Interview B.O : Romain Trouillet, lyrisme et ambiance colorée pour Une histoire d'amour de Michalik

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Propos recueillis par Benoit Basirico • Dans le cadre d'une rencontre au Festival Music & Cinéma de Marseille.

- Publié le 11-04-2023




Propos recueillis dans le cadre d'une rencontre au Festival Music & Cinéma de Marseille. Romain Trouillet retrouve Alexis Michalik pour "Une histoire d'amour" (en salle le 12 avril) après "Edmond", pour une autre adaptation d'une pièce de théâtre du réalisateur. Comme l'indique le titre du film, il s'agit d'une romance, avec une musique lyrique, du côté du mélodrame, qui tisse le fil rouge des tourments amoureux.

Cinezik : À quel moment êtes-vous intervenu sur le projet ?

Romain Trouillet : Pour la chorégraphie finale, Alexis Michalik voulait le thème en amont du tournage. Il a diffusé une maquette de la musique sur le plateau pour accompagner les scènes de danse. D'ailleurs, dès la phase de scénario, nous avions déjà discuté du placement musical dans le script, notamment le thème d'amour au piano qui est joué à la fin en version orchestrale. Nous avions également choisi un thème plus vaporeux, celui de l'espoir, qui est entendu au début et qui se retrouve disséminé tout au long du film.

Comme au théâtre, les deux actrices - Marie-Camille Soyer et Juliette Delacroix (qui incarnent ce couple central) ont-elles entendu cette musique qui a été faite en amont ?

R.T : Oui, tout le monde l'a écouté. De plus, c'est un film qu'Alexis a réalisé avec un tas de potes. Donc, dès que j'envoyais des trucs, je savais que Marie-Camille ou Juliette les avaient captés. Et il y avait quelque chose qui marchait, que j'adore dans le théâtre et que j'ai retrouvé dans ce film aussi, c'est cette proximité avec les acteurs et actrices. J'ai même reçu des petits messages d'eux qui disaient "on a entendu le thème, c'est trop beau". Bref, y'avait une complicité qui fonctionnait super bien à tous les niveaux.

Vous apparaissez vous-même à l'image pendant le concert de la scène du mariage, vous jouez de la basse dans le groupe...

R.T : C'est assez drôle parce que quand j'ai lu le scénario, j'ai dit : "Alexis, je veux être dans ce groupe de musique". Et en fait, il a sollicité plusieurs musiciens avec lesquels il avait également travaillé, Manuel Peskine aux claviers, Raphaël Charpentier (qui a travaillé sur la pièce "Intra muros"), et Pierre-Antoine Durand (qui a travaillé sur les arrangements de la pièce "Une histoire d'Amour"). En fait, nous sommes quatre. Nous sommes tous allés en Corse pour faire ce petit tournage et avons ainsi créé ce groupe fictif, 5 Dudes. C'était au départ pour une question de droit, car il ne pouvait pas exploiter toutes les musiques qu'il avait utilisées dans la pièce de théâtre. Et avant le tournage, on s'est réunis avec Alexis et les musiciens pendant 3-4 heures dans un studio pour enregistrer les musiques du mariage et les deux chansons que l'on entend, "Anywhere You're Not" et "Round & Around". Il les a utilisées dans le film de plusieurs manières d'ailleurs, car Tom Leeb a fait une version acoustique à la guitare de "Anywhere You're Not".

La chanson dans le film qui n'est pas originale, c'est évidemment "Et pourtant" de Charles Aznavour (en générique de fin), puisque la chanson "It's just love" que l'on entend lorsque les deux femmes font l'amour est également une chanson originale du film...

R.T : Oui, c'est ça. Il y a deux chansons préexistantes dans le film, Ella Fitzgerald que l'on entend dans le supermarché, et Aznavour qui est un clin d'œil à la pièce de théâtre car ils la chantent tous à la fin. Il y a également "It's just love" que j'ai composée, chantée par Déborah Leclercq, une amie.

Ce qui rappelle l'esprit d'une troupe au théâtre, et puis c'est l'idée du sur-mesure. Chaque robe, chaque costume, est vraiment ciselé à celui qui va le porter. Pour la musique, Alexis Michalik veut qu'elle soit vraiment à la taille de son film, n'est-ce pas ?

