Interview B.O : Gilles Tinayre

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Entretien réalisé à Paris le 27 août 2006 par Benoit Basirico et Manuel Bleton - Publié le 27-08-2006




Gilles Tinayre, un nom reconnu dans le monde de la musique de film, s'ouvre sur sa passion pour la composition et son rôle en tant que "passeur". Dans cette interview approfondie, il aborde les nuances de la création de bandes originales pour le cinéma et la télévision, tout en mettant en lumière les défis auxquels sont confrontés les compositeurs d'aujourd'hui. En tant que président de l'UCMF (Union des compositeurs de musique de film), Tinayre discute également des objectifs de l'organisation et de ses efforts pour améliorer les conditions de travail des compositeurs.

Quels sont les aspects de la BO qui vous intéressent ?

Je m'intéresse à tous les aspects de la musique de film. La BO, c'est le domaine de tous les styles, il y a la musique orchestrale, symphonique, ronflante à l'américaine, et plus confidentielle, en France, et de l'électronique ( Irréversible ), et des musiques plus traditionnelles...

Vous partagez vos activités entre le travail de compositeur et celui de « passeur »…

J'adore la musique de film pour en parler, l'enseigner, et en composer... Mais quand je compose, je mets de côté l'aspect pédagogique, j'ai un monde intérieur à créer. Pour composer, il faut aussi avant tout avoir le temps. Il faut regarder le film une fois, laisser le sujet remonter, trouver l'axe du film, une fois qu'on a une sensation, qu'on a discuté avec le réalisateur, une fois qu'on a l'idée des personnes, de tous les critères... on peut y aller.

On peut aussi composer la musique sans avoir vu le film...

Dans ce cas, il faut connaître le sujet, qui peut être suffisant. Gabriel Yared ne regardait pas les images quand il composait.

Vous avez composé la musique de MARC ELIOT, une série à la télévision…

La musique de télévision est plus importante en volume que le cinéma. Les gens qui composent pour la télévision ont beaucoup de boulot.

Au cinéma, vous avez composé CHOUCHOU…

C'est une comédie que j'ai composée avec Germinal Tenas, on l'a fait en un mois. On a reçu les images du film en décembre, enregistré la musique lors du réveillon du nouvel an, et on a rendu le tout mixé le 10 janvier. Il y a une heure de musique incluant aussi des morceaux d'emprunt mélangeant du rock ou musiques maghrébines...

J'ai composé un thème associé à l'histoire d'amour du film, sans se moquer, sans juger, au premier degré.

Vous êtes aussi président de l'UCMF (Union des compositeurs de musique de film)… Quels en sont les objectifs ?

Cela fait quatre ans que cette association a été créée. Dans les métiers du cinéma, il y a des regroupements de scénaristes, de producteurs, de réalisateurs, de chef opérateurs... mais pour les compositeurs, il n'y avait rien... donc aucunes possibilités d'échanger des choses entre nous et de faire valoir ou de « promotionner » la musique de film. Le rôle de l'UCMF est d'abord de faire connaître la musique de film au plus grand nombre, puis ensuite de donner aux compositeurs plus de moyens de travailler normalement.

Très souvent, les compositeurs ont des conditions de travail épouvantables, aucun budget pour payer un orchestre et dans l'obligation de travailler avec des banques de sons.. Donc les films pâtissent de mauvaises musiques. Le cinéma et la fiction télévisuelle française ne s'exportent pas car on ne leur donne pas la possibilité d'être de qualité.

On intéresse aujourd'hui beaucoup de gens car on n'en a jamais parlé auparavant.

Comment permettre au compositeur d'avoir des moyens ?

On a fait en sorte que le CNC attribue une subvention pour la musique originale (8 000 à 10 000 €) allouée aux producteurs, à condition qu'ils emploient de la musique originale, une subvention pour la télévision (séries, documentaires..), et pour le court-métrage. C'est le côté matériel des choses, donner des possibilités de créer. Avant cela, il y avait des achats de droits (utiliser des musiques préexistantes, en s'alliant bien souvent à des distributeurs), c'est inacceptable.

Mais il y a tout de même des chansons qui peuvent participer au succès d'un film...

La première chanson employée pour un film c'était pour LE LAUREAT. Ce fut un effet foudroyant. Le disque s'est bien vendu, cela a permis de relayer le film sur les ondes radio... L'exemple récent est LA BEUZE, la chanson d'Alphonse Brown a été diffusée sur les ondes avant la sortie du film, et ce fut un bel effet de « teasing ».

Quelle est la souscription nécessaire pour bénéficier des services rendus aux compositeurs ?

Les compositeurs ont envie d'écrire. Je reçois beaucoup de demandes. La souscription coûte 120 euros à l'année, mais là n'est pas l'important au regard des services qu'on leur propose. L'UCMF organise des rencontres avec les autres professions, comme des ateliers d'écritures avec les scénaristes lors de festivals, les compositeurs sont aussi mis en relation avec de futurs réalisateurs au sein d'écoles de cinéma.. Mais nous ne sommes pas non plus une agence d'emploi, mais on s'arrange pour qu'il y ait plusieurs opérations visibles au service des compositeurs.

Vous étiez présent au festival de Cannes…

On organise le pavillon de la musique de film. A Cannes, contrairement à Venise ou Berlin, il n'y a pas de prix pour la musique, alors on a organisé ce pavillon qui a remis avec France musique deux prix musicaux, l'un remis à Alberto Iglesias et l'autre à Soderqvist.

On essaie aussi de porter la musique de film sur le plan européen (création de la FFACE, Federation of Film and Audiovisual Composers of Europe) et on fait des manifestations au sein des festivals européens.

Entretien réalisé à Paris le 27 août 2006 par Benoit Basirico et Manuel Bleton

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