Réalisé par Brian De Palma
Avec Josh Hartnett, Scarlett Johansson, Hilary Swank
Film américain, allemand. Genre : Policier, Thriller, Drame
Durée : 2h.
Titre original : The Black Dahlia
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Mark Isham compose pour le film de Brian De Palma un score sombre et rétro, dans l'esprit du roman noir de James Ellroy.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1. The Zoot Suit Riots (2:14)
2. At Norton and Coliseum (4:06)
3. The Dahlia (3:08)
4. The Two Of Us (3:36)
5. Mr. Fire versus Mr. Ice (3:15)
6. Madeline (3:05)
7. Dwight and Kay (3:11)
8. Hollywoodland (2:53)
9. Red Arrow Inn (1:35)
10. Men Who Feed On Others (4:24)
11. Super Cops (2:00)
12. Death At The Olympic (3:32)
13. No Other Way (2:06)
14. Betty Short (2:16)
15. Nothing Stays Buried Forever (6:26)
Si le fait que le film est raté fait quasiment l'unanimité auprès des critiques (certains parlent d'un "film malade"), oeuvre de cinéma à laquelle manque l'esprit pervers et torturé qui habite le roman d'Ellroy, la musique de Mark Isham est probalement de l'ensemble ce qui s'en rapproche le plus, avec ses obsessions et sa noirceur.
Ça commence très fort avec la scène d'ouverture (l'une des plus impressionnantes du film, où l'on voit un quartier de Los Angeles à feu et à sang), avec des cordes rythmées et des cuivres très présents : Isham donne immédiatement le ton, évoquant un chaos implacable. Mais très rapidement, le compositeur reprend sa trompette (qu'il interprète lui-même en tant que trompettiste virtuose), et donne au film une ambiance de film des années 50 qui colle merveilleusement bien aux images, en donnant un cachet rétro à la mise en scène de De Palma (virtuose elle aussi mais qui n'est visiblement pas assez habitée). Isham lorgne vers le jazz mélancolique et sombre, tout en nous délivrant de magnifiques thèmes romantiques et mystérieux, qui suggèrent complots, trahisons et troubles obsessionnels chez les personnages (on pense parfois à JFK de Williams).
Le personnage de Madeleine (Hilary Swank) est évoqué par des cordes denses qui font penser à la "blue note" d'Alfred Newman (belle référence au Golden Age américain, qui habite complètement cette partition), ou à certains thèmes romantiques de Bernard Herrmann pour les films d'Hitchcock (tiens c'est étonnant, le film est signé De Palma !). La partition nous tiens également en haleine avec de purs morceaux de suspense comme l'excellent "Hollywoodland", qui se termine par un superbe thème malheureusement peu exploité par la suite (sauf dans le superbe "Men Who Feed On Others"). Isham évoque le "Dahlia Noir" par un motif langoureux, sombre et mystérieux, qui fait à chacune de ses apparitions dans le film un bel effet.
Mark Isham signe ici assurément l'une de ses meilleures musiques, et accède avec honneur au rang très fermé des grands compositeurs qui ont eu la chance de travailler avec Brian De Palma (et pas des moindres : Bernard Herrmann, John Williams, Ennio Morricone...). Avec une partition inspirée du Golden Age américaine et dans la droite lignée du film noir des années 40-50, il signe un score inspiré, sombre, mystérieux et mélancolique, qui décrit avec bien plus de justesse l'univers du roman que le film, alors que le scénario, à vouloir trop en dire, passe complètement à côté des personnages et de l'ambiance poisseuse de l'univers d'Ellroy. Il est probable que Fincher (avec Shore à la musique ?), qui était initialement sur le projet, aurait fait quelque chose d'encore plus radical et sûrement plus en accord avec le roman (dans la lignée de Seven), mais nous sommes malgré tout en présence d'une vraie réussite visuelle et musicale, car même si le film ne convainc pas, on reste impressionné par la maîtrise du cinéaste dans l'ensemble et sa capacité à faire ressurgir par moments ce qui fait l'essence même du cinéma, avec une utilisation très efficace d'une musique à laquelle le réalisateur donne beaucoup d'importance à l'image.
