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,@,Cannes 2025,mort-nexiste-pas2025050317, - Interview B.O : Félix & Gabriel Dufour-Laperrière, tandem de frères pour l’animation “La Mort n'existe pas” Interview B.O : Félix & Gabriel Dufour-Laperrière, tandem de frères pour l’animation “La Mort n'existe pas”

Cannes 2025 • Quinzaine des Cinéastes

,@,Cannes 2025,mort-nexiste-pas2025050317, - Interview B.O : Félix & Gabriel Dufour-Laperrière, tandem de frères pour l’animation “La Mort n'existe pas”


Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico

- Publié le 22-05-2025




Jean L'appeau (alias Gabriel Dufour-Laperrière) signe la musique du film d'animation franco-canadien de son frère Félix Dufour-Laperrière qui relate comment, lors d'un attentat contre de riches propriétaires, Hélène abandonne ses compagnons et s'enfuit dans la forêt parmi les loups. La partition se caractérise par ses textures enveloppantes et oniriques, contribuant à matérialiser la psyché d'Hélène : son intériorité, ses rêves, ses désirs et ses peurs. Elle met à contribution des cordes (violon, alto, violoncelle) et un piano en ouverture. 

Cinezik : Le film est construit autour d'une question de lutte pour les enjeux climatiques, avec la sensation d'une catastrophe imminente. La musique représente ce présage, ce danger à venir, et puis en même temps un certain romantisme, avec la relation entre deux personnages...

Félix Dufour-Laperrière (réalisateur) : Il y a quelque chose de cousin dans toute forme d'engagements, qu'ils soient intimes, amoureux, amicaux ou politiques et collectifs. C'est un même espace qui se décline sur différents degrés. Cette loyauté-là aux liens qui nous font, qui nous libèrent, qui sont la matière de notre vie, ce sont des liens cousins. C'est un même espace entre l'intimité et les aspects plus collectifs que le film essaie de décliner. Romantique dans le sens aussi que les protagonistes sont jeunes, ce sont de grands sentiments, de grands désirs, de grandes colères et de grands paradoxes. Je pense que le film est une fable, et un conte tragique. Et dans le caractère maximal du conte, on peut aussi deviner sous différentes intensités d'autres questionnements : la question de l'honnêteté envers soi, l'honnêteté par rapport aux autres. 

La question du conte, la question du romantisme et la question de l'intimité... On ouvre le film avec un piano. Est-ce que l'instrument allait dans ce sens ?

Gabriel Dufour-Laperrière (compositeur) : Je dirais que c'est quelque chose d'assez intuitif. Le piano, j'aime bien parce que ça colle bien à l'image. C'est quelque chose qui peut, je crois, parfois être trop utilisé. Habituellement, c'est un instrument que j'essaie d'éviter. Mais il a une économie de moyens, je dirais, puis une intimité qui est possible. Donc, je dirais que c'est mon principal choix pour ça.

Félix Dufour-Laperrière : Il y avait, pour reprendre un peu notre questionnement sur la densité, face au faste de la verrière, de la riche demeure, de ces pièces plus orchestrales qui se déploient et qui sont aptes à la puissance, il y avait aussi l'intimité du piano, mais qui demeure quelque chose de percussif. Donc c'est quand même quelque chose de tranchant, de saisissant, malgré son intimité et sa délicatesse. Quelque chose de marqué.

Il y a deux dimensions dans la musique : une dimension narrative pour accompagner le récit du film, et aussi une dimension plus climatique, texturale. Les deux se sont-elles travaillées au même moment, en même temps ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Les moments plus climatiques ont été établis et développés assez tôt. Puis il y a l'idée de trouver quelques motifs associés à des personnages permettant de structurer la forme.

Félix Dufour-Laperrière : Gabriel et moi avons eu assez tôt une idée des dynamiques, des intensités, des densités qui allaient varier dans le film. Ensuite, nous avons précisé ces modulations-là pour accompagner le résultat de la fabrication. Le montage est une chose, mais une fois que le plan mis en scène est coloré et fini, qu'on ne le changera plus dans sa matière, dans son rythme, la musique peut venir en action ou en réaction, compléter ou assouplir des gestes ou des décisions qui ont été prises auparavant. Ce qui est assez intéressant, c'est que Gabriel a travaillé à amener quelque chose qui n'est pas étranger à notre point de départ, mais il l'a amené ailleurs. Je pense que les questions d'énergie, de densité sont celles que nous avions au départ, mais les textures, l'orchestration, une certaine finesse du placement et une certaine finesse justement structurelle et formelle sont venues de son travail et de ses intuitions. 