R.T : La musique, dans son rapport avec l'image, est rarement en contradiction, elle suit la narration du film. Pour le début du film, je voulais que la musique ait un aspect un peu flou, thématiquement parlant, afin que le thème ne soit pas trop distinct. Cependant, au fil de l'histoire d'amour qui se développe, le thème devient de plus en plus clair. En effet, cette histoire est au centre de tout et c'est pourquoi il y a une montée en puissance progressive vers la fin, avec une pleine exposition du thème de l'amour.

En regardant Edmond, qui est un film historique sur les coulisses de la création de Cyrano, on pourrait penser que ça n'a aucun rapport. Mais est-ce qu'en connaissant votre collaboration avec Alexis Michalik, il y a quand même un lien à faire ?

R.T : Oui, dans le lyrisme de la musique, dans l'idée de vouloir un thème.

Comment s'est déroulé le travail avec l'orchestre pour parvenir à ce lyrisme ?

R.T : En fait, j'utilise dans un premier temps des maquettes avec des instruments virtuels, tout en gardant des parties de piano que j'ai jouées dès le début. Puis une fois que le montage est verrouillé, j'enregistre les musiques pendant deux ou trois semaines avant le mixage du film. Pour des raisons de budget, une partie des musiques ont été enregistrées avec un orchestre en Macédoine. Cependant, pour une séquence de presque 10 minutes, on a dû revoir toute la partie musicale à cause d'une synchro. Initialement, il y avait un morceau préexistant de 8 minutes qui posait des problèmes de droit. Les ayants droit ont demandé un budget supplémentaire, mais ils n'ont pas pu l'acheter, donc on a dû remonter la séquence. Trois ou quatre mois après la fin de la postproduction du film, Alexis m'a demandé de revoir toute cette partie. Les musiques de cette séquence ont été enregistrées à Paris, car j'étais en train d'enregistrer un autre film et j'ai greffé cette partie musicale dans l'enregistrement de notre film.

Comment est-ce que vous collaborez avec Alexis Michalik en termes de dialogue ? Est-ce que vous parlez de musique, est-ce qu'il connaît le langage musical, ou bien est-ce que vous vous concentrez uniquement sur les émotions et le récit ?

R.T : C'est un projet personnel pour Alexis. Il l'a écrit après avoir vécu une grande déception amoureuse, et cela lui a permis de faire son deuil de cette relation. Nous avons discuté de tout cela en amont. Il m'a parlé aussi de musiques qu'il écoutait, comme Al Green, ainsi que d'autres références qui lui rappelaient cette relation passée. Nous avons également évoqué Thomas Newman ("American Beauty") pour toutes les ambiances. Alexis voulait quelque chose de coloré et ne voulait pas se limiter à un simple piano avec orchestre. Il souhaitait également intégrer des éléments qui n'ont que peu de rapport avec le lyrisme, presque comme un documentaire animalier. Par exemple, la scène du zoo m'a permis de construire d'autres parties du film en utilisant des matériaux sonores présents sur place, comme si nous étions deux petites girafes observant toute l'histoire d'amour qui se déroulait entre les personnages.

Alexis Michalik s'investit beaucoup dans ses films, il est lui-même acteur. Est-ce qu'il s'implique aussi pour la musique ? Quelle est la part de direction et la part de carte blanche ?

R.T : Notre manière de travailler consiste en un trio systématique composé du réalisateur, de la monteuse (Sophie Fourdrinoy) et moi-même. Le réalisateur laisse beaucoup de carte blanche à Sophie tout en ayant des idées très précises en tête. Pour la musique, il peut être très pointilleux sur les minutages. Par exemple, dans la scène chorégraphiée de la fin, la musique était déjà en place et je n'ai pas eu besoin d'intervenir au montage. Le réalisateur est venu chez moi et m'a donné des indications pour raccourcir certaines parties et augmenter d'autres. En fait, il avait déjà tout le film en tête, notamment la scène finale qui a été conçue en pensant à la musique et la musique en elle-même a été pensée en fonction de ses idées avant le tournage. C'est donc un travail très précis tout en me laissant une grande liberté.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico • Dans le cadre d'une rencontre au Festival Music & Cinéma de Marseille.

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