dans cette salle est ce que j'ai connu de plus immersif. C'est avoir la sensation d'être projeté dans le film, alors même que cette musique n'est pas entendue des personnages, mais seulement des spectateurs. Très vite, des smartphones sont dégainés pour filmer. Moins de deux minutes plus tard, une hôtesse passe dans le rang pour rappeler à ceux qui l'ont oublié qu'il est interdit de filmer. En à peine trente minutes nous avons voyagé au Pays Imaginaire et dans le Londres d'Harry Potter.

Vient ensuite le thème connu de "La Liste de Schinder". Tristesse et joie se mêlent ce soir. La tristesse de cette musique et la joie de ce concert exceptionnel, même à l'échelle de La Scala. L'orchestration est une fois de plus très fidèle à celle du film. L'idée n'est pas de proposer une réorchestration mais une plongée dans les films auxquels le compositeur a contribué. Ce n'est pas un autre qui orchestre. C'est John Williams ! Sa signature ! Il fait l'orchestre sien ! Parmi les thèmes interprétés ce soir, c'est le seul où un musicien, ici le premier violon, Francesco De Angelis, a l'opportunité de se distinguer du reste de l'orchestre. Le violoniste est remarquable, ayant droit à la fin de sa performance à des applaudissements non pas privés, mais ciblés sur sa personne.

Le compositeur présente le prochain morceau, tiré du film "E.T. L'Extraterrestre" et explique sa rencontre avec un astronaute un jour où le compositeur l'avait interrogé sur la vitesse nécessaire pour contrer la pesanteur, faisant référence à la scène culte du vol à vélo. Une vitesse vertigineuse. C'est donc à une vitesse hors du commun qu'E.T
propulse son groupe d'amis, de sauveurs, à la fin du film pour franchir le barrage de police et rejoindre le vaisseau spatial de ses proches. Pas un mot dans la salle. Les premières notes de "Adventures On Earth", l'émouvant final du film, nous parviennent. Un voyage de dix minutes dans un ciel étoilé en compagnie de E.T, Elliott et ses amies nous est offert. La dernière note jouée signe la fin de la première des deux parties du concert. Trois quart d'heure de musique sont passées. Le compositeur et l'orchestre quittent la scène le temps d'une pause bien méritée.

Une vingtaine de minutes passent, puis l'orchestre et John Williams arrivent sous de nouveaux applaudissements pour le début de cette deuxième partie du concert. Nous étions dans un ciel étoilé et sommes maintenant invités à parcourir l'espace avec la "March", thème du générique de "Superman", puis le "Love Theme", dans le ciel de Metropolis en compagnie de Superman et Lois Lane. Le Maestro se tourne vers la salle et présente les trois prochains thèmes joués, issus des films "Indiana Jones". Le premier, "Scherzo for Motorcycle and Orchestra" provient du troisième film, mettant en musique la course poursuite entre Indy et son père poursuivis par les Allemands. John Williams explique qu'à un concert, il y a maintenant des années, une moto avait fait son entrée sur scène pendant l'orchestration du morceau. L'imposant son du moteur recouvrait le travail de l'orchestre. Il était impossible pour John Williams d'entendre les musiciens jouer. Depuis, chaque nouvelle interprétation du thème sur scène est une revanche à ce jour. Les thèmes d'Harry Potter ont eu leurs effets sur la salle lors de la première partie, mais ceux d'Indiana Jones peut-être plus. "Scherzo for Motorcycle and Orchestra" est une belle entrée en matière amenant le thème suivant, venant du prochain film à sortir en juin 2023. D'ailleurs le compositeur de la saga révèle qu'une possible nouvelle fin soit tournée dans les semaines qui suivent. "Helena's Theme" est ici joué en avant- première européenne. À ma connaissance il n'a été joué qu'une fois à ce jour, sur le sol américain. John Williams présente le personnage d'Helena comme une aventurière et femme fatale. Une Indiana Jones féminin. Le troisième thème musical de la saga de l'aventurier est "Raiders March", concluant le troisième film. Je bats la mesure avec ma tête et du coin de l'œil droit voit trois, puis quatre hommes, faire de même. Le plus jeune des trois italiens juste sur ma gauche le fait aussi. C'est un thème intergénérationnel et divertissant au plus haut point. Je vois dans les balcons côté jardin beaucoup d'hommes faire de même. Quelques femmes aussi. Ce thème est beaucoup plus populaire que ceux d'Harry Potter joués dans la première partie.

