Musique composée par :
John Scott
Avec Sidney Poitier, Tom Berenger, Kirstie Alley
Titre original : Shoot to kill
Long-métrage américain
Genre : Thriller, Action
Durée : 01h49min
Année de production : 1988
Réalisé par Roger Spottiswoode
Interview : Interview : Patrick Doyle se confie, 'un compositeur c’est comme un autre metteur en scène'
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La partition musicale de « Shoot To Kill » a été confiée au compositeur britannique John Scott, qui nous livre ici l'un de ses meilleurs travaux dans le registre de l'action et du suspense. Le score de « Shoot To Kill » repose essentiellement sur un thème principal extrêmement mémorable, que certains considèrent souvent comme l'un des thèmes majeurs de la musique de film hollywoodienne des années 80.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
Dévoilé dès le générique de début du film (« Main Title »), le thème principal de « Shoot To Kill » est confié à un saxophone soliste accompagné de l'orchestre. Le saxophone, instrument de prédilection de John Scott (le compositeur en joua dans sa jeunesse sur le score mythique de « Goldfinger » de John Barry en 1964 !), sera très présent tout au long du film, associé au personnage de Warren Stantin brillamment incarné à l'écran par Sidney Poitier. Le thème principal, savamment élaboré, se constitue de deux grandes phrases mélodiques, la première et la deuxième étant constituées d'une cellule ascendante de 7 notes, suivie d'une seconde partie en notes descendantes. Véritable attraction principale du score de « Shoot To Kill », l'inoubliable thème de saxophone du « Main Title » sera au coeur même de la partition de John Scott, un thème symbolisant le suspense, l'action et aussi la détermination de Stantin à mettre la main sur le tueur tout au long du film. Le thème prendra d'ailleurs différentes identités et fonctions tout au long du film, tour-à-tour associé à Stantin, mais aussi à Knox, aux paysages grandioses de la montagne, à la romance entre Knox et Sarah ou tout simplement à la traque entre Stantin et l'assassin.
Autre élément
thématique majeur dans la partition de « Shoot To Kill » : un motif de
notes descendantes, menaçant et mystérieux, associé tout au long du film
à l'assassin. Ce motif, souvent confié à un synthétiseur, sera
régulièrement juxtaposé ou confronté au thème principal, comme pour
rappeler l'idée de la traque du tueur dans la montagne sauvage, tout en
suggérant l'idée d'une menace omniprésente et du mystère entourant
l'identité du tueur (qui sera finalement dévoilée vers le milieu du film
!). Le « Main Title » développe alors le thème principal dans son
intégralité avec le saxophone sur fond de cordes sombres, de quelques
accords de cuivres et de notes graves et menaçantes du piano, symbole de
suspense et de danger. Autre élément notable ici : l'utilisation de
toms synthétiques typiquement années 80, un élément alors à la mode dans
les musiques d'action hollywoodiennes de cette époque, et que John
Scott utilise tout au long de sa partition pour symboliser l'action et
la tension.
La séquence de la négociation au début du film (« Kill My Wife Next »)
permet à Scott de développer brièvement les premières notes du thème au
saxophone sous la forme d'effets d'échoplex, un effet cher à Jerry
Goldsmith - qui semble avoir quelque peu influencé John Scott sur la
partition de « Shoot To Kill ». Les effets d'échoplex du saxophone
seront eux aussi très présents tout au long du film, représentant le
suspense et le mystère tandis que l'écho pourrait aussi renvoyer à
l'immensité des paysages montagneux du film. Scott développe alors le
thème principal de façon protéiforme, tout en introduisant le motif
entêtant et mystérieux du tueur, motif confié à un synthétiseur. Le
suspense et la tension sont ici les maîtres mots du compositeur, qui
soigne particulièrement ses orchestrations et choisit avec habileté ses
différentes sonorités instrumentales et/ou synthétiques pour illustrer
la tension de cette première séquence particulièrement sombre. La
seconde partie de « Kill My Wife Next » développe alors un thème de
cuivres sur fond d'ostinato rythmique de caisse claire alors que le
tueur a pris en otage la femme du bijoutier et menace de l'exécuter si
la police ne le laisse pas partir avec son précieux butin.
