The Thing (Marco Beltrami), composition symphonique sombre, oppressante et immersive

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par Quentin Billard

- Publié le 01-01-2012




Marco Beltrami écrit une musique pour le premier film du réalisateur néerlandais Matthijs van Heijningen Jr, remake de THE THING de John Carpenter dont la musique avait été composée par Ennio Morricone. Succéder à la partition mythique d'Ennio Morricone sur le film de 1982 relevait de la pure gageure pour Marco Beltrami, engagé par la production pour signer la musique de « The Thing ». Le compositeur, spécialiste des musiques d'épouvante, était le choix parfait pour ce film. 

Beltrami a enchaîné tout au long des années 2000 une série de partitions horrifiques/thriller toujours plus décevantes les unes que les autres (« Cursed », « Joy Ride », « Red Eye », « Resident Evil », « The Omen » ou le calamiteux et récent « Scream 4 »), sombrant dans une routine orchestrale à des années lumières de son talent créatif si singulier, qui lui permit de briller dans ses deux partitions incontournables que sont « Scream » et « Mimic ».

Et c'est avec surprise que Marco Beltrami semble enfin sortir de sa torpeur sur « The Thing », pour lequel il livre sans aucun doute sa meilleure partition horrifique à ce jour - sans être pour autant son nouveau chef-d'oeuvre. Visiblement très inspiré par l'atmosphère terrifiante et paranoïaque du film de Matthis van Heijningen Jr, Marco Beltrami nous livre une composition symphonique sombre, oppressante et immersive pour « The Thing », qui rend par la même occasion un subtil hommage à la musique culte d'Ennio Morricone pour le premier film. Le score s'articule sur deux thèmes principaux, un motif de 4 notes, ample et dramatique, associé aux scientifiques, et un motif plus surprenant, constitué de deux glissandi de cordes - l'un ascendant, l'autre descendant - qui finissent par se rejoindre à l'unisson, associé dans le film à la créature protéiforme. Ce motif, obsédant et entêtant, sera repris constamment tout au long du film pour suggérer l'omniprésence du danger et de la menace du monstre. Le motif est d'ailleurs suffisamment malléable pour permettre à Beltrami de le développer à loisir et à profusion tout au long de sa partition, à l'instar même de cet organisme qui imite d'autres organismes vivants, et ce à la perfection. Le principe des deux glissandi qui se rejoignent à l'unisson est, en plus d'être judicieux et bien trouvé, un « truc » emprunté au célèbre « Thrène pour les victimes d'Hiroshima » de Krzysztof Penderecki, chef-d'oeuvre de la musique contemporaine du XXe siècle écrite en Pologne à la fin des années 50, et qui a servi de base à toute une série de partitions horrifiques/suspense hollywoodiennes de ces 30-40 dernières années.

A l'instar de Jerry Goldsmith dans « Alien » en 1979, Marco Beltrami imite ici la créature en jouant sur les différentes textures sonores de l'orchestre, travaillant le son avec une rare intelligence. Les sonorités instrumentales évoluent ainsi au fil des morceaux pour suggérer la masse organique en constante évolution, un peu comme Beltrami le fait à la fin de « Finding Filling » ou dans des pièces de terreur impressionnantes telles que « Meet and Greet », « Meating of the Minds » ou « Antarctic Standoff ». On admirera la façon dont Beltrami travaille parfois autour d'une même note répétée à travers différentes combinaisons sonores ou nuages de sons, un travail sur la composante sonore qui rappelle parfois les oeuvres savantes de Giacinto Scelsi ou de György Ligeti. Si Ennio Morricone avait opté pour une approche résolument lente et minimaliste, privilégiant une tension latente et retenue, Marco Beltrami fait quand à lui dans le massif et les déchaînements orchestraux virtuoses.

L'ouverture « God's Country Music » débute avec le son lointain du vent de l'Antarctique et introduit d'emblée le motif en glissandi du monstre, avant d'enchaîner avec le thème de quatre notes des humains. Mais la plus belle surprise vient ici du final de « God's Country Music », qui incorpore judicieusement le célèbre thème synthétique entêtant d'Ennio Morricone, pour faire le lien avec la musique du premier opus. On appréciera aussi les textures sonores électroniques du glauque « In The Ship », pour la séquence dans le vaisseau vers la fin du film : Beltrami évoque ici l'univers surréaliste et futuriste du vaisseau extra-terrestre par le biais d'un impressionnant travail autour des sonorités synthétiques et du sound design, frôlant l'abstraction pure. Au final, voilà un grand Marco Beltrami, qui devrait nous réconcilier enfin avec les musiques horrifiques du compositeur italien !

par Quentin Billard


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