Pour 'The Black Dahlia', Brian De Palma a fait appel cette fois-ci au
compositeur Mark Isham qui nous livre incontestablement ici l'une de ses
meilleures partitions, écrite à son tour dans le style des musiques de
film noir des années 40/50. Avec 'The Black Dahlia', Mark Isham évoque
son amour du jazz en nous offrant quelques magnifiques solos de
trompette jazzy (interprété par Isham lui-même). L'écriture orchestrale
du compositeur paraît ici plus fouillée et classique qu'à l'accoutumée,
peut être motivée par un réalisateur qui a toujours été très exigent au
sujet de la musique de ses films, ce que semble confirmer les deux
premiers morceaux du score, l'introduction - 'The Zoot Suit Riots' - et
'At Norton and Coliseum' qui dévoile le thème principal, à la fois doux
et sensuel, et qui sera associé par la suite à la romance entre Bucky et
Kay. 'The Zoot Suit Riots' s'ouvre au son de la trompette jazzy de Mark
Isham : aucun doute possible, nous sommes bel et bien plongés ici en
plein coeur du Los Angeles des années 40, avec un premier code musical,
l'utilisation du jazz étroitement associé au genre du film noir
hollywoodien de cette époque. La suite du morceau fait place à un solide
déchaînement orchestral soutenu par des timbales agressives et des
cuivres dissonants alors que l'on assiste au début du film à une émeute
qui secoue les rues de la ville. Le style action du morceau n'est pas
sans rappeler ici un certain Jerry Goldsmith, une influence inattendue
chez Mark Isham mais qui reste malgré tout assez prévisible (Goldsmith a
écrit la musique de 'L.A. Confidential', qui a certainement servi de
modèle au compositeur sur le film de De Palma). Les orchestrations, très
soignées, font parfois penser au style plus américain d'un Leonard
Bernstein. Autant dire que l'on a à faire ici à un grand score polar à
l'ancienne comme on en avait pas entendu depuis fort longtemps! Même
chose pour 'At Norton and Coliseum' pour la scène de la fusillade dans
la rue vers le début du film, avec une nouvelle montée de tension
débouchant sur un autre passage d'action totalement maîtrisé.
'The Dahlia' dévoile quand à lui le très intrigant thème associé au
'Dahlia noir', le surnom que les journalistes ont donnés à Elizabeth
Short, et qui symbolise donc ici le meurtre atroce de la jeune
comédienne. A noter l'utilisation ici du glockenspiel, du piano avec des
violoncelles sombres, le tout symbolisant l'énigme du meurtre
d'Elizabeth Short avec un soupçon d'amertume et de mélancolie sur la fin
du morceau. Dans 'The Two of Us', Isham reprend le très beau thème
jazzy romantique de Bucky avec une trompette sensuelle à l'ancienne,
alors que la seconde partie se veut plus mystérieuse lorsque Bucky
découvre de nouveaux indices sur le meurtre du dahlia noir. On notera
ici le côté plus mystérieux et psychologique de la musique qui n'est pas
sans rappeler Bernard Herrmann, avec une utilisation remarquable du
théremin, ce fameux instrument électronique inventé au début du 20ème
siècle et largement utilisée dans le cinéma fantastique/de
science-fiction des années 50/60, et qui renforce ici la tonalité
mystérieuse et énigmatique de la partition de Mark Isham. La trompette
jazzy reste quand à elle omniprésente tout au long du film, constamment
associée au personnage de Josh Hartnett et à son enquête délicate comme
le rappelle 'Mr. Fire Versus Mr. Ice' (scène du match de boxe au début
du film entre Bucky et Lee). Isham monte carrément d'un cran en
s'essayant au registre de la musique lyrique hollywoodienne des années
40 tendance 'Laura' de David Raskin dans 'Madeline', superbe morceau à
la fois sensuel et romantique pour cordes, piano, harpe et trompette
soliste. Cette utilisation d'un classicisme hollywoodien raffiné
(totalement inattendu de la part de Mark Isham qui n'avait encore jamais
écrit une musique de cette envergure auparavant!) colle parfaitement au
personnage de Madeleine (Hilary Swank), sorte de femme fatale
totalement indissociable au genre du film noir hollywoodien rétro. Du
coup, la référence à 'Laura' devient parfaitement logique voire quelque
peu prévisible (d'ailleurs, le film fait référence à un moment au cinéma
hollywoodien de la fin des années 30 avec 'Gone with The Wind').