Avec le «
Main Title » et « Kill My Wife Next », John Scott nous offre déjà deux
morceaux majeurs au début de sa partition, deux pièces-clé qui annoncent
une partition solide et riche, d'une certaine complexité. La traque à
l'assassin se poursuit dans « Boat Chase » pour la scène sur le port. A
noter ici l'utilisation d'une série de notes répétées de façon
inquiétante au piano pour suggérer habilement la tension, sur fond de
tenue sinistre de cordes et de cuivres en sourdine rappelant
régulièrement les premières notes du thème principal. Le motif du tueur
reste aussi très présent, avant d'aboutir à un premier passage d'action
martial et cuivré. L'action continue alors dans « The Road Block » avant
d'enchaîner sur « Bishop's Falls » et le sinistre « Happy Campers ».
Les séquences dans la montagne permettent alors à John Scott de
concrétiser certaines de ses idées annoncées au début du film, comme les
effets d'échoplex du saxophone (imitant de façon artificielle les
effets d'écho en montagne) ou les percussions synthétiques typiquement
80's dans « Blazing Saddle ». Le thème, toujours très présent, est
repris dans « I Hate The Woods », tandis que l'action explose dans «
It's A Long Way Down No.2 » pour la scène où Knox chute dans le canyon
et se retrouve suspendu au dessus du vide avant d'être sauvé in extremis
par Stantin dans l'excellent et déterminé « Climbing Trek ».
On retrouve ici le grand John Scott des musiques d'action orchestrales
de l'époque, riches, complexes et écrites avec une élégance et une
puissance digne du maestro britannique. Le tueur révèle enfin son vrai
visage dans le sombre et intense « And The Killer Is » : Scott met alors
l'accent sur les cuivres et les dissonances, avec une reprise
orchestrale du motif du tueur, confié cette fois-ci aux bois et au
piano, de façon plus imposante. Le compositeur nous offre un excellent
morceau d'action dans « The Chimney », sur fond d'ostinato mélodique de
synthétiseur, agrémenté de percussions synthétiques et d'échoplex de
trompettes en sourdine, pour la scène où Knox escalade une longue paroi
rocheuse verticale. L'ostinato mélodique de « The Chimney » rappelle là
aussi le style de Jerry Goldsmith, auquel John Scott semble faire
allusion à plusieurs reprises, avec un profond respect et une certaine
intelligence. La scène de la tempête (« The Storm ») nous offre aussi
quelques beaux passages plus vifs et agités, alors que l'action se
prolonge intensément dans « Sarah's Best Shot », avant d'aboutir à la
confrontation finale sur le ferry dans le long et intense « Let Her Go
or Die », long morceau d'action/suspense de plus de 10 minutes, dont la
batterie introductive, discrète et un brin funky, ferait quasiment
penser à du Lalo Schifrin ou du Jerry Fielding des années 70 - sans
oublier une belle reprise du thème dans son intégralité pour la
poursuite en voiture sur fond de batterie pop savoureuse et de guitare
électrique. Le thème principal, omniprésent, est constamment développé
et entrecoupé d'allusions diverses au motif de l'assassin tout au long
des 10 minutes du climax d'action final, un pur régal pour tout fan de
John Scott qui se respecte ! Enfin, le compositeur se fait plaisir et
reprend une dernière fois dans sa version complète l'inoubliable thème
principal pour le générique de fin (« End Titles »).
On reprochera néanmoins le caractère omniprésent et répétitif du thème principal, constamment repris tout au long du film et un peu trop présent, et ce malgré de nombreux développements thématiques riches et variés. John Scott aurait certainement gagné à utiliser de façon plus modérée et judicieuse le thème principal, alors que ce dernier apparaît quasiment dans tous les morceaux du score, de façon un peu trop répétitive sur la longueur. Qu'à cela ne tienne, ce maigre défaut pèse bien peu face à la qualité d'une musique d'action/suspense indispensable, sans aucun doute l'un des meilleurs travaux de John Scott dans le registre du polar/thriller de sa période années 80, que l'on peut enfin redécouvrir dans son intégralité grâce à l'excellente édition officielle du score par Intrada - une première, depuis la sortie du film en 1988 ! Ne manquez donc pas cette oeuvre majeure de John Scott, qui, en plus d'apporter une tension et un sentiment d'action et d'aventure indispensable au film de Roger Spottiswoode, vous permettra de découvrir l'un des thèmes les plus mémorables de toute la carrière du compositeur : un must, en somme !
B.O-rama Décembre 2019 (Emission mensuelle, l'intégrale) • La Musique de film, sur Aligre FM