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Cannes 2025

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par Benoit Basirico

- Publié le 20-05-2025




Cette sélection des musiques entendues dans les films vus des différentes sections du festival présente quelques coups de cœur (à la fois musicaux et cinématographiques). On y entend une diversité de signatures musicales marquantes, des explorations électroniques de Pierre Desprats, en passant par les textures chambristes d'Amine Bouhafa et les ambiances spectrales d'Emile Sornin. Ce parcours sonore navigue entre partitions originales aux styles variés – du minimalisme aux mélodies envoûtantes – et une utilisation judicieuse de musiques préexistantes pour un hommage à la Nouvelle Vague. 

Coups de Coeur (Films et Musiques originales)

La Petite Dernière (Hafsia Herzi ) ★★★★ - BO : Amine Bouhafa 

[En compétition]

Amine Bouhafa ("Timbuktu", "Les Filles d'Olfa") signe la musique du troisième long-métrage de Hafsia Herzi. L'actrice devenue réalisatrice avait précédemment collaboré avec Nousdeuxtheband pour "Tu mérites un amour" (2019) et Rémi Durel pour "La Cour" (2022) et "Bonne Mère" (2021). Adapté du roman éponyme de Fatima Daas, le film retrace le parcours de Fatima (Nadia Melliti), une jeune femme de 17 ans issue de la banlieue qui, en intégrant une faculté de philosophie à Paris, se trouve confrontée à un univers nouveau. Ce déracinement l'amène à une profonde introspection sur son identité, sa foi, ses désirs naissants pour les femmes et son émancipation vis-à-vis des traditions familiales. La partition se caractérise par un traitement chambriste des cordes, avec une voix comme un souffle, et une guitare, illustrant l'éclosion d'un désir et l'amorce d'une romance. Les notes rythmées marque la progression du sentiment, non sans heurts, jusqu'à un piano final qui marque un appaisement, une paix avec soi-même. Cette composition dialogue avec une sélection éclectique de morceaux préexistants pour des scènes de fêtes, allant de l'afrobeat avec Rema à l'électro française avec Kompromat et Julie Desire, illustrant les nouvelles expériences festives et sociales de Fatima. Interview à venir

Kika (Alexe Poukine ) ★★★★ - BO : Pierre Desprats 

[Semaine de la Critique]

Pierre Desprats, connu pour son travail sur "Les Garçons Sauvages" et "Olga", signe la musique de la comédie dramatique franco-belge d'Alexe Poukine. Il s'agit du premier long-métrage de fiction de la réalisatrice, déjà reconnue pour ses documentaires. Le film relate l'histoire de Kika (Manon Clavel), une travailleuse sociale enceinte de son second enfant, qui doit faire face au décès soudain de son compagnon David (Makita Samba). Cette tragédie la plonge dans la précarité financière et une profonde détresse émotionnelle. Pour survivre, Kika est contrainte de mobiliser une force intérieure insoupçonnée et d'explorer des voies non conventionnelles, notamment le monde du BDSM à travers des relations tarifées de domination-soumission. La musique de Desprats, marquée par un ostinato de saxophone et des textures électroniques, intervient initialement pour souligner la relation amoureuse naissante et installer l'émotion, avant de s'effacer pour marquer que quelque chose s'est brisée chez la jeune femme. Elle explore ensuite des paysages sonores électroniques ambiants, privilégiant la sensation et la pulsion pour dépeindre l'état interne de l'héroïne : son énergie, sa résilience et sa vulnérabilité. La composition capte le mouvement de chute et de relèvement, entre écroulement et résilience, grâce à la matière très organique du saxophone, joué par Pierre Borel tel un souffle, auquel s’ajoutent la basse, la batterie et la voix. Interview à venir

L'Inconnu de la grande arche (Stéphane Demoustier ) ★★★★ - BO : Olivier Marguerit / Thibault Deboaisne (supervision musicale)

[Un Certain Regard]

Olivier Marguerit signe la musique du drame de Stéphane Demoustier qui avait fait appel à Carla Pallone sur "La Fille au bracelet" (2020) et Philippe Sarde sur "Borgo" (2024) sur ce film qui relate l'histoire de l'architecte danois Otto von Spreckelsen (Claes Bang, connu pour "The Square") qui, en 1983, remporte à la surprise générale le concours d'architecture  lancé par François Mitterrand pour le projet phare de sa présidence, la Grande Arche de la Défense. Ses idées pour ce chantier pharaonique se heurtent très vite à la complexité du réel et aux aléas de la politique. La partition soutient la confrontation entre une vision artistique et des réalités politiques, s'éloignant des conventions du biopic historique pour privilégier une approche psychologique, avec des motifs minimalistes au trombone et tuba, à la Philip Glass, pour refléter une obsession et la détermination du personnage.  Interview à venir

