James Horner retrouve James Cameron après TITANIC (1997) et ALIENS (1986). Avec AVATAR, Horner a eu beaucoup de temps pour développer une musique associant à la fois touches ethniques/exotiques pour la planète Pandora et orchestre symphonique pour la partie plus humaine et dramatique de l’histoire - sans oublier le recours à quelques touches électroniques et quelques choeurs épiques. Mais la musique manque d'originalité...
[© Texte : Cinezik] • 0075679981233
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
Avec Sam Worthington, Sigourney Weaver, Michelle Rodriguez
Film américain.
Genre : Science fiction
Distribué par Twentieth Century Fox France
Première
écoute et premier constat : la musique souffre indubitablement d’un
manque flagrant d’originalité et d’idée. James Horner recycle toutes
les formules musicales habituelles du genre avec une certaine paresse
quelque peu étonnante pour un film aussi ambitieux. On retrouve ainsi
le motif de 4 notes de BRAINSTORM / STAR TREK II / WILLOW / STALINGRAD, ainsi que des allusions à peine déguisée au
thème de GLORY ou à un thème de LÉGENDES D'AUTOMNE, sans
oublier des références trop évidentes à APOCALYPTO et LE NOUVEAU MONDE. Encore une
fois, James Horner n’a pu s’empêcher de recycler ses propres
compositions en se cachant derrière l’argument d’une « signification »
intime de ses autocitations. Peut-être, sauf que lorsque l’on entend
cela pour la 100ème fois, cela commence à devenir particulièrement
pénible et pénalisant pour le film, qui souffre de références musicales
à d’autres films antérieurs. Mais les problèmes ne s’arrêtent pas là,
car si la musique accompagne parfaitement l’ambiance à la fois
écologique, magique, sombre et dramatique du film de James Cameron,
elle rappelle aussi la grande paresse artistique d’un compositeur qui,
de toute évidence, a perdu de sa superbe.
Constat sévère ? Certes, mais à la taille de l’immense gâchis de la
partition qui nous est donné d’entendre, tant dans le film que sur
l’album - généreusement rempli, comme toujours avec le compositeur. Le
score de AVATAR utilise donc l’orchestre symphonique habituel
agrémenté d’une pléiade d’effets électroniques sur lesquels le
compositeur arrive à recréer quelques sonorités futuristes plutôt
intéressantes, avec un ensemble d’instruments ethniques/exotiques pour
les couleurs musicales de Pandora et des Na’vi. C’est d’ailleurs là que
le bat blesse : la partie ethnique de la musique de AVATAR trahi un
manque d’inspiration flagrant. Alors qu’Horner annonçait dans de
nombreuses interviews qu’il avait passé beaucoup de temps à essayer
d’imaginer et de recréer le « folklore » musical des Na’vi (Horner a eu
environ 18 mois pour écrire la musique, ce qui est absolument énorme et
exceptionnel pour un film !), le résultat est somme toute atrocement
ordinaire, facile, sans surprise. Les percussions, les shakuhachis et
autres flûtes de pan et voix féminines éthérées sont de la partie dès «
You Don’t Dream in Cryo… » pour l’introduction du film. Pas de
surprise, dès les premières minutes, Horner réutilise son fameux motif
de 4 notes de trompettes qui semble l’obséder depuis près de deux
décennies et qu’il nous balance constamment à toutes les sauces. Les
parties vocales utilisent le langage Na’vi crée pour les besoins du
film, avec l’apport des solistes Drea Pressley et Mark Edward Smith.
L’utilisation de rythmiques électroniques sur la fin du morceau
paraissent plus étonnantes (et faciles) pour du Horner, rappelant
l’univers futuriste du film. Les synthétiseurs apportent d’ailleurs une
touche futuriste plus intéressante dans « Jake Enters His Avatar World
» pour la transformation de Jake Sully en son Avatar. Visiblement,
Horner se montre plus inventif ici avec les sonorités électroniques et
tentent quelques couleurs sonores inédites dans son univers musical (on
pourra aussi signaler l’utilisation des instruments ethniques dans «
Jake Enters His Avatar World », très clairement calqués sur le score de APOCALYPTO). Hélas, l’ensemble est constamment gâché par un manque
d’idée mélodique flagrant (étonnant pour du Horner). Seul point positif
: l’apparition du thème des Na’vi à la fin de « Jake Enters His Avatar
World », thème plutôt aérien bâti sur une succession d’accords
majestueux évoquant la beauté de la nature de Pandora et le caractère
pacifique des Na’vi. Dommage simplement que ce thème ne laisse aucun
souvenir particulier, même dans le film.
