Concert : Howard Shore dirige le Seigneur des Anneaux

16 avril 2004 à Gand

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Compte-rendu et photos : Sylvain Rivaud - Publié le 16-04-2004




Le Festival International du Film de Gand (Belgique) programme Howard Shore pour. Au programme : rien de moins que la Suite Symphonique du SEIGNEUR DES ANNEAUX, arrangée en six mouvements par Howard Shore afin d'être jouée en live par n'importe quel orchestre à travers le monde !

Après une première en Nouvelle-Zélande, Shore a dirigé cette oeuvre pour orchestre et choeur au Canada et aux Etats-Unis, avant son passage en Belgique, précédant des concerts à Londres. Le concert belge lieu au Sportpaleis d'Anvers, l'un des plus gigantesques complexes de Belgique. D'une capacité d'accueil de 15 000 places assises, ce palais des sports impressionnant n'autorisera certainement pas une acoustique idéale. Mais ce sera ça ou rien... C'était un an avant la création de Cinezik, et nous y étions.

Vendredi 16 avril 2004, 19 h 30 : après s'être crus perdus dix fois sur les autoroutes de la Belgique flamande, et plus particulière aux alentours d'Anvers (comme beaucoup d'autres étrangers), et après avoir demander notre chemin à plus de 4 personnes, nous arrivons en vue du Sportpaleis d'Anvers une petite heure seulement avant le début du concert. Les rues alentours sont déjà bondées de voitures, et des dizaines de personnes se dirigent déjà à pied vers l'entrée du "monument"...

A 20 h 00, nous nous retrouvons enfin à l'entrée. L'air est chaud, la journée a été belle, et il y a beaucoup de monde ! Pour la plupart, des fans du Seigneur des Anneaux et des oeuvres de Tolkien (dont certains déguisés en cavaliers noirs), mais aussi, dans le lot, quelques "béophiles" amateurs de la musique de Howard Shore bien avant sa reconnaissance publique pour la trilogie de Peter Jackson. C'est ici que nous retrouvons nos trois amis belges, qui eux aussi s'étaient un peu perdus sur les autoroutes flamandes... Les présentations tournent court : il faut déjà rentrer dans la salle. La foule s'amasse, le concert va bientôt commencer...

20 h 15. Nous voilà donc dans l'immense salle du Sportpaleis d'Anvers. Rien à voir avec les sièges rembourrés de la somptueuse salle monégasque où s'était déroulé le concert de Jerry Goldsmith quatre mois auparavant... Nous faisons face au terre-plain central en béton, et la scène se situe au fond à droite. Au dessus d'elle, un écran géant, sur lequel seront projetés des illustrations de John Howe et Alan Lee, les deux dessinateurs spécialistes de Tolkien qui furent directeurs artistiques sur la trilogie de Peter Jackson. Quatre autres petits écrans étaient disposés de chaque côté de l'écran principal. Une manière d'appréhender cette Symphonie du Seigneur des Anneaux comme la musique de la Terre du Milieu, et pas seulement la musique des films.

20 h 40. Le concert commence. L'orchestre et les choeurs s'installent, et Howard Shore apparaît sous un tonnerre d'applaudissements. Sans dire un seul mot au public (qui visiblement l'intimide), il se met au pupitre de chef d'orchestre et la musique commence... Le programme est simple : six mouvements (deux par film), correspondant chacun à un "livre" de l'oeuvre de Tolkien, lui-même divisé en 6 parties.

La symphonie commence donc sur les choeurs ténébreux de "The Prophecy", avant d'enchaîner avec le thème campagnard des Hobbits, interprété par un flûtiste soliste un peu entêtant qui s'est permis une interprétation un peu personnelle de ce fameux thème, qui n'a pas vraiment fait honneur à l'oeuvre originale... Néanmoins, cet épisode incongru est vite oublié par l'arrivée du thème des cavaliers noirs, passage essentiel de cette première partie de La Communauté.

Le deuxième mouvement s'ouvre sur le thème de Rivendell (Fondcombe en français), la cité des elfes. Sur les images d'Alan Lee, la musique de Shore prend toute son ampleur, sans avoir besoin des images du film en particulier. Bien vite, les lumières rougissent et c'est déjà le passage de la Moria ("The Bridge Of Khazad-Dûm"), et le fabuleux morceaux d'action qui illustre la confrontation entre Gandalf et le Balrog. L'orchestre se déchaîne, les rythmes sont parfaits : rien à voir avec l'interprétation molle du passage de la bataille dans "Gladiator" lors du concert de Hans Zimmer en octobre 2000 (il s'agit pourtant du même orchestre). Les cuivres sont puissants, les violons tiennent le rythme : on y croit ! Après cet épisode mouvementé (le meilleur de cette première partie, assurément), arrivent les sonorités orientales et douces de la Lorien ("Lothlorien", "Gandalf's Lament"). On retrouve ici l'un des passages de la version longue DVD du premier film ("Farewell to Lorien"), édité sur l'édition collector de la BO des Deux Tours. La nostalgie est bien là, ce beau morceau fait son effet : rien à dire ! S'enchaîne ensuite le thème somptueux de l'Argonath, puis la grande suite finale, toujours aussi émouvante...

La suite symphonique de LA COMMUNAUTÉ et son émouvante finale ("The Breaking Of The Fellowship"), est l'occasion de faire donner de la voix aux solistes. Parmis eux, la chanteuse scandinave Sissel, qui interprétera plutôt bien les passages solistes de la Lorien, et les chansons de fin des deux derniers films.

