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Le Prochain film : Marie Jeanne-Serero dans la justesse pour René Feret

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- Publié le 26-08-2013




En pleine période estivale qui voit les écrans inondés de blockbusters pour lesquels une musique est un torrent qui envahit chaque plan, certains films affirment au contraire leur force et leur qualité dans la mesure. LE PROCHAIN FILM de René Feret est de ceux-là.

"Une musique qui ne doit pas peser" (Marie-Jeanne Serero)

Comme LA CHAIR DE MA CHAIR de Denis Dercourt sorti début août (lire notre interview de son compositeur Jérôme Lemonnier qui nous disait "Le peu de moyens provoque à la fois une grande liberté et une grande contrainte."), LE PROCHAIN FILM (à l'affiche depuis le 21 août 2013) sur lequel la musicienne Marie Jeanne-Serero retrouve René Féret après NANNERL LA SOEUR DE MOZART a été réalisé dans un modeste contexte de production. Cela donne lieu à un film sans esbroufes, à la sincérité éclatante, aux comédiens à nus. Nous sommes face au squelette des obsessions de Féret. Nous retrouvons les thèmes de la maladie, des rapports fraternels, la famille, le cinéma, la solitude, le couple... dans un dénuement des artifices qui met en valeur le jeu des comédiens, la mise en scène délicate du cinéaste, le récit alternant instants dramatiques et comiques (première comédie de René Féret ?), et la musique, dans sa rareté et sa sobriété, se fait davantage apprécier que certaines BO hollywoodiennes.

Il est tout d'abord à noter que la rareté musicale n'est pas une spécificité de ce film chez René Feret mais de tous ses films, bien que la musique fut exceptionnellement le sujet de NANNERL. Le cinéaste nous disait justement dans l'interview qu'il nous a accordé pour ce film (à lire ici) "J'ai une grande méfiance de la musique d'accompagnement. Dans certains de mes films, il y a très peu de musique, car il n'y a pas de nécessité. Je n'aime pas trop la musique illustrative, la musique envahissante." 

Ainsi, pour LE PROCHAIN FILM, René Feret n'avait pas au départ envisagé une collaboration musicale, mais pensait utiliser une mélodie de Eric Satie (inspiration qui se ressent dans la musique originale finalement écrite). Nous avons poser quelques questions à la compositrice du film qui nous dévoile les coulisses de ce travail.

Marie-Jeanne Serero : "René aurait pu imaginer le film sans musique, ou mettre une musique de Satie. Il venait de finir son film quand il m'a proposé de faire une musique inspirée de Satie, à la fois légère, au rythme lent, mais pas trop pour ne pas peser sur le discours. Il s'agit d'une mélodie qui pourrait se siffler comme une improvisation, pas trop exacerbée ni trop dirigée, comme une ballade."

La partition est exclusivement jouée au piano, sans doute une répercussion du contexte de production :
"il n'y avait ni le temps ni les moyens de faire autrement, donc le piano s'est imposé. Mais quand je compose, je ne pense pas à l'économie. La tonalité de son film et le fait de faire jouer les comédiens avec autant de sincérité, implique une musique sