SOLARIS (1971), une planète à inventer

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par Benoit Basirico

- Publié le 30-04-2019




B.O culte exploitant le potentiel de la musique électronique : SOLARIS de Andrei Tarkovsky. 

Le russe Edouard Artemiev est un des premiers compositeurs à avoir écrit une partition de musique électronique pour le cinéma. SOLARIS marque, à 34 ans, sa première collaboration avec le cinéaste Andrei Tarkovsky, avant de le retrouver sur LE MIROIR (1975) puis STALKER (1979). Trois ans après le choc du "2001 Odyssée de l'espace" de Kubrick qui a marqué le cinéaste russe, celui-ci voulait faire une autre proposition. Ainsi, au lieu de convoquer des titres existants de musique classique comme le modèle américain, il choisit de réinventer tout un univers dans sa dimension sonore, à travers la planète fictive Solaris pour laquelle le compositeur construit un paysage sonore électronique à la fois réaliste et préservant son mystère.

Au-delà d'une invention musicale en lien avec un récit de SF, le compositeur Artemiev s'est aussi mis au service d'un cinéaste à l'univers singulier. La partition illustre bien la lenteur, la contemplation et l'abstraction de la mise en scène du réalisateur. Tous les éléments du film, lumière, dialogues et caméra, sont au diapason d'une épure ordonnée. La musique participe aux effets parcimonieux par sa nature impalpable. Oubliant les codes de la narration musicale, la partition joue sur les distorsions et les dissonances. L'envoutement des notes cristallines et texturales accompagnent une réflexion métaphysique. A la fois onirique et sensorielle, la musique fait le lien entre le corps et l'esprit, nous procure des sensations de bien-être tout en élevant notre pensée vers des cieux inconnus.

La musique est une des entités étranges de ce film. De la transe technoïde aux errements lugubres, le labyrinthe musical contribue à notre perte de repères et invente ses propres codes pour restituer la vie extra-terrestre sur Solaris. L'autre bizarrerie est la mélodie de Bach ("Chorale Prelude in F-Minor") reproduite sur le synthétiseur lui conférant une texture brumeuse, comme un brouillard prolongeant une certaine confusion qui habite l'oeuvre. Seule la musique électronique semblait capable de faire naitre un tel paysage sonore hybride et cohérent, préservant du mystère tout en s'incarnant dans la chair. 3 ans après "2001", Artemiev semble avoir repris une avance en anticipant ce que Wendy Carlos fera plus tard chez Kubrick, en transfigurant un matériau classique.



par Benoit Basirico


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