Après 40 minutes consacrées au premier volet de la trilogie, et une pause d'un bon quart d'heure, le concert reprend sur LES DEUX TOURS. Après la courte introduction illustrant les premières images du film, la suite symphonie enchaînement directement sur le thème de Smeagol (sans passer par l'extraordinaire musique de la scène illustrant la chute de Gandalf et du Balrog dans les profondeurs de la Moria, à mon grand désespoir)... Mais déjà, l'ambiance musicale se fait plus sombre et plus complexe, ce qui n'est pas pour nous déplaire, après la suite de "thèmes faciles" qui compose l'essentiel de La Communauté...

Après l'apparition du thème héroïque du Rohan, l'atmosphère alterne entre passages sombres et beau comme le sait si bien les écrires Howard Shore ("The Black Gate Is Closed", "Treebeard", "The Forbidden Pool") et moments plus éthérés et mélodiques ("Evenstar"). L'apogée de la tension qui dure tout au long des Deux Tours se déchaînant finalement au cours du morceau "Isengard Unleashed", pur moment de folie orchestrale et chorale, alliant crescendo de cuivres déchaînés et voix éthérée, pour mieux symboliser la dualité qui habite les Ents, ces êtres de la forêt à la fois tendres et forts. Aussi puissante que sur l'album, cette interprétation de l'un des passages plus fous de la trilogie fut un grand moment, avant que la tension ne retombe lors dans la chanson "Gollum's Song", une nouvelle fois chantée par Sissel.

Après le quatrième mouvement de cette symphonie, s'enchaîne immédiatement après les deux suivants, qui reprennent les principaux thèmes du Retour du Roi. Toujours avec la même fluidité et la même rigueur dans l'interprétation, l'orchestre de la radio flamande joue successivement "Hope and Memory", "The White Tree" (qui développe le fameux thème du Gondor), "The Steward of Gondor", puis l'excellent morceau "Cirith Ungol". Howard Shore s'est donc abstenu d'inclure les morceaux les plus sombres et tortueux de ce score ("Minas Morgul", "Shelob's Lair", "Ash and Smoke") pour ne garder que la substance purement mélodique, ou presque.

Malgré ces quelques oublis compréhensibles pour plaire au plus grand nombre (mais que nous regrettons néanmoins...), le meilleur est encore à venir ! Le sixième et dernier mouvement de cette symphonie s'ouvre sur ce qui demeure probablement comme le plus impressionnant des morceaux que Shore ait écrit pour la trilogie : "The End Of All Things", qui accompagne les images de la confrontation entre Gollum et Frodon sur la brèche de l'Oradruin, la montagne du destin. Si le début commence avec la voix éthérée de Sissel (toujours excellente), l'ensemble vire vite au défoulement orchestral et choral, pour la scène où Gollum parvient enfin à s'emparer de l'anneau unique ! L'orchestre se déchaîne une fois encore avec une pêche remarquable, et les choeurs, entraînés par le mouvement, suivent le rythme à la perfection. Le Sportpaleis tremble de partout, la musique de Shore est à sa puissance maximale ! Un autre grand moment du concert, qui tourne malheureusement vite court avec l'arrivée du morceau suivant, "The Return Of The King", grande suite finale illustrant le couronnement d'Aragorn, en reprenant une grande partie des thèmes de la trilogie dans son ensemble. Enfin, ce dernier mouvement se clôt avec "The Grey Havens", pur moment de nostalgie contemplative, et la chanson "Into the West" (une nouvelle fois interprétée par Sissel), qui fait un peu "tâche" à la fin de cette symphonie par son côté "pop" un peu trop prononcé, même si l'ensemble demeure très écoutable.

Dès les dernières notes de "Into The West", c'est l'ovation ! Presque tous les spectateurs se lèvent pour applaudir bien fort Howard Shore, l'orchestre et les choeurs ! C'est bien la première fois qu'on voyait autant de gens honorer un compositeur de musique de film, bien qu'il soit plus probable qu'ils honorent la musique du Seigneur des Anneaux bien avant le compositeur lui-même... Mais il est trop rare d'entendre une musique originale de film d'une telle ampleur en "live" pour se priver de ça. Si l'ensemble était évidemment "poli" et tranformé pour une performance devant le grand public, l'essence de l'oeuvre originale d'Howard Shore pour la trilogie de Peter Jackson était belle et bien présente, et magnifiquement interprétée par un orchestre flamand bien meilleur qu'il y a trois ans et demi. Une réussite globale, même si l'acoustique de la salle ne rendait pas vraiment hommage à l'oeuvre. Quoi qu'il en soit, c'était tout de même une belle expérience musicale, même si Howard Shore s'est fait très timide en ne disant pas un seul mot de la soirée !

Dommage qu'il n'y ait qu'en Belgique qu'on semble s'intéresser à ce type de manifestation et de musique. L'unique concert d'Howard Shore en France s'était déroulé en petit comité à Paris, lors de la sortie de "Spider", de David Cronenberg. Seuls quelques invités triés sur le volet ont pu y assister, comme s'il s'agissait d'une certaine musique savante destinée à une élite... Voilà précisément la profonde différence entre la France et la Belgique : en France, la culture y est tellement sacralisée et conceptualisée qu'elle en devient quasi-inacessible. La France est peut-être le berceau du cinéma et de la musique de film (Camille Saint-Saens est considéré comme le premier compositeur pour l'image), mais il y a encore du chemin à parcourir...

Compte-rendu et photos : Sylvain Rivaud

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