Gabriel Dufour-Laperrière : Il y a eu la nécessité de souligner des éléments scénaristiques en dessous du dialogue. Pour cela, c'est un travail vraiment de subtilité. Il ne faut pas que la musique prenne trop de place, mais elle doit participer à la compréhension et surtout à l'émotion.

Félix Dufour-Laperrière : Il y avait aussi le défi d'accompagner à la fois des scènes très violentes, des scènes d'action, un montage assez dense, et il y a un certain lyrisme aussi qui est assumé. C'est-à-dire qu'il y a une expressivité ; nous voulions une énergie et un dynamisme pour servir le montage ou pour le dynamiser, et aussi pour préserver dans le corps du film une certaine énergie qui correspond à celle des personnages, de leur désir brûlant et de ce qui les anime.

La musique joue sur le clivage entre le luxe et la modestie...

Félix Dufour-Laperrière : Le luxe, la modestie, le pouvoir, l'autorité... Et puis, ce qui relève de l'intimité, des décisions intimes, des convictions intimes.

Gabriel Dufour-Laperrière : Il y a quelque chose de très dynamique aussi, dans le sens d'étirer la plage dynamique. Donc, le piano, il y a une intimité, mais il y a des moments où ça doit exploser aussi. Donc là, il y a une maximisation des moyens. Puis d'avoir quelque chose de plus menu, disons, ça permet de créer un contraste, en fait.

Et dans quelle mesure avez-vous travaillé sur le design sonore, le travail sonore du film ? Le lien entre musique et son est très ténu.

Gabriel Dufour-Laperrière : Oui, tout à fait. En fait, je dois souligner le travail des deux concepteurs son, Samuel Gagnon-Thibodeau et Olivier Calvert. Et particulièrement de Hans Laitres qui a fait le mix. Ça a été vraiment un travail de concert. Dans les derniers mois, on a réussi à mettre ensemble la musique et la conception sonore. Ça m'a permis d'ajuster, de laisser de la place à la conception sonore ou de venir ajouter des choses à la musique qui ne venaient pas jouer contre.

Félix Dufour-Laperrière : Quand la musique prend sa juste place, il y a des moments très lyriques, musicaux, où la musique occupe l'espace, donne une forme d'ampleur inquiétante parfois, de puissance, c'est assez réjouissant. On y est allé avec affirmation. On souhaitait que ce soit plein par moments, parce que c'est un récit où il y a des pleins et des creux.

Gabriel Dufour-Laperrière : Et à plusieurs moments quand même aussi, la musique joue dans le domaine de la conception sonore. Parfois, ce sont des plages sonores qui viennent juste habiter. Puis à quelques reprises, on avait les mêmes idées sur certains plans. Donc moi, j'ai juste orchestré de la conception sonore par moments. C'était assez agréable pour ça.

Aviez-vous des références ? On pense à des films d'animation des années 70 (La Planète sauvage de René Laloux). Était-ce conscient ?

Félix Dufour-Laperrière : C'est bon, René Laloux, mais c'était inconscient. Je n'y avais pas pensé. Notre première intuition, c'était que Schubert rencontre la Cold Wave. Donc c'était "La Jeune Fille et la Mort" rencontre Joy Division. C'était un petit peu notre principe de départ. Je crois que Gabriel a eu l'intelligence et le soin de ne pas s'y arrêter. C'est-à-dire qu'il y a quelque chose de ça, mais aussi il s'est mis au service de l'image, avec quelque chose de plus précis, de plus englobant.

Gabriel Dufour-Laperrière : Je n'ai pas essayé de mettre d'influence. Le film est très formel, c'est ce qui a structuré le travail. La musique est assez classique dans son approche structurelle. Il y a une ouverture avec l'exposition des thèmes, parce que dans la première scène, il y a une forme d'exposition, on voit les différents personnages. J'aime bien le principe de l'ouverture d'opéra où on présente les thèmes en cours. Ça permet d'établir et de construire, d'avoir une meilleure marge de manœuvre pour faire des associations thématiques par la suite. 

