Le Cuisinier, le Voleur sa Femme et son Amant (1989, Michael Nyman)

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par Julien Mazaudier

- Publié le 07-05-2008




Un voleur, mafieux et chef de gang, amateur de bonne chère, (Michael Gabon) crée un restaurant avec un chef fameux (interprété par Richard Bohringer). Il s’y goinfre chaque soir avec sa bande, en compagnie de sa femme qui ne supporte plus sa vulgarité. Le voleur est particulièrement odieux avec elle. Sans broncher elle subit ses diktats mais finit par le tromper avec un client régulier, libraire, aimable, raffiné. Bien plus complexe qu’un simple vaudeville, Le Cuisinier, le Voleur sa Femme et son Amant est basé sur une idée simple, le cannibalisme. Le film exploite la thématique dans toutes les directions inimaginables, il ne se limite pas au simple fait de manger de la chair humaine mais débouche sur quelque chose de plus vaste : lorsqu’on a finit de dévorer tout ce qu’il y a à manger dans le monde, il ne reste plus qu’à s’entre dévorer…

Greenaway, en adepte du ténébrisme s’inspire beaucoup de la peinture en clair-obscur du Caravage pour l’éclairage du restaurant et des sept couleurs définies par Isaac Newton dans sa théorie de l’optique. L’utilisation des couleurs, particulièrement importantes donne corps au contexte, au décor et à la structure du Cuisinier… Le bleu nuit du parking, la cuisine verte, le restaurant où prédomine le rouge, les toilettes d’une blancheur immaculée… 

Les décors du film sont filmés en longs travellings latéraux accompagnés par le glacial Memorial de Nyman, un morceau solennel dérivé de "l’air du Froid" du King Arthur d’Henry Purcell qui vient se rajouter à la liste des "musique funèbres" du compositeur. Cette musique correspond au cinquième mouvement du Memorial, un titre composé en 1985 qui rend hommage aux 39 citoyens italiens qui périrent au stade du Heysel à Bruxelles. 

La voix humaine est particulièrement mise en avant comme en témoigne l'étonnant Miserere, une pièce vocale chantée a capella par le London Voices. Un morceau plaintif au registre âpre mais chargé d’une grande puissance émotionnelle qu’interprète le petit marmiton dans la cuisine. Avec Le Cuisinier… l’esthétique de Greenaway se rapproche des conceptions scéniques de l’opéra. Le film est d’ailleurs co-produit par Daniel Toscan du Plantier, très connu pour ses productions "luxueuses" d’opéras filmés.

Les parties chantées par l’acteur (doublé par la voix de jeune soprano de Paul Chapman) interviennent dans le film de manière assez décalée et donne l’impression au spectateur d’assister à une véritable représentation d’opéra. La mise en scène renforce la dimension théâtrale en cadrant plusieurs décors en plan d’ensemble. Les acteurs sont filmés à échelle humaine, le plus souvent en pied et il y a même le rideau de scène qui ouvre et ferme le film. (L’impression est encore plus prégnante en voyant le film sur un écran de cinéma). 

Le thème musical du Miserere est repris par Alexander Balanescu au violon et Michael Nyman au piano sur le très beau Miserere Paraphrase. L’une des séquence musicale les plus intéressantes est celle de la rencontre entre l’amant et Georgina, la femme du voleur dans le hall des toilettes. La scène est silencieuse, ponctuée uniquement par le bruit des talons de Georgina lorsqu’elle marche le long du couloir et le morceau Fishbeach que l’on peut aussi entendre dans Drowning by Numbers.

On retrouve cette musique lorsque les deux amants font l’amour en silence dans les toilettes du restaurant. Le décor d’un blanc laiteux (censé évoquer le Paradis, comme le précise le réalisateur) et la mystérieuse musique de Nyman apportent au film un instant de quiétude, presque irréel que l’on ne retrouvera plus par la suite.

par Julien Mazaudier


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