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Charlie Chaplin, compositeur de cinéma

chaplin, - Charlie Chaplin, compositeur de cinéma

Benoit Basirico - Publié le 07-01-2020




Une exposition ("Chaplin, l'homme-orchestre" à la Philharmonie de Paris jusqu'au 26 janvier) ainsi que la diffusion sur Arte (en Replay jusqu'à fin janvier) du documentaire "Charlie Chaplin, le compositeur" permettent de rappeler que Chaplin, non seulement producteur, réalisateur et comédien, était aussi le compositeur de la musique de ses films. 

Après un parcours dans le music-hall en Angleterre, le cinéaste devient un pionnier du cinéma burlesque, du mélodrame, ou encore de la farce satirique. Au temps du muet, les films n'avaient de musique propre. Ils étaient accompagnés soit par un pianiste improvisant en relation avec l'action, ou par un orchestre (selon le budget de la salle) jouant des musiques de repertoire illustrant ce qui se passait à l'écran. Déjà, Chaplin ne se privait pas de faire des recommandations d'emprunts musicaux pour des moments clefs de ses films.

C'est avec le cinéma sonore que Chaplin commence son activité de compositeur. Le cinéaste déplore que ce cinéma soit si parlant, oeuvrant pour le culte du bavardage. C'est alors que pour survivre artistiquement dans ce contexte il eu l'idée de remplacer les mots par les notes. Chaque dialogue sera musical. Il assure alors lui-même la composition musicale puisque la musique fait partie chez lui intégrante de la mise en scène et des enjeux narratifs.

Le premier film sonore du cinéaste, LES LUMIÈRES DE LA VILLE (City Lights, 1931), est donc aussi son premier film dont il écrit la musique, et comme un pied de nez au parlant, il remplace les mots de dialogue par sa partition. Par exemple, le discours du maire est illustré par le son du kazoo. Chaplin invente donc le cinéma sonore sans paroles. Il écrit les dialogues avec la musique.

Même si la parole et la voix prendront de plus en plus de place progressivement dans son cinéma, que ce soit par le chant ("Je Cherche après Titine" dans LES TEMPS MODERNES en 1936 - première fois que sa voix est entendue) ou par la dénonciation du culte du pouvoir par la parole exacerbée d'Hitler dans LE DICTATEUR en 1940, il continuera malgré tout jusqu'à la fin à mettre en musique ses films. Il composera ainsi tous ses films à partir de l'expérience des LUMIÈRES DE LA VILLE en 1931. Il va même élaborer un discours musical par rapport à son système comique, en militant pour le contrepoint, proposant une musique romantique plutôt qu'une musique qui fait rire. L'élégance de sa musique, qui passe par les cordes, ont une forte dimension affective. Le mélodrame sous-jacent derrière le rire est en partie favorisé par la partition. Celle-ci ne fait jamais concurrence aux images mais entreprend son envol romantique.

Il prend tellement goût à l'activité de compositeur qu'il finit même par reprendre ses anciens films muets et leur attribuer, a posteriori, une partition originale. Ainsi, la musique de LA RUÉE VERS L'OR (1925) sera écrite en 1942 (avec la fameuse danse des petits pains, à partir de laquelle la musique devait se synchroniser), et celle de THE KID (1921) en 1971, etc...

Chaplin était autodidacte. Son grand sens innée de la musique lui vient de l'interprétation. Il a appris très jeune à jouer de tous les instruments, notamment le violon et le violoncelle, mais il ne sait ni lire et ni harmoniser la musique. Pour cette tâche il s'entoure d'illustres arrangeurs, notamment David Raksin (le compositeur de LAURA d'Otto Preminger), qui orchestra LES TEMPS MODERNES, avec Alfred Newman à la direction d'orchestre. Eric James sera son dernier collaborateur, sur UN ROI À NEW-YORK (1957) et LA CONTESSE DE HONG KONG (1967) ainsi que quelques partitions qu'il conçoit au même moment pour ses films muets.

Alors qu'aujourd'hui on connait le cinéaste en oubliant parfois ses talents de composition et ses inventions de mélodies, l'ironie veut que l'unique Oscar de sa carrière (hormis deux Oscars d'honneur) il le recevra pour une musique de film, celle des FEUX DE LA RAMPE (Limelight), réalisé en 1952, mais récompensé en 1973 puisque le film fut interdit 20 ans aux USA à cause du maccarthysme.

Charles Chaplin, compositeur de cinéma, peut maintenant figurer au programme de la Philharmonie et avoir un documentaire pour honorer ce talent.

Charlie Chaplin, le compositeur | ARTE

Exposition Chaplin, l'homme-orchestre | Philharmonie de Paris

 

 

Benoit Basirico

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