Sans forcément faire "Pierre et le Loup" avec un thème par personnage ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Non, non, pas du tout. Ce sont de très courts motifs. Ce n'est pas très mélodique. C'est plutôt textural, mais j'aime bien quand même l'idée d'asseoir un socle et de pouvoir partir avec ça pour le reste du film aussi.

Félix Dufour-Laperrière : Le film est construit sur des principes de résonance et d'une mécanique qui est variable entre la parole et l'image, c'est-à-dire donc entre le son et l'image. Des fois, on voit des choses qui seront nommées plus tard ou on nomme des choses qui seront aperçues plus tard. Il y a des réminiscences, il y a des jeux de miroirs, à la fois dans le récit et à l'image, il y a des jeux de miroirs et des répétitions. Le travail musical va dans le même sens, dans un travail assez subtil de réminiscences, de répétitions, de thèmes.

Et il y a le lien entre le figuratif et l'abstraction, dans l'animation, on ouvre le film avec  la matière de la peinture pour ensuite voir les formes se dessiner. Musicalement, on est aussi dans ce lien-là entre une matière et une figure qui se dessine progressivement...

Gabriel Dufour-Laperrière : Tout à fait, c'est très bien dit. Il y a certains aspects carrément abstraits. On va aller davantage dans la plasticité, le timbre, ce genre d'exploration-là. Il y a aussi une association au figuratif, donc ça devient plus mélodique, plus classique.

Gabriel, dans votre parcours, vous êtes dans un travail de recherche musicale, une recherche presque expérimentale. Et là, quand vous vous confrontez à une narration, à une image, est-ce que vous laissez de côté l'expérimental ou alors au contraire, cela vous sert-il ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Alors ça m'habite toujours. Évidemment, mon cœur est là, je viens de la musique contemporaine, expérimentale, électroacoustique aussi. Donc, explorer les sons, c'est mon plaisir quand même. J'essaie que ça soit ma richesse dans le travail au cinéma. Mais ce n'est certainement pas quelque chose auquel je tiens. Mon réel plaisir de faire de la musique pour un film, c'est de travailler les scénarios, de m'inscrire dedans, d'essayer de magnifier certains éléments scénaristiques, c'est ça qui prime en fait. La musique est fonctionnelle alors que mon parcours est plutôt celui de la musique de concert. On écoute vraiment la musique pour elle-même. Au cinéma, la musique est secondaire la plupart du temps, en tout cas ça sert le film, c'est l'objet du film qui doit être simplement mis de l'avant.

Vous ne cherchez pas à faire votre propre musique pour le film mais à vous mettre au service de celui-ci ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Oui, de toute façon, ma musique ne se prêterait pas nécessairement bien à l'image, c'est vraiment une autre pratique. C'est un autre art que j'apprends à chaque fois que je fais un film. C'est très stimulant, dans le bon sens du terme.

Et quelle est pour vous votre plus grande contrainte au cinéma ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Alors, je crois que la plus grande difficulté, c'est encore une fois le scénario. C'est-à-dire que quand je crée de la musique de concert, l'intention est claire pour moi. Mais quand on communique avec une autre personne, inévitablement, on doit interpréter, on doit s'entendre sur certains trucs. Et viser juste, c'est ça le défi. Comme dans n'importe quelle conversation, on interprète, on croit comprendre, mais est-ce que c'est ce que le réalisateur souhaite exactement ? Donc je crois que c'est ça le vrai défi.

Et quand le réalisateur est son frère, on ne va pas le cacher, est-ce que ça aide la collaboration ? Est-ce que justement le langage est plus simple ou pas forcément ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Ça dépend en fait. Je crois que ça aide beaucoup pour le travail, mais il reste des challenges, puis les défis de construire l'objet sonore pour le film, c'est quelque chose qui n'est pas d'emblée clair pour personne, ni le compositeur, ni le réalisateur. Donc, dans cette construction-là, je crois que bien se connaître depuis quelque temps, ça aide forcément.

Ça aide à la confiance du réalisateur ?

