Réalisé par Sam Raimi
Avec Alison Lohman, Justin Long, Jessica Lucas
Film américain
Genre: épouvante, horreur
Durée : 1h 39min.
Titre original : Drag me to Hell
Distribué par Metropolitan FilmExport
Hors-compétition - Festival de Cannes 2009
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Christopher Young retrouve Sam Raimi après INTUITIONS et SPIDER-MAN 3. Pour JUSQU'EN ENFER, Young va encore plus loin et nous offre carrément son nouveau chef-d’oeuvre, une partition symphonique absolument ténébreuse, macabre et gothique, d’une puissance renversante et d’une grande inventivité.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
Dès l’ouverture du film, la musique annonce d’emblée la couleur : grande section orchestrale, choeurs grandioses, violon soliste, orgue gothique, tout est mis en oeuvre pour nous plonger ici dans une atmosphère dans une atmosphère gothique et infernale avec le thème principal, « Drag Me To Hell », qui s’apparente à un superbe concerto pour violon et orchestre (« Concerto To Hell »). Ce concerto fait la part belle au violon qui évoque clairement les sonorités de la musique tzigane/gitane (en rapport avec Mme Ganush et sa famille dans le film), accompagné de choeurs puissants associés aux enfers à la façon de « Hellraiser II ». Christopher Young nous offre ici un thème absolument grandiose et monumentale, à la fois ténébreux et lyrique, reflétant parfaitement l’univers si particulier du film de Sam Raimi. Cela faisait même depuis bien longtemps que Christopher Young ne nous avait pas offert un thème d’une telle envergure pour un film d’horreur, et force est de constater qu’il a su trouver l’inspiration dans les images maléfiques et démoniaques du film, avec ce formidable concerto des enfers et son violon tzigane tout simplement inoubliable !
La musique prend très vite une tournure
clairement horrifique et cauchemardesque avec « Mexican Devil Disaster
», pour le prologue du film. Le violon est de nouveau présent, avec ses
intervalles de triton caractéristiques, symbole incontournable du mal
dans la musique. A ce violon aux notes grinçantes et inquiétantes
s’ajoute une voix féminine lointaine rappelant la mélodie du thème
principal de façon toute aussi mystérieuse et inquiétante. Puis,
l’orchestre devient plus sombre, plus inquiétant, avec ses sonorités
instrumentales furtives et menaçantes, débouchant sur un climax atonal
enragé et gothique à souhait : clusters de cuivres, percussions
extrêmement agressives, cordes dissonantes, glissandi de cuivres
stridents, effets électroniques étranges et choeurs ténébreux : une
mise en bouche absolument savoureuse avant de rentrer dans le vif du
sujet.
Christopher Young se montre très inventif tout au long de sa partition
en utilisation ses différentes sonorités instrumentales de différentes
façons - parfois retravaillées sur ordinateur. Le second thème de la
partition est associé quand à lui à Christine Brown dans le film, et se
distingue du reste du score par son côté plus intime et résolument
mélancolique. On retrouve ce très beau thème de piano plus fragile et
délicat dans « Tale Of A Haunted Banker ». Il évoque de façon plus
émouvante le drame de Christine, dont la vie bascule finalement dans le
cauchemar après que la jeune femme se soit fait jeter un sort par la
vieille Mme Ganush. On retrouve ce thème dans « Familiar Familiars » et
« Brick Dogs Ala Carte », des morceaux qui semblent d’ailleurs annoncer
de façon plus subtile l’issue tragique du film (et aussi la relation
entre Christine et son fiancé Clay). Mais ce ne sont évidemment pas ces
passages intimes que l’on retiendra ici mais bien les grandes envolées
gothiques de terreur pure comme le délirant « Lamia », le sinistre «
Ode To Ganush », l’enragé « Lose Teeth » ou le climax de terreur total
dans « Auto Da-Fe » (sans aucun doute l’un des morceaux les plus
chaotiques et les plus impressionnants de toute la carrière du
compositeur !). « Lamia » accompagne ainsi la délirante séquence de
l’exorcisme vers le milieu du film, dans un style qui rappelle
clairement les expérimentations atonales et avant-gardistes de « The
Exorcism of Emily Rose ».
Ici, Christopher Young - en maître incontesté
des musiques de film d’horreur - nous rappelle qu’il manipule les
symphonies de l’épouvante avec une maestria incontestable. Tous les
ingrédients indissociables des musiques horrifiques du compositeur sont
passées ici en revue avec une virtuosité et une excitation incroyable :
effets instrumentaux avant-gardistes (glissandi, clusters, vibrato sur
les quarts de ton, etc.), sonorités d’orgue retravaillées sur
ordinateur (son déjà entendu dans « Emily Rose » par exemple), effets
aléatoires des choeurs (cris, glissandi, etc.) et même touche d’humour
noire avec la danse centrale totalement déjantée, une sorte de polka
des enfers accompagnée d’un violon tzigane tout bonnement savoureux. A
noter que cette danse infernale est basée sur une version accélérée du
thème principal : un grand moment dans la partition de « Drag Me To
Hell », preuve incontestable que le compositeur possède aussi un
certain sens de l’humour que l’on retrouve aussi traditionnellement
dans les titres des pistes de ses albums (à ce sujet, « Drag Me To Hell
» ne déroge pas à la règle !).