© Rob Dolfing

Vient la dernière partie : "Star Wars !". John Williams explique, comme il l'a fait au concert de Berlin, que lorsqu'il travaillait sur le premier film de la saga, en 1977, il s'imaginait Luke et Leia devenir amants et non frère et sœur. Il composa donc un thème romantique pour le personnage féminin fort du film. "Princesse Leia's Thème" est le début de la conclusion de cette soirée. Doux et mélancolique. Le thème fini, nous applaudissons avant le prochain et tout dernier, "Throne Room & Finale".
"Flight to Nerverland" était l'un des meilleurs thèmes possible pour débuter ce concert et la musique finale de l'Épisode IV l'un des meilleurs pour le conclure. Un tonnerre d'applaudissements retentit dans La Scala une fois la dernière note libérée. John Williams remercie la salle et les musiciens. Nous les remercions par nos applaudissements. Le Maestro quitte la scène sous les applaudissements, le temps pour lui, je le vois, de boire un verre d'eau et revenir très vite. Il annonce le titre du thème qu'il s'apprête à orchestrer, non prévu dans la brochure : "Yoda's Thème". Pas un son dans la salle hormis un détraqué côté jardin rappelé à l'ordre par la salle-même à sa seconde manifestation. Le Maestro, un doigt devant la bouche, demande le silence. Chacun souhaite profiter des derniers instants de cette soirée. La flûte traversière à son importance ici, c'est elle la source de ce thème, son cœur. De la même façon que l'instrument est ce soir situé au centre de l'orchestre.

Un autre thème suit celui de Yoda. Ses premières notes, connues de tous, apportent son lot d'applaudissements et cris de joie. C'est pour sûr la dernière musique jouée ce soir. Le bouquet final n'était pas le final de l'Épisode IV mais le thème le plus connu de l'épisode suivant et peut-être le plus emblématique de toute la saga "Star Wars : The Imperial March". L'orchestre a également ses préférences et cette composition en fait de loin partie. Cela s'entend. Il y a encore plus de gaîté dans cette Marche Impériale que dans les précédentes musiques interprétées. De la couleur, comme l'a dit John Williams à Vienne il y a deux ans. Oui, il y a de la couleur dans cette Marche Impériale ce soir. Il y a une volonté de surprendre et de faire plaisir à l'auditoire, tout en se faisant plaisir.

C'est la fin. Mais c'est surtout la tête dans les étoiles que les spectateurs quittent la salle. Certains s'attardent, à l'inverse des techniciens qui vident la scène, retirant les chaises et les instruments imposants. Pas de temps à perdre pour eux. Demain a lieu une autre production. Il se fait tard. Chacun souhaite retourner chez soi ou à son hôtel. Et surtout préserver cette musique dans sa tête. Peu de paroles sont échangées. Ce concert extraordinaire à La Scala fut un voyage au Pays Imaginaire et dans le monde d'Harry Potter. Une escapade nocturne en compagnie de l'extra-terrestre le plus gentil du cinéma et du plus emblématique des super-héros. Un périple au côté d'Indiana Jones et un aller simple dans une galaxie lointaine, très lointaine.
Merci Maestro.

Programme du Concert

•Flight to Neverland, de Hook
•Suite, de Horizons Lointains
•Hedwig's Theme, de Harry Potter à l'école des Sorciers
•Fawkes the Phoenix, de Harry Potter et la Chambre des Secrets
•Harry's Wondrous World, de Harry Potter à l'école des Sorciers
•Theme, de La Liste de Schindler
•Adventures on Earth, de E.T. L'Extraterrestre

Entracte

•Superman March, de Superman
•Love Theme, de Superman
•Scherzo for Motorcycle and Orchestra, de Indiana Jones et la Dernière Croisade
•Helena's Theme de Indiana Jones 5
•The Raiders March, de Les Avanturiers de l'Arche perdu
•Prince's Leia's Theme, de Star Wars
•Throne Room and End Title, de Star Wars

Rappels
•Yoda's Theme, de L'Empire Contre-Attaque
•The Imperial March, de L'Empire Contre-Attaque

 

Compte rendu par Raphaël Malasoma
Photos : Rob Dolfing / Andrea Bruno


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