Des morceaux comme « Pure Spirits of the Forest » ou « The
Bioluminescence of the Night » fonctionnent bien dans le film mais
tombent constamment dans un style new-age/world music un peu facile,
alors que pour un univers aussi étrange et merveilleux que celui de
Pandora, on se serait attendu à une musique plus audacieuse dans son
approche, plus recherchée et moins portée sur les clichés. Horner
utilise les synthétiseurs new age pour les scènes où Jake découvre la
nature luxuriante de Pandora et ses mille richesses en compagnie de
Neytiri. Les touches ethniques/exotiques rappellent là aussi des
passages de APOCALYPTO, sans grande idée particulière - le résultat
restant tout à fait correct à l’écran. Un morceau comme « The
Bioluminescence of the Night » s’avère être plus intéressant dans son
développement des sonorités électroniques new age plus étranges pour la
flore luminescente de Pandora. Néanmoins, force est de constater
qu’Horner a bien du mal à sortir de ce côté « musique de film
animalier/documentaire naturaliste » alors qu’on était en droit
d’attendre quelque chose de bien plus audacieux et recherché de sa part
(surtout après 18 mois de travail !). En revanche, dès « Becoming One
of the People, Becoming One With Neytiri », Horner recycle un thème du
score de THE FOUR FEATHERS avec l’envolée d’une voix d’un enfant
soliste et une superbe reprise du thème principal lorsque Jake devient
un membre à part entière du peuple Na’vi. Le compositeur apporte même
un peu de romance et de poésie à l’union entre Jake et Neytiri avec
l’utilisation intime de la flûte de Tony Hinnigan qui rappelle
vaguement la scène d’amour entre William Wallace et Murron dans BRAVEHEART, le tout mélangé à une très belle écriture suave et
raffinée pour cordes et piano - sans aucun doute l’un des plus beaux
passages du score. Les choses se gâtent hélas avec « Climbing Up
Iknimaya/The Path to Heaven » et « Jake’s First Flight » où Horner
réutilise un dérivé du thème de GLORY (1989) déjà lui-même inspiré
du « Ivan le Terrible » de Prokofiev. Les chœurs d’enfants interprètent
ici un thème majestueux pour la scène de l’ascension du mont Iknimaya,
un très beau passage assez grandiose dans le film, malheureusement
gâché par un recyclage trop évident du thème de GLORY (à noter
cependant une utilisation très réussie des voix).
Enfin, avec « Scorched Earth », on entre dans la dernière partie, lors
de la longue bataille finale. Horner utilise ici des rythmes martiaux
avec les chœurs et les instruments ethniques pour évoquer la
destruction de Pandora. L’action se dévoile dans le massif et martial «
Quaritch » et le brutal « The Destruction of Hometree », qui dégage un
sentiment de désastre et de tragédie dans le film, avec une utilisation
particulièrement grandiose des choeurs (dans un style proche de STALINGRAD) - le thème de Pandora étant repris à travers de
multiples versions plus tourmentées et sombres. Horner se montre
finalement plus inspiré dans ces passages d’action sombres, même si
l’ensemble n’a rien de follement original en soi. On appréciera le
chant de lamentation tragique de « Shutting Down Grace’s Lab » (passage
d’une grande émotion dans le film, lorsque les militaires décident de
fermer le laboratoire d’Avatar de Grace - Sigourney Weaver), pour
déboucher sur les deux climax de la partition, l’intense « Gathering
All The Na’vi Clans for Battle », lorsque Jake décide de réunir tous
les clans Na’vi pour l’affrontement final. La musique atteint ici un
sommet de grandeur et d’émotion, à la fois grandiose et solennelle,
même si là aussi on regrettera le côté souvent facile de la musique
(percussions ethniques, choeurs épiques comme on en fait à la pelle
aujourd’hui dans les musiques épiques hollywoodiennes de nos jours !)
et un recyclage trop évident ici d’un thème de LÉGENDES D'AUTOMNE
(1994). Néanmoins, le morceau tire sa force d’un thème rempli d’espoir,
de courage et de détermination à l’écran, alors que l’on voit les
différents clans Na’vi se réunir tous ensemble pour une cause commune.
