Réalisé par Franklin J. Schaffner
Avec Charlton Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter
Titre original : Planet of the Apes
Long-métrage américain
Genre : Science fiction, Drame
Durée : 1h52min
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Jerry Goldsmith retrouve le réalisateur Franklin J. Schaffner après "The Stripper" (1963) et avant "Patton" (1970), "Papillon" (1973), "Islands in the Stream" (1977), "The Boys from Brazil" (1978) et "Lionheart" (1987).
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1. Twentieth Century Fox Fanfare (00:13)
2. Main Title (02:13)
3. Crash Landing (06:40)
4. The Searchers (02:25)
5. The Search Continues (04:55)
6. The Clothes Snatchers (03:09)
7. The Hunt (05:10)
8. A New Mate (01:04)
9. The Revelation (03:20)
10. No Escape (05:39)
11. The Trial (01:45)
12. New Identity (02:24)
13. A Bid for Freedom (02:36)
14. The Forbidden Zone (03:23)
15. The Intruders (01:09)
16. The Cave (01:20)
17. The Revelation, Part 2 (03:15)
18. Suite from "Escape from the Planet of the Apes" (16:27)
La musique de Jerry Goldsmith pour 'Planet of The Apes' est généralement considérée comme un grand classique dans sa carrière. Sa musique a très largement contribué au succès du film de Schaffner. L'ambiance est le mot d'ordre de la musique de 'Planet of The Apes'. Il s'agit d'un score avant-gardiste écrit dans le style des musiciens contemporains tels que Edgar Varèse, Stravinsky, Schoenberg, Penderecki, Bartók ou bien encore Ligeti, bien que la partition soit plus proche par moment de Bartók ou des expérimentations de Varèse. Pour les besoins du film, Goldsmith utilise des orchestrations étranges et insolites, des sonorités instrumentales inhabituelles, notamment avec les cors de bélier, la cuica (sorte de tambour à friction brésilien dont la sonorité évoque des sons de cris de singe), les sons métalliques (scène du désert), sans oublier bien sur le fameux procédé d'echoplex, procédé d'écho sonore sur des instruments très utilisé dans cette musique par Goldsmith, et réutilisé plus tard dans d'autres musiques telles que 'Patton' (1970), 'Tora! Tora! Tora!' (1970) ou le monumental 'Alien' (1979).
Le score de
'Planet of The Apes' possède un thème peu utilisé mais brièvement évoqué
par petites sections. Le fameux 'Main Title' du générique de début
expose d'entrée une ambiance étrange: l'impression de voyager dans un
autre monde, avec ses sonorités d'échoplex caverneuses et ses sons de
pizzicati accompagnant le thème joué d'entrée à la flûte et repris
ensuite par divers instruments à vents (basson, hautbois, etc.). La
ligne mélodique (construite à partir du système dodécaphonique - 12 sons
différents énoncés une seule fois et qui ne sont pas répétés. Les 12
sons sont en fait issus de la gamme chromatique) rappelle par moment le
style de la musique dodécaphonique et sérielle des musiciens
contemporains (Schoenberg et ses disciples dans les années 20/30, Boulez
et le 'sérialisme intégral' dans les années 50) avec une écriture
atonale faite de silences, d'altérations accidentelles et de demi tons
chromatiques. La musique du générique de début évoque clairement la
découverte d'un monde nouveau, mystérieux voire inquiétant, une idée à
laquelle s'associe ici la musique sérielle (qui, en 1968, commençait à
devenir tout de même désuète). Ce mystérieux thème semble planer dans
les airs alors que l'on aperçoit à l'écran des images de nébuleuses
lumineuses flotter dans l'espace, offrant au spectateur l'impression
d'errer dans l'espace, une impression vivement renforcée par le thème
atonal, l'atonalité autorisant à la musique une certaine liberté, hors
des contraintes tonales, donc, hors des contraintes terriennes et plus
propice à l'évocation imagée de l'espace. Les sons d'écho suggèrent
quand à eux une impression de profondeur, de grandeur, voire tout
simplement, un sentiment de mystère et de vide absolu. Avec une
ouverture aussi originale et expérimentale pour l'époque (Goldsmith en
profite déjà pour signaler la présence de quelques instruments insolites
au sein de sa formation orchestrale), 'Planet of The Apes' s'annonce
déjà comme une partition originale reflétant les considérations
artistiques d'un compositeur totalement inspiré par son sujet.
Le reste de la partition s'articule ainsi autour de cette écriture
atonale et avant-gardiste. Le crash de l'appareil est illustré avec un
orchestre déchaîné sans aucune surprise particulière, avec un bref
morceau d'action connoté très années 60. La première grande pièce après
le 'Main Title' est probablement la scène de la traversée du désert de
Taylor et de ses deux collègues ayant survécu au crash. Goldsmith évoque
avec des sonorités étranges le mystère du monde dans lequel ont
atterris les trois astronautes. On retrouve bien sur les fameux sons
d'échoplex, tandis que les sonorités orchestrales restent
particulièrement tendues et inquiétantes, comme si Goldsmith voulait
suggérer une menace proche des trois hommes. La musique est
véritablement impressionnante dans cette scène, très atonale mais aussi
très inquiétante, en tout cas beaucoup plus que le suggèrent les images.