L'Engloutie (Louise Hémon ) ★★★ - BO : Emile Sornin 

[Quinzaine des Cinéastes]

Émile Sornin (connu pour son projet Forever Pavot et, au cinéma, pour Simple comme Sylvain) signe la musique du drame historique français de Louise Hémon. Ce film nous transporte en 1899 à Soudain, un hameau isolé et encerclé par la neige dans les Hautes-Alpes. C'est dans ce décor austère qu'arrive Aimée (Galatea Bellugi), une jeune institutrice laïque et républicaine. Sa présence va catalyser les événements du récit, la confrontant aux croyances obscures de la communauté et à des phénomènes irrationnels. La partition façonne l'environnement hostile et les états psychologiques des personnages. Elle s'appuie sur un alliage d'éléments sonores traditionnels et d'une sensibilité contemporaine pour créer des atmosphères spectrales et hantées. Celles-ci, empreintes de résonances folkloriques et d'une forte étrangeté, sont obtenues grâce à des sonorités singulières (boîte à bourdon, flûte, Ondes Martenot) qui évoquent l'isolement, l'austérité et une tension psychologique. La musique apporte également une touche de chaleur à cet univers glacial grâce à l'ajout de bongos et de piano. Cette instrumentation a été inspirée par la partition d'Ennio Morricone pour le film "Quando l'amore è sensualità". Elle comprend une chanson originale, "Dès que l'ombra ven d'arriba", sorte de chant funèbre sur des paroles de Louise Hémon adaptées en occitan.  Interview à venir

Autres présences musicales (originales)

Renoir (Chie Hayakawa ) ★★★ - BO : Rémi Boubal 

[En compétition]

Rémi Boubal retrouve la réalisatrice Chie Hayakawa après "Plan 75" (2022) pour ce drame japonais qui se déroule à Tokyo en 1987, où Fuki, une jeune fille de onze ans est confrontée à la maladie incurable de son père et au stress de sa mère, qui doit jongler entre les soins à son mari et son travail. Livrée à elle-même et dotée d'une imagination foisonnante, Fuki développe une fascination pour la télépathie et se réfugie dans son propre monde fantasmatique, cherchant à entrer en contact avec les vivants, les morts, et avec elle-même. La partition cherche à traduire le monde intérieur de Fuki, son innocence et son imagination, contrastant avec la dureté du récit (maladie, deuil). Subtilement mélodieuse, la musique reflète l'innocence enfantine à travers des sonorités tels que piano, vents (tuba, euphonium, clarinettes, saxophone), harpe, violon et vibraphone, prolongeant le monde onirique.  Interview à venir

Le Roi Soleil (Vincent Maël Cardona ) ★★★ - BO : Delphine Malaussena

[Hors compétition]

Delphine Malaussena ("Chien de la casse", "Hiver à Sokcho") signe la musique du thriller de Vincent Maël Cardona ("Les Magnétiques") qui relate l'histoire d'un homme qui décède dans un bar-PMU à Versailles, "Le Roi Soleil", laissant derrière lui un ticket de loto gagnant de plusieurs millions d'euros. Les témoins du drame (Pio Marmaï, Lucie Zhang, Sofiane Zermani) se retrouvent alors face à un dilemme moral : s'arranger avec la réalité et leur conscience pour empocher l'argent, tout en se demandant si la vérité ne serait qu'un scénario bien ficelé. La partition propose des arpèges de piano, aussi volatiles que l'indécision des protagonistes liés par le même sort, tissant ainsi le fil des liens qui les unissent. On y entend par ailleurs la musique baroque pour clavecin de Jean-Philippe Rameau, évoquant Versailles. S'y ajoutent des titres joués dans le bar, constituant la musique diégétique du film : de l'électro de Louisahhh!!! à la folk de Devendra Banhart et Sharon Van Etten, en passant par le rock noisy de The Jesus and Mary Chain et le folk noir de Timber Timbre.  Interview à venir

The Phoenician Scheme (Wes Anderson ) ★★ - BO : Alexandre Desplat 

[En compétition]