Le morceau débouche sur la bataille finale, l’immense « War », climax
d’action de plus de 11 minutes pour chœurs, orchestre et percussions
ethniques. Seule ombre au tableau : le côté très quelconque d’un
morceau qui aurait dû être un sommet du genre, mais ne fait finalement
que recycler toutes les formules épiques hollywoodiennes en vogue (on
croirait presque entendre par moment le TIME MACHINE de Klaus
Badelt ou le KINGDOM OF HEAVEN d’Harry Gregson-Williams). James
Horner qui lorgne du côté de Media-Ventures ? Insolite et frustrant !
Et pourtant, on ne peut qu’être soufflé par la puissance épique qui se
dégage du colossal « War » et ses envolées dramatiques et solennelles
d’une puissance redoutable à l’écran. La musique atteint même un sommet
d’émotion à partir de la septième minute, sans aucun doute le passage
le plus réussi du score, dégageant un sentiment d’espoir grandiose en
plein coeur de la bataille. Dommage cependant que l’écriture - réussie
- des choeurs reste finalement très passe-partout et un peu facile
(James Horner nous a habitué à des choses bien plus personnelles). Pour
finir, on ne nous épargne malheureusement pas la traditionnelle chanson
du générique de fin, interprétée par la star du R&B britannique
Leona Lewis, « I See You », reprenant le thème principal dans une
version pop/électro décevante et tout à fait dispensable.
Bilan finalement très mitigé pour le nouvel opus symphonique épique de
James Horner. Certes, après quelques partitions de qualité extrêmement
quelconques, on retrouve avec un certain plaisir le Horner des musiques
d’action/aventure épiques et démesurées, sauf qu’ici, le compositeur se
complait encore une fois dans le recyclage permanent de ses anciens
motifs, prétextant un argument émotionnel à chaque citation pour cacher
au final son manque d’idées. 18 mois pour accoucher finalement d’un
score épique quelconque et sans grande surprise, recyclant toutes les
formules musicales épiques/ethniques du genre ? Décevant, surtout de la
part d’un compositeur qui semble ne plus avoir grand chose à dire en
2009. Certes, le score fonctionne très bien dans le film et s’écoute de
façon agréable sur CD, mais il manque réellement quelque chose pour en
faire une grande oeuvre, peut être un soupçon d’honnêteté et
d’inspiration ? Plus d’audace ? Plus d’idées mélodiques ? Le rapport
image/musique reste d’ailleurs très superficiel, la musique colle bien
aux images mais on ne retient finalement pas grand chose de la musique
à la sortie du film, preuve qu’Horner est plus que jamais en mode
autopilote sur cette partition et qu’il semble s’essouffler dans ses
idées qui tournent en rond. Bien sûr, il reste la grandeur de «
Gathering All The Na’vi Clans for Battle » ou la démesure épique de «
War », mais il y a aussi les facilités irritantes des clichés ethniques
de « Pure Spirits of the Forest » qui sont indignes d’un compositeur
censé avoir travaillé pendant de longs mois sur la création d’un nouvel
univers sonore. Et pour finir, on retrouve toutes les citations
habituelles du compositeur déjà listées. Personne ne peut
en vouloir à Horner de faire du Horner, mais quand on atteint un tel
niveau de paresse artistique, difficile de ne pas perdre patience,
surtout lorsqu’on prend le temps de se souvenir que le score a été
annoncé pendant de nombreux mois comme un très grand travail musical
sur lequel le compositeur avait soi-disant réussi à recréer tout un
univers musical pour la planète Pandora et le film de James Cameron en
général. En bref, on reste frustré par le résultat final qui n’est pas
à la hauteur de nos attentes, car, malgré des qualités indéniables (une
émotion réellement palpable dans la partie finale, des sonorités
électroniques assez intéressantes vers le début du film, un score
agréable à écouter et bien écrit), la musique de AVATAR ne parvient
pas à se hisser au dessus de la masse hollywoodienne habituelle et
tombe bien souvent dans la facilité et une certaine paresse artistique
évidente. Seuls les aficionados d’Horner y trouveront leur compte, les
autres en arriveront très vite à la conclusion que le compositeur n’a
plus grand chose à nous dire aujourd’hui !
James Horner a signé la musique d'autres films de James Cameron : Aliens (1986) • Titanic (1998) •
James Horner a également écrit la musique de : Le Nom de la Rose (1986) • Cocoon (1985) • Braveheart (1995) • Willow (1988) • Krull (1984) • Les Mercenaires de l'espace (1981) • Le Petit dinosaure et la vallée des merveilles (1989) • La Légende de Zorro (2005) • Flightplan (2005) • Sans frontière (2003) • Commando (1986) • Génération Rx (2004) • Mémoire effacée (2004) • Glory (1990) • Le Nouveau monde (2006) •
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