Les sons d'échoplex donnent clairement l'impression de voyager dans un
monde inconnu, immense et profond. A l'image du désert, l'écho participe
à l'impression que donne le paysage de s'étirer jusqu'à l'infini, un
désert aride à perte de vue. La découverte des espèces d'épouvantails
sur une colline et la traversée de cette montagne est accompagnée par
des sonorités métalliques bizarres et inquiétantes, comme si Goldsmith
voulait nous dire implicitement: "attention à ce que vous allez
découvrir!".
On en arrive alors à la scène de la chasse avec le fameux 'The Hunt',
pièce généralement très appréciée par les fans de la BO de Jerry
Goldsmith. La chasse des humains par les singes est illustré par un
rythme frénétique et sauvage, par le biais d'une ligne de piano virtuose
qui suggère une ambiance "thriller"/course poursuite frénétique, tandis
que l'orchestre et les percussions entament une sorte de danse enragée
et extrêmement sauvage. Goldsmith brille ici par la fluidité et la
complexité de son écriture orchestrale, utilisant divers éléments tels
qu'un ostinato virtuose de piano, une écriture extrêmement complexe et
syncopée du xylophones, des cors de bélier hurleur personnifiant
l'apparition des singes et l'ambiance brutale de la chasse, des
percussions diverses (tambours), etc. La fin du morceau permet de
retrouver une atmosphère plus mystérieuse alors que les singes ramènent
Taylor et les autres hommes capturés dans leur camp. La violence de 'The
Hunt' est d'une intensité rare dans ce film, capturant toute l'âme et
la noirceur de cette sombre aventure sur la planète des singes, tout en
démontrant les talents incontestables du maestro californien, qui nous
propose là un grand moment d'anthologie musicale!
C'est cette violence particulièrement marquante que l'on retrouve dans
la plupart des morceaux d'action enragés de la partition. 'No Escape',
scène où Taylor tente de s'enfuir désespérément hors du camp des singes,
est évoqué de la même façon avec une musique parfois lourde mais très
agressive, accompagnée d'un rythme frénétique. Piano virtuose, cordes
furieuses, cuivres massifs, cuica hurleuse, percussions violentes, cor
de bélier, rien n'y manque! Ces pièces d'action typique du Goldsmith des
années 60 sont un peu lourdes et pas forcément faciles à écouter, mais
le résultat à l'écran est tout de même très original et particulièrement
pertinent! Le thème du 'Main Title' est plus ou moins évoqué de manière
implicite à travers toute la partition, Goldsmith conservant une
approche atmosphérique un peu répétitive mais parfaitement ancrée dans
l'atmosphère quasi unique du film de Franklin J. Schaffner.
La partition de 'Planet of The Apes' est une oeuvre complexe et atonale
rappelant par moment la musique de 'Freud' (1962), une écriture
avant-gardiste et osée pour une grosse production hollywoodienne de ce
genre, la preuve que, dans les années 60, les producteurs laissaient
encore les compositeurs exprimer tout leur potentiel artistique pour le
cinéma hollywoodien, permettant ainsi à Jerry Goldsmith de nous proposer
une brillante recherche sonore au profit d'une thématique dont il a
restreint l'utilisation durant tout le film pour laisser place à un
travail d'atmosphère originale mais parfois un peu indigeste et
répétitif. La lourdeur de cette musique peut même paraître rebutante
pour les oreilles non initiées. Malgré cela, 'Planet of The Apes' est la
preuve incontesté d'une collaboration Schaffner/Goldsmith
particulièrement brillante et audacieuse. En utilisant la plupart des
grandes techniques de la musique 'contemporaine' de l'époque (atonalité,
recherches sonores diverses, musique sérielle, jeux instrumentaux
nouveaux, etc.), Jerry Goldsmith a offert à 'Planet of The Apes' est une
musique innovante, osée, au parti pris artistique ambitieux et maîtrisé
de bout en bout. Il paraît évident qu'aujourd'hui on ne composerait
plus de musique dans ce style là, ou alors, ce serait vraiment
exceptionnel (la récente partition de Danny Elfman pour le 'Planet of
The Apes' de Tim Burton en est l'exemple flagrant)! Voilà en tout cas un
monument de la musique de film restée inégalée, une partition difficile
d'accès à réserver en priorité aux passionnés de Jerry Goldsmith et de
ses partitions expérimentales des années 60. Si l'on devait retenir que
deux oeuvres emblématiques de l'audacieuse collaboration
Schaffner/Goldsmith, 'Planet of The Apes' en ferait certainement parti!
Jerry Goldsmith a signé la musique d'autres films de Franklin J. Schaffner : Patton (1970) • Papillon (1973) • Ces garçons qui venaient du Brésil (1978) •
Jerry Goldsmith a également écrit la musique de : Rio Lobo (1970) • Total Recall (1990) • Star Trek : Le Film (1979) • Escape from the planet of the Apes (1971) • Basic Instinct (1992) • Chinatown (1974) • La Malédiction (1976) • Alien, le huitième passager (1979) • Gremlins (1984) • Gremlins 2: La nouvelle génération (1990) • Legend (1985) • Le Lion et le Vent (1975) • Le Treizième Guerrier (1999) • Brisby et le Secret de NIMH (1982) • Les Cent fusils (1969) •
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