Alexandre Desplat retrouve le réalisateur américain Wes Anderson pour cette comédie dramatique d'aventure après "Fantastic Mr. Fox" (2010), "Moonrise Kingdom" (2012), "The Grand Budapest Hotel" (2014), "L'Île aux chiens" (2018), "The French Dispatch" (2021) et "Asteroid City" (2023). Le film relate les affres d'un des hommes les plus riches d'Europe, Zsa-zsa Korda (Benicio del Toro), sur fond d'une intrigue complexe impliquant des secrets et des meurtres. La musique originale est décrite comme un flux continu de percussions visant à maintenir une tension et à créer un univers sonore "hors-champ". Elle repose sur un mélange entre un orchestre de chambre caractéristique (piano, clavecin, célesta, bois, percussions, cordes) avec des touches "phéniciennes" (potentiellement oud, ney, percussions à main) et des excentricités typiques d'Anderson. Cette partition est complétée par une utilisation de motifs récurrents pour développer l'intrigue et les personnages, équilibrant fantaisie, mélancolie et la tension inhérente au "complot". On y entend par ailleurs des œuvres majeures du répertoire classique du début du XXe siècle, notamment d'Igor Stravinsky, ainsi que des standards de jazz emblématiques des années 1940.

Die, My Love (Lynne Ramsay ) ★ - BO : Lynne Ramsay, George Vjestica

[En compétition]

Lynne Ramsay co-compose la musique de son film avec George Vjestica (guitariste et auteur-compositeur britannique connu pour son travail avec Nick Cave et Warren Ellis sur les bandes originales de "The Proposition" et "Lawless") après avoir précédemment collaboré avec Jonny Greenwood sur "We Need to Talk About Kevin" (2011) et "A Beautiful Day" (You Were Never Really Here - 2017). Cette comédie noire et thriller psychologique relate l'histoire d'une mère (Jennifer Lawrence) qui lutte contre la dépression post-partum et la psychose dans une région rurale isolée, auprès de son mari (Robert Pattinson). La musique soutient la brutalité et la folie, par le surgissement des cordes, jusqu'au grotesque, imitant l'esprit fracturé de la protagoniste,  incluant des chansons préexistantes qui contrastent par rapport au cauchemar éveillé, en insufflant une énergie à travers des standards du jazz et de la pop des années 30 et 40 (Billie Holiday, The Merry Macs, Jean Sablon) à des classiques du rock et de la new wave des années 60 à 80 (Cream, Toni Basil, Cocteau Twins, David Bowie, Joy Division), dont une interprétée à l'image par Jennifer Lawrence & Robert Pattinson dans leur voiture.

Belle utilisation de musiques préexistantes 

Nouvelle vague (Richard Linklater ) ★★★★ 

[En compétition]

Richard Linklater ("Boyhood", "Before Sunrise") signe la réalisation de cette comédie franco-américaine qui reconstitue le tournage du film emblématique de Jean-Luc Godard, "À bout de souffle" (1960). Ce film en noir et blanc est une espiègle déclaration d'amour à l'œuvre de Godard et à l'effervescence créative de la Nouvelle Vague parisienne à la fin des années 50. Il relate les coulisses de la création, avec ses anecdotes et ses figures marquantes, telles que Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo, tout en explorant le choc des cultures entre la jeune actrice américaine et l'équipe de tournage française. Les emprunts musicaux (provenant des années 1956 à 1959) participent aux clins d'œil et anecdotes, soutient le rythme constant, souligne la tendresse pour les personnages et favorise une immersion décontractée dans l'époque grâce à une sélection de cool jazz (notamment des morceaux de Quincy Jones), des classiques de la danse tels que le "Hully Gully" (The Olympics ), et des chansons françaises populaires de la fin des années 50 avec des artistes comme Dalida ("Tu me donnes") et Sacha Distel ("Scoubidou des pommes des poires"). Ce mélange reflète le dialogue culturel transatlantique cher à la Nouvelle Vague originelle. On y entend aussi le thème final des "400 coups" de Truffaut (avec lequel le film débute) et, bien sûr, quelques notes de piano signées Martial Solal (décédé le 12 décembre 2024), compositeur de la musique iconique du film original "À bout de souffle". D'ailleurs, on voit Jean-Pierre Melville recommander Martial Solal à Godard ; c'est la seule anecdote du film qui concerne la musique.

 

par Benoit Basirico


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