Et si « Lamia » ne vous a pas encore convaincu, attendez d’écouter les
expérimentations avant-gardistes macabres de « Black Rainbows » avec
ses gargouillis stridents de cordes ou ses chuchotements de choeur
évoquant la présence de l’esprit maléfique dans la vie de Christine
Brown (le morceau rappelle parfois certaines sonorités du « Dimensions
du temps et du silence » de Penderecki). Comme toujours chez
Christopher Young, ces mesures atonales et avant-gardistes sont
clairement inspirées de la musique de Penderecki, Lutoslawski ou
Ligeti, et d’une façon générale de l’école polonaise/d’Europe de l’est
du milieu du 20ème siècle. Christopher Young nous démontre encore une
fois sa maîtrise absolue de l’esthétique avant-gardiste/aléatoire des
années 50/60 et s’en sert comme d’un outil lui permettant de véhiculer
un sentiment d’angoisse, de terreur et de malaise tout au long du film
(le tout non dénué d’un certain humour noir). Encore plus puissant et
plus redoutable que « Lamia », « Lose Teeth » s’impose par ses élans de
terreur pure et son caractère absolument chaotiques pour
l’extraordinaire séquence de l’affrontement dans la voiture vers le
début du film (un grand moment de cinéma "made in Sam Raimi" !). Young
laisse son orchestre exploser dans une véritable sarabande de terreur
pure, retranscrivant à l’écran la violence fantaisiste de la scène, non
sens un certain humour noir ici aussi. On retrouve ici aussi de
nombreux effets instrumentaux avant-gardistes, la bonne idée provenant
de l’utilisation vers le milieu du morceau de pizz frénétiques de
contrebasses qui évoqueraient presque par moment une walking bass de
jazz - un élément que l’on trouvait déjà dans le « De Natura Sonoris
N°1 » de Penderecki. Autre élément insolite dans le surpuissant « Lose
Teeth » : une utilisation d’un cri étrange entendu vers le milieu du
morceau, cri particulièrement dérangeant car réalisé de telle sorte à
ce qu’il ne soit pas identifiable par l’auditeur. Et pour le plan où
l’on aperçoit Mme Ganush jeter un sort sur le bouton de la manche à
Christine, Young utilise ici une voix trafiquée par ordinateur et dont
la fréquence a été altérée afin d’obtenir ici un timbre plus grave et
surréaliste : du grand art, tout simplement, et aussi une grande
démonstration de virtuosité et d’humour noir.
La terreur se prolonge dans les effets orchestraux enragés de « Bealing
Bells With Trumpet » avec ses trompettes en sourdine étranges et
décalées, sans oublier le violon tzigane frénétique de « Buddled Brain
Strain », mais c’est avec « Auto Da-Fe » que la partition atteint son
climax de terreur, sans aucun doute l’un des morceaux les plus massifs
et les plus chaotiques de toute la partition de « Drag Me To Hell » :
un véritable apocalypse musical d’une puissance incroyable - et aussi
très éprouvant à l’écoute. La musique apporte une puissance incroyable
à la scène finale avec, au passage, la présence d’un orgue gothique et
ténébreux associés ici aussi au monde des enfers (« Auto Da-Fe »
atteint d’ailleurs des sommets de cacophonie contrôlée et éprouvante
!). Enfin, la partition aboutit au magistral « Concerto To Hell » qui
développe le thème du concerto des enfers dans son intégralité pour le
générique de fin du film : un autre grand moment de musique dans la
partition de « Drag Me To Hell » ! Au final, Christopher Young nous
rappelle encore une fois qu’il est plus que jamais le maître incontesté
des musiques de film d’horreur et qu’il voue une passion sans borne
pour ce style de partitions qui ont fait sa gloire depuis le début des
années 80. Au cours du festival « Soncinemad » à Madrid en 2007,
Christopher Young déclarait qu’il se considérait comme quelqu’un
d’extrêmement chanceux, étant donné qu’il vit de sa propre passion,
écrire des musiques de film, et qu’il s’agit avant pour lui d’une
passion plus que d’un simple travail (voir aussi notre interview de 2006). Cette passion, le compositeur
nous la retranscrit à merveille à travers les pages ténébreuses et
infernales de la musique de « Drag Me To Hell » : une véritable
symphonie des enfers, une oeuvre gothique de terreur pure, un
chef-d’œuvre de la musique de film contemporaine, tout simplement, à
découvrir de toute urgence ! Les chefs-d’oeuvre sont rares de nos
jours, mais « Drag Me To Hell » fait incontestablement partie de cette
catégorie de partition complexe, riche, inspirée et passionnante, un
grand moment de musique de film !
Christopher Young a signé la musique d'autres films de Sam Raimi : Spider-Man 3 (2007) •
Christopher Young a également écrit la musique de : Hellraiser 2 : les écorchés (1989) • Hellraiser (1988) • Rapid Fire (1992) • Le Prix à payer (1997) • Copycat (1996) • Fusion (2003) • L'Exorcisme d'Emily Rose (2005) • Ghost Rider (2007) • Jennifer 8 (1992) • The Grudge 2 (2006) • Le Maître du jeu (2004) • Urban Legend (1999) • The Vagrant (1992) • Lucky You (2007) • Pranks (1982) •
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