Le jazz reste toujours très présent comme le confirme 'Dwight and Kay',
superbe passage romantique et tourmenté où règne un mélange entre
non-dit, tendresse, mélancolie et passion refoulée avec cette écriture
raffinée des cordes, du piano et de la trompette de Mark Isham, pour
évoquer l'amour tourmenté entre Bucky et Kay, qui se refuse à séduire la
femme de son collègue et ami, Lee, malgré la beauté et la fragilité de
la jeune femme. 'Dwight and Kay' reste incontestablement l'un des plus
beaux morceaux du score de 'The Black Dahlia', révélant tout le talent
d'un compositeur qui, décidément, semble avoir été particulièrement
inspiré par son sujet (on retrouve une ambiance similaire dans le
passionné 'Red Arrow Inn'). La partie thriller revient alors en grande
pompe dans le sombre 'Hollywoodland' où il est question de la face
cachée de l'industrie hollywoodienne (le film de De Palma en profite
pour dresser un portrait peu reluisant du milieu des acteurs dans le
Hollywood des années 40), avec le retour du théremin associé à un
travail remarquable autour des percussions et de l'orchestre. 'Men Who
Feed On Others' nous permet d'ailleurs de retrouver un style
action/suspense plus proche de Jerry Goldsmith, avec comme toujours ces
références au Golden Age hollywoodien que le compositeur semble
maîtriser pleinement ici. Cette atmosphère d'action/suspense se prolonge
dans 'Death at the Olympic' pour ce qui reste incontestablement LE
morceau d'action du score de 'The Black Dahlia' pour la fameuse scène du
meurtre dans les escaliers, permettant au compositeur de nous offrir un
morceau d'action d'une efficacité redoutable. Isham utilise quelques
sonorités électroniques discrètes avec son lot de percussions et de
trompettes en sourdine à la Goldsmith. Le film se conclut finalement sur
des morceaux plus intimes comme le très beau 'No Other Way' ou 'Betty
Short' qui reprend le thème énigmatique du dahlia noir au violoncelle,
avant une superbe coda musicale de plus de 6 minutes, 'Nothing Stays
Buried Forever' pour le coup de théâtre final. La trompette de Mark
Isham revient une dernière fois dans des mesures finales plus apaisées
et mélancoliques, permettant enfin à l'auditeur/spectateur de respirer
un bon coup.
Au final, la partition de Mark Isham pour 'The Black Dahlia' séduit
d'emblée par ses grandes qualités d'écriture et son ton rétro épousant
les codes du Golden Age hollywoodien et des films noirs des années
40/50. Harmonies complexes et raffinées, orchestrations très fouillées,
utilisation intelligente d'instruments solistes, thèmes subtils et
envoûtants, voilà tous les ingrédients que l'on aimerait entendre plus
souvent aujourd'hui dans la musique hollywoodienne qui, si elle a
incontestablement perdu sa verve créatrice d'antan, reste toujours un
modèle pour tous les compositeurs de musique de film contemporains. Le
score ne surprend donc pas dans le fond mais plus dans la forme, Mark
Isham ayant visiblement été très inspiré par son sujet qui lui a aussi
offert la chance de mettre en avant son goût pour le jazz rétro et
sensuel. Une fois encore, Brian De Palma prouve qu'il sait
définitivement tirer le meilleur des compositeurs qui officient sur ses
films, que ce soit des pointures comme Ennio Morricone ou Pino Donaggio
ou des compositeurs plus mineurs comme Mark Isham. Qui aurait pu jurer
que l'auteur de scores atmosphériques et soporifiques tels que 'Blade'
ou 'Twisted' nous offrirait une partition aussi remarquable pour un film
de De Palma ? C'est donc parfois dans les associations les plus
inattendues que se révèlent les plus grands talents, car du talent il y
en a incontestablement dans ce formidable hommage aux musiques des films
noirs d'antan que représente la partition de 'The Black Dahlia', un
petit chef-d'oeuvre à découvrir d'urgence, histoire de se réconcilier
avec un Mark Isham qui était décidément en petite forme ces derniers
temps, et qui se réveille enfin sur une partition majeure à marquer
d'une pierre blanche dans la carrière du trompettiste de jazz !
Mark Isham a également écrit la musique de : Collision (2005) • Nell (1995) • La Peur au Ventre (2006) • Next (2007) • Bill & Ted Face The Music (2020) • Dans la vallée d'Elah (2007) • Lions et agneaux (2007) • Mes autres vies de chien (2019) • The Good criminal (2020) • The Mist (2008) • La Bête de guerre (1988) • Fire in the sky (1993) • Little Fires Everywhere (Série) (2020) • Le Prix de la loyauté (2008) • Black Mirror (Saison 4) (2017) •
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