Félix Dufour-Laperrière : C'est une grande confiance, et une estime aussi. Et puis, le défi pour moi qui ne suis pas musicien, et qui ne suis pas du tout compositeur non plus, c'est, comme dirait Gabriel, de bien trouver l'espace où on exprime ce qu'on souhaite exprimer, on comprend ce qu'il y a à comprendre. Ça veut dire que c'est dans le langage, dans la communication, il faut que les canaux soient clairs, il faut que la table soit bien mise, pour qu'on puisse se comprendre, qu'on puisse échanger, qu'on puisse aussi être disponible aux propositions, aux matières que les autres proposeront. C'est un beau travail.

Est-ce qu'il y a des choses que vous ne souhaitiez absolument pas ? Est-ce que vous refusiez des choses ?

Félix Dufour-Laperrière : Il y avait un parti pris clair : je ne voulais pas spectaculariser la violence. On a réfléchi tout de suite à la façon de coller à la mise en scène, qui est un peu sèche pour ces séquences-ci, mais de ne pas en faire un spectacle, de ne pas le fluidifier outre mesure. Et à contrario, on souhaitait vraiment qu'il y ait de l'énergie, donc je n'aurais pas voulu quelque chose de trop décoratif, je voulais que ça pulse un peu, qu'il y ait du dynamisme, qu'il y ait de l'énergie, qu'on impose quelque chose, une mécanique qui s'installe et qui s'emballe dans le film. Ensuite, le gros défi, je crois, c'est qu'on a dynamisé aussi des moments plus réflexifs. Le film a une ouverture assez dense, puis une conclusion assez dense également. On a donc dû travailler avec ça, puis expliciter cette structure-là, puis l'accompagner, puis la faire moduler. Ça a été notre grand défi, notre grand souci.

Gabriel Dufour-Laperrière : Je crois que ce qui était le plus positif pour le travail, c'est dans l'économie. Donc, particulièrement au début, par exemple, en ayant juste l'animatique et quelques dialogues, le réflexe était de mettre de la musique partout. Puis Félix, de façon assez sage, au bon moment, m'a dit : « On n'en mettra pas là, on va ôter ça. » Et aujourd'hui, avec la conception sonore, c'était bien vu de faire ces économies-là à ces moments-là.

Félix Dufour-Laperrière : Je trouve que c'est un film qui est assez plein de toute façon. Il est plein d'images, plein de sons et plein de musique. C'est comme le cœur de ces personnages qui déborde.

Pour les compositeurs, c'est un luxe, l'animation, parce qu'on peut encore oser la musique, ce qu'on ose moins souvent dans les films en images réelles aujourd'hui. Et vous en tant que spectateur par exemple, est-ce que ce que vous entendez dans les films a pu aussi vous guider pour votre inspiration ?

Félix Dufour-Laperrière : Ah oui, moi le film que j'avais en tête au départ, c'était l'animation japonaise "Ghost in the Shell", l'original de 1995. La conception sonore est brillante. La musique est très précise, très accrocheuse. C'est séduisant, mais très, très précis. C'est l'espace musical ou sonore que j'avais en tête quand j'ai approché Gabriel. Puis on a pris nos distances avec ça, mais ça a quand même été une réflexion en action ou en réaction. On a travaillé avec cette référence-là en tête.

Alors la différence avec "Ghost in the Shell", c'est que dans votre film, il n'y a pas de présence vocale dans la musique.

Gabriel Dufour-Laperrière : C'est vrai. Il y a quand même quelques voix qui viennent souligner les aspects un peu plus abstraits, disons, mais pas sous forme chantée en effet. Cette abstraction-là a permis des moments plus expérimentaux, où j'ai pu avoir une plus grande liberté.

Félix Dufour-Laperrière : Vous l'avez souligné, le film porte en lui aussi quelque chose d'assez romantique dans son affection, dans ses convictions. Il fallait que la musique le souligne aussi, l'accompagne. Donc on a eu ce souci-là également.

Et en termes de synchronisme, quel a été le travail à ce niveau-là ?

