Quelques mois après la sortie de son nouvel album "La reproduction", en pleine tournée, c'est au Festival du Moyen Métrage de Brive pour lequel il était dans le jury et lors duquel il se produisit en concert que nous avons rencontré le chanteur, qui aime le cinéma.
Cinezik : Comment intervient votre amour du cinéma dans votre travail de chanson ?
Arnaud Fleurent-Didier : J'ai envie de faire de la musique quand je sors d'une salle de cinéma, pas d'une salle de concert. Les concerts m'ont rarement donné envie d'écrire une chanson, en revanche les films oui. Mon album "La Reproduction" a été conçu seul, puis le groupe est arrivé pour jouer l'album en live. Et pour ce travail scénique, j'ai eu tout de suite des envies de cinéma, des images qui nous accompagnent, des digressions avec des passages symphoniques, expérimentaux. Mon goût pour le cinéma me pousse à aller vers cette dimension spectaculaire du live, d'étendre les chansons dans un format plus pop rock, ou plus répétitif, comme dans les films de Michael Mann que j'adore, ou la musique russe.
Vos chansons racontent aussi des histoires comme un film ?
A. F-D : C'est une facilité de se donner une trame narrative, la poésie n'a pas besoin de raconter des histoires... mais en même temps, ça me plaît pour le côté comédie, on peut créer des contrastes, des surprises, on est dans le registre de l'émotion. Il y a par exemple dans "La Reproduction" des chansons où je parle plus que je chante et tout d'un coup il y a des choeurs. J'aime ces ruptures.
Le disque est un petit film lui-même, même si ce n'est pas un disque-concept avec un personnage récurrent.
Y a t-il des films qui vous ont influencés ?
A. F-D : Il y a plutôt des films qui m'ont rassuré sur la question de la mise en parallèle de la reproduction sociale et sexuelle, le passage à l'âge adulte et de voir ses parents vieillir. C'est ce que raconte le disque. Et pour la chanson parlée "France Culture", des films m'ont rassuré sur la possibilité de faire cela. Les cinémas MK2 à Paris m'ont d'ailleurs proposé une carte blanche en janvier pour la sortie du disque en me demandant de choisir des films qui m'ont influencé. Je ne savais pas au départ, puis un choix s'est imposé, comme celui de "Phantom of the paradise" qui n'est pas dans la thématique du disque, mais je me souviens en l'ayant revu, d'avoir eu envie de générosité pop.
Quel regard portez-vous sur la musique au cinéma, en France actuellement ?
A. F-D : C'est très difficile car il y a une très mauvaise éducation des réalisateurs qui n'aiment pas la musique. Il faut se rappeler que dans les années 70 des réalisateurs allaient chercher Vladimir Cosma que j'aime beaucoup, avec ce délire mélodique, ces arrangements, ce n'est pas que kitch, c'était vraiment de la musique. Aujourd'hui, il y a Alexandre Desplat qui cartonne à Hollywood, je trouve cela d'une platitude ignoble, même si j'ai aimé "Fantastic Mr Fox", il faisait le boulot avec une BO très bien. Je suis très francophile, j'adore Ravel, Georges Delerue, François de Roubaix... J'aime la musique classique.. et dans la musique de film, il peut y avoir une certaine efficacité qui ne soit pas idiote, alors qu'en musique de variété, c'est lassant.
Vous pensez qu'aujourd'hui il n'y a plus de place pour cette musique que vous aimez au cinéma ?
A. F-D : Je pense qu'après les années 70, on a raté une marche. Les réalisateurs se sont détournés de cette musique, ils ont mis davantage de pop rock dans leurs films. Et c'est difficile de les convaincre. J'ai par exemple approché Bruno Podalydès lorsqu'il avait besoin de musique, ce serait marrant de lui faire du Vladimir Cosma, mais c'était difficile, j'aurais adoré faire ça. J'ai plus d'expériences de frustration avec des réalisateurs, qui sont les maîtres à bord, comme des amis musiciens auprès d'Eric et Ramzy... on ambitionne tous de composer la musique de grandes comédies populaires, comme "Camping". J'aimerais faire les films de Pixar.
Quels sont les films dont vous avez écrit la musique ?
A. F-D : J'ai fait plutôt des films scandinaves (Ndlr : comme "The Professor and the Story of the Origami Girl" de Dag Johan Haugerud en 2005) car mes disques ont eu un succès là-bas, et au Japon. Un seul de ces films est sorti en France. Mais ce n'est pas mon délire la musique de film, a-priori, cela reste un travail de commande. Si tu t'entends avec un réalisateur, c'est génial, c'est vraiment une expérience de groupe, comme en musique. Mais la commande est horrible, comme être sur d'un thème, d'une proposition musicale, et que le réalisateur te rétorque "c'est une scène d'amour, je veux des violons". Ce n'est pas très agréable. Je ne suis pas encore reconnu, c'est balbutiant, mais bien souvent, les réalisateurs qui me demandent une musique, ils aiment parce qu'ils ont entendu telle chanson, et me demande de la refaire pour leur film. De temps en temps, je leur propose autre chose, et ils sont très heureux.
Qui réalise les clips de vos chansons et comment se fait ce choix ?
A. F-D : J'ai cherché un réalisateur pour mon nouveau clip pour la chanson "Reproduction", et au final je crois que je vais le réaliser moi-même car j'ai une petite idée... j'ai le défaut de faire tout tout seul. J'ai des ingénieurs du son qui m'assistent mais j'ai du mal à céder une part de mon univers. Cela dit, je découvre avec ce disque ce que c'est que de rencontrer des gens avec qui collaborer... mais j'ai préféré ma pochette aux projets de pochettes qu'on me présentait... je n'ai pas envie devenir Orson Welles, artiste prétentieux, c'est dangereux. Alors je guette les partenaires, mais c'est très long. J'ai mis dix ans à trouver l'ingénieur du son. Alors un clipeur... ce n'est pas évident.