Interview B.O : Armand Amar / LE CAPITAL de Costa-Gavras

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INTERVIEW RÉALISÉE À PARIS LE 8 NOVEMBRE 2012 PAR BENOIT BASIRICO - Publié le 15-11-2012




Armand Amar retrouve pour LE CAPITAL son ami Costa-Gavras après AMEN, LE COUPERET et EDEN A L'OUEST. Ceci est l'occasion de prendre des nouvelles du compositeur (notre dernière rencontre date de 2006) qui nous reçoit dans son studio de Montreuil. 

Interview : "Je ne voulais pas pour ce film adoucir le personnage. On est avec lui même s'il fait des choses horribles."

 

Cinezik : Comment choisissez-vous vos projets ?

Armand Amar : J'accepte les projets qui me ressemblent, j'ai du mal par exemple à travailler sur des comédies car je ne suis pas fait pour cela. Dés qu'un sujet me touche je le fais.

Pourtant vous travaillez sur les comédies de Radu Mihaileanu ?

A.M : Chez lui, il y a les deux, il y a toujours un côté dramatique. Même dans LE CONCERT il y a une gravité. Le côté humain est très important. J'aime voir des comédies, c'est juste un univers qui n'est pas pour moi. J'aime les choses qui me surprennent.

Au moment de notre dernière rencontre, pour INDIGENES, vous étiez étiqueté "compositeur de musique du monde", est-ce que cela a changé depuis ?

A.M : En France, on est vite catalogué. On dit que je fais de la musique du monde, c'est vrai, j'adore ça, mais je fais aussi autre chose (sur SAGAN par exemple). Quand on utilise des instruments d'une autre culture, il faut les connaitre pour les intégrer dans l'orchestre, ce ne sont plus seulement des couleurs. Il faut s'éloigner des années "post-babacool" où ces instruments étaient utilisés comme des couleurs, il faut aussi les considérer pour leur richesse musicale et technique, que ce soit le doudouk, le tablâ, ou les percussions japonaises, ce sont des techniques fortes à intégrer.

LE CAPITAL est très loin de cette musique du monde...

A.M : Dans ma jeunesse, j'ai beaucoup utilisé de synthétiseurs en faisant des musiques électro-acoustiques. Pour LE CAPITAL, je suis revenu à ça, et j'ai apprécié.

Quel réalisateur est Costa-Gavras pour un compositeur ?

A.M : C'est une personne fantastique. Avant AMEN, je n'avais jamais fait de musique de film, il m'a appris à en faire. J'avais travaillé en tant que conseiller sur LATCHO DROM de Tony Gatlif qui était produit par sa femme Michèle Gavras qui m'a recommandé.
Pour AMEN, j'avais tout le film terminé à mettre en musique. J'ai choisi une dizaine de scènes qui avaient selon moi besoin de musique. J'ai travaillé à fond pendant deux à trois semaines. Quand je donne les musiques à Costa, il me dit que ce n'est pas du tout ce qu'il faut. J'étais assez désespéré, ce film était important pour moi, mais je lui ai dit que je ne serais pas fâché s'il changeait de compositeur. C'était mon premier film. Il me répond que je ne vois juste pas le film tel qu'il est, que c'est un film sur la responsabilité, tout simplement, en me demandant de faire une musique qui ne soit pas une musique de film. On a ainsi eu des échanges permanents. C'est quelqu'un de très investi dans la relation à l'autre, pour son film.

Costa-Gavras vous donne t-il des indications précises ?

A.M : Ce n'est jamais précis l'indication d'un réalisateur, il faut souvent décoder, il faut souvent écouter ce qu'il n'aime pas, ce qu'il ne veut pas, c'est difficile de parler de musique. Quand Costa me dit qu'il ne veut pas d'une musique pléonastique, ou une musique qui fait du cartoon, je vois très bien ce qu'il veut dire. Quand il n'aime pas, il a une manière de le dire qui me ravit.

Vous communique t-il des références ?

A.M : Jamais ! Il n'utilise pas de temp-track par exemple. Tout se passe dans la discussion.

Comment avez-vous pensé la musique du CAPITAL ?

A.M : C'est une machine qui se met en marche, c'est un thriller. Costa m'a donné carte blanche, il m'a laissé complètement libre, dés le scénario. Je voyais le mécanisme d'une machine. J'ai fait appel à Domotic, qui vient de l'électro, et qui a travaillé sur toutes mes phrases acoustiques. Il y a des rythmes complexes dans la composition, cela me vient de la musique indienne. Je ne voulais pas de mélodies, mais des sons induits pas des rythmes. J'ai eu envie de suivre le personnage de Gad Elmaleh, lui donner la force d'un thriller comme un film d'espionnage et mafieux, d'accentuer cette dimension pour donner du suspens, enrichir le film par une montée dramatique du début à la fin. Il n'y a que dans le générique où j'ai exploité un côté plus mélodique et romantique. Des motifs donnent des repères pour inscrire le drame dans cette histoire mafieuse. Costa a abandonné dans ce film-là son côté didactique. Je ne voulais pas pour ce film adoucir le personnage. On est avec lui mais il fait des choses horribles. On a eu trois séances avec l'orchestre, ici, et c'était éprouvant pour eux car i s'agit de sons et de rythmes sans concessions.

Quels sont vos projets ?

A.M : J'ai fait deux beaux films au Brésil, MEU PÉ DE LARANJA LIMA de Marcos Bernstein et AMAZÔNIA ETERNA de Belisario Franca, un documentaire pour le cinéma sur l'Amazonie. J'ai aussi fait une adaptation de MON BEL ORANGER, roman de José Mauro de Vasconcelos, également l'adaptation pour le grand écran du feuilleton télévisé BELLE ET SÉBASTIEN. Je retrouve aussi Diane Kurys après SAGAN sur POUR UNE FEMME et Alexandre Arcady pour CE QUE LE JOUR DOIT A LA NUIT. Sinon, je n'ai pas envie de ne faire que de la musique de film, je continue de composer pour la danse : sur un ballet avec Carolyn Carlson à Chaillot, avec la chorégraphe Marie-Claude Pietragalla, pour un chorégraphe anglais. Notre vie musicale ne peut s'enrichir que si on fait autre chose.


 

 

INTERVIEW RÉALISÉE À PARIS LE 8 NOVEMBRE 2012 PAR BENOIT BASIRICO

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