Félix Dufour-Laperrière : Gabriel a été très précis. Le processus est long et moi je monte tout le long de la production. Donc c'est moi qui monte, c'est moi qui dirige l'animation, donc j'ai le contrôle sur la matière, et ça bouge jusqu'à la toute fin. A un moment, idéalement, ça ne bouge plus pour que le compositeur puisse faire son travail. Mais Gabriel a su être flexible pour s'ajuster à l'objet toujours mouvant qu'était ce montage-là. En fait, on travaille avec une animatique, on remplit au fur et à mesure, et moi, comme c'est moi qui le fais, je me permets quand même de bouger lorsque nécessaire.

Et donc il y a eu des choses modifiées dans le montage en fonction de la musique ?

Félix Dufour-Laperrière : Il y a des choses qui ont bougé en fonction de la musique, puis la musique a dû des fois s'adapter au niveau de son rythme, au niveau de sa durée, au niveau de ses transitions, aux nouvelles réalités de l'image.

Gabriel Dufour-Laperrière : Il y a même quelques scènes où des plans ont été effacés. C'est arrivé seulement pour quelques scènes ; à ce niveau-là, il n'y a pas eu trop de retours en arrière qui ont été nécessaires.

Dans le film, il est question de l'éco-anxiété, de l'angoisse, mais une angoisse qui ne paralyse pas, être en lutte. Musicalement, est-ce qu'il y avait cette idée que cette anxiété-là soit un carburant plutôt qu'une paralysie ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Oui, tout à fait, parce qu'on parle d'anxiété, c'est sûr que, par exemple, l'harmonie est quelque chose de très puissant pour souligner ça, quelque chose de moins harmonieux, quelques dissonances. Ensuite, la musique est un médium très abstrait, elle est secondaire par rapport au texte pour véhiculer un message.

Disons que musicalement, il y a l'aller-retour entre le mouvement et l'immobilisme, la texture et la mélodie, la paralysie et la relance...

Gabriel Dufour-Laperrière : Oui, tout à fait. Ces rythmes-là sont présents dans le film et c'est assez plaisant à travailler. Un terme plus technique, je dirais la "directionnalité". Est-ce que le mouvement musical avance ou ralentit ? Est-ce que c'est planant ou très rythmé ? Et le film est fait en espèces de sections et chacune d'elles a une certaine temporalité. Donc ça c'est assez plaisant à explorer et à souligner.

Et puis après, comment cette musique va-t-elle soutenir le dilemme moral des personnages, leur psychologie, notamment ce personnage principal d'Hélène ?

Félix Dufour-Laperrière : Oui, pour la première fois, on a nommé clairement certaines émotions qu'on voulait souligner, on s'est tâché de les souligner. C'est comme le disent les deux personnages, Hélène dit "on a été naïfs", et Victor corrige "plutôt romantiques". J'avais ça en tête aussi. Le film porte une colère de jeunes adultes d'une vingtaine d'années et aussi les angoisses existentielles et l'inquiétude d'un père de famille de 43 ans. La musique a souligné ces mouvements-là. Des fois c'était subtil, des fois c'est très franc, il y a un piano qui vient soutenir une émotion, c'était souhaité. Parce qu'on se disait, l'émotion on l'assume, on la trouve belle, on la regarde en face.

Quelle est la part d'interprétation dans la musique et aussi des idées trouvées lors de l'interprétation ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Dans un premier temps, tout est testé au piano devant l'image, il y a quelque chose d'exploratoire. Après ça, je dois souligner le travail notamment du quatuor à cordes, des musiciens qui ont su, dans des temps assez restreints, ajouter énormément de vitalité par leur interprétation.

Il y a eu une version de maquette numérique avant l'interprétation par les cordes ?

Gabriel Dufour-Laperrière : Oui, tout à fait. Il y a aussi par moments des doublures, donc on garde un peu certains sons de la maquette pour donner de l'épaisseur, ce qui permet aussi à la musique de mieux s'imbriquer avec la conception sonore, parce qu'il ne faut pas que ça soit trop mince, on finit par moments par garder les deux. Mais le travail se fait par proposition de maquette à monter sur la vidéo, ce qui permet à Félix de voir le résultat, c'est très concret en fait.

Félix Dufour-Laperrière : Gabriel est très habile, comme il a une pratique d'électroacousticien aussi, il est très habile dans cette mécanique-là, les enchaînements, il y a une base technique très solide qui permet ensuite de passer à la matière réelle, puis d'en faire le mélange.

[La version podcast de l'entretien sera publiée ultérieurement]

Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico


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