Cyrille Aufort a réussi à éviter le pathos pour le film chargé d'émotion OMBLINE

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- Publié le 18-09-2012




Cyrille Aufort signe la musique du premier long métrage de Stéphane Cazes, OMBLINE, un film sur une mère qui accouche en prison et s'occupe du nourrisson, le voit grandir, dans la crainte constante qu'un écart de conduite puisse la priver de cette garde autorisée. Chaque séquence dégage une émotion forte de par ce qui s'y joue, et la puissante interprétation de Mélanie Thierry.

Faire la musique d'un tel film était périlleux pour le compositeur puisque le danger de surligner une émotion était permanent. Cyrille Aufort s'en sort parfaitement, par la musique elle-même, délicate (le piano/cordes fait penser au "Ghost" de Maurice Jarre) , et par sa place dans les scènes, jamais présente pendant les moments forts, mais en interstice ou lors de moments suspendus et magiques.

Interview à propos de OMBLINE

 

Cinezik : Comment s'est produite votre implication sur le film OMBLINE ?

Cyrille Aufort : Le réalisateur Stephane Cazes, au moment de l'écriture du scénario et pendant le tournage, ne voulait pas de musique. C'est ce qui m'a été raconté après. Moi, je suis intervenu en post-production. C'est au montage qu'ils ont éprouvé le besoin d'avoir un appui sur certaines scènes clefs. J'ai vu un premier montage assez abouti, le film a perdu 10 minutes ensuite, mais toutes les scènes y étaient, avec la scène du générique début, la scène du milieu et la fin, qui m'ont permis d'écrire le thème d'Ombline de manière définitive.

Quelles étaient les idées musicales du réalisateur ?

C.A : Il n'avait pas d'idées préconçues. On a discuté de cinéma. Je voulais savoir ce qu'il aimait, c'est important de rentrer dans son univers, savoir les choses qui peuvent lui procurer de l'émotion. Il voulait une sobriété. Pour lui, OMBLINE était plus un film sur la maternité que sur la prison. Il ne voulait pas que ce soit LE PROPHETE, il ne voulait pas que son film soit apparenté à la dureté de la prison, à l'univers carcéral. Il voulait tout le contraire, avec de l'espoir. J'ai commencé par les trois scènes principales qui impliquaient le thème d'Ombline, soit le générique, la scène centrale, et la fin. Il a choisi le thème parmi plusieurs propositions.

De votre côté, quelles étaient les directions musicales ?

C.A : Il ne fallait pas tomber dans le pathos. Alors au départ, après la projection du film, je voulais que la musique représente la prison uniquement, en jouant sur l'attente, rendre compte d'un suspens, ne pas rentrer dans l'émotionnel. Au final, j'ai fait tout le contraire. Mais il reste tout de même une certaine tension et attente représentant le milieu où la mère évolue.

Comment avez-vous défini la place de la musique dans le film ?

C.A : C'est une question primordiale. Pour la fin du film et les retrouvailles, on a essayé beaucoup de choses, j'étais partisan de mettre moins de musique. Lorsque la femme quitte son père qui est aussi en prison, je ne voulais pas mettre de musique, et c'est Stéphane et la monteuse qui ont insisté pour avoir la musique. Le thème est donc joué deux fois à la fin du film. C'est difficile de prendre du recul à ce stade et se dire ce qu'il faut pour le film. Mais j'ai fait en sorte que la musique s'arrête avant les moments d'intenses d'émotion. Lorsqu'Ombline regarde son fils, il valait mieux maintenir le silence. La musique est là pour amorcer un certain élan et s'efface pour laisser le silence et le jeu de l'acteur.

Y avait-il des références musicales de la part du réalisateur ?

C.A : Le réalisateur m'a donné comme références les films d'Eastwood ("Million Dollar Baby", "L'Echange" - qui se passe aussi en prison) avec ce piano/cordes, une musique très sucrée. Je n'ai pas plus écouté que cela, je ne voulais pas être trop influencé. Le piano est une facilité en musique de film, alors je voulais l'éviter au départ, mais c'est raté. C'est un instrument tellement facile à utiliser, qui permet d'éviter le legato qui aurait pu plomber le film. Mais à part le piano quel autre instrument peut avoir ce côté cristallin, qui peut énoncer un thème en ayant une petite raisonnance, mais qui évite le legato ? A part le piano ou le célesta, je ne vois pas. Le piano est un cliché, mais il est difficile de s'en passer. Faire le thème avec les cordes, cela aurait été trop sirupeux.

C'est un premier film, est-ce plus délicat ?

C.A : C'est souvent compliqué les premiers films, car les réalisateurs ne maitrisent pas bien la musique. Il est difficile de cadrer un premier film quand le réalisateur a plein d'idées musicales, ça peut partir dans tous les sens. Stéphane a une idée et ne change pas de trajectoire. Il sait où aller et à partir du moment où on suit ce chemin il n'y a pas de mauvaises surprises. On a tout de même essayé des voies différentes, Stéphane m'a suivi. J'étais surpris pour un premier film de voir quelqu'un qui a une idée et qui s'y tient, qui a une cohérence. C'était très agréable.

Malgré le piano mélodique, la partition intègre aussi quelques dissonances à la Ligeti, pourquoi ce choix ?

C.A : J'aime bien éviter l'écueil de la jolie harmonie en jouant sur les quart de tons, en instaurant une sensation de malaise, en gardant l'aspect tonal et mélodique et pouvoir à un moment abimer certaines harmonies en mettant des sons de synthés désaccordés. J'ai essayé que cela soit subtile. J'aime bien que certains morceaux ne soient pas d'une grande franchise tonale.

La mère du film (Mélanie Thierry) et son enfant semblent à un moment danser l'une contre l'autre dans la cellule. Pour cette scène vous avez écrit une valse. Mais puisque vous êtes arrivé après le montage sur le projet, y avait-il une autre musique présente sur cette séquence, était-ce justement une valse ?

C.A : Le réalisateur l'a tourné sans musique, puis c'est le jeu du montage qui m'a fait pensé à une valse, on la voit tourner sur elle-même. Mais il n'y avait pas de musique sur la scène quand je l'ai découverte. Je leur ai proposé au départ une valse comme si le personnage écoutait la radio, et puis petit à petit la musique "In" devenait "off", mais au final la musique est apparue en "Off" tout de suite. C'est le moment sucré du film.

Que représente la musique présente sur le disque ?

C.A : Il y a quasiment toute la musique du film dedans et l'ordre des titres est chronologique par rapport au film.

Quelles sont vos autres actualités ?

C.A : J'ai fait une musique additionnelle pour ASTÉRIX ET OBÉLIX: AU SERVICE DE SA MAJESTÉ de Laurent Tirard (en salle le 17 octobre) dont le Score est de Klaus Badelt. J'ai fait à peu près 10 minutes. La partition du film est orchestrale, très codée, je ne devais pas faire quelque chose de trop différent de ce qu'avait fait Klaus, avec le même orchestre. Mais ma partie était pour des scènes spécifiques de comédie un peu bavarde, ce n'était pas pour boucher des trous, c'est comme demander à une chanteuse d'apporter sa contribution à une scène, c'est une modeste participation clin d'oeil.

J'ai aussi fait la musique de A ROYAL AFFAIR de Nikolaj Arcel (en salle le 21 novembre). Gabriel Yared a été appelé pour ce film et ne voulait faire que les thèmes. Il m'ont donc demandé de faire les thèmes annexes et de développer les siens. Le réalisateur voulait dans son film une touche romantique, c'est pour cela qu'il a fait appel à Gabriel Yared, parce qu'il pensait à la musique du "Talentueux M. Ripley". Gabriel a fait les thèmes principaux, le thème de Caroline, le thème de l'exécution qu'il a fait sur un adagio. Moi j'étais en charge de toute une partie liée à l'espoir, tel que le "Hope theme". Les rôles étaient répartis. Dans certaines séquences, c'est une fusion entre les deux. Cela donne une unité musicale au film. J'ai essayé d'établir un lien entre les différents morceaux pour éviter le patchwork.

Interview réalisée à Paris le 14 septembre 2012 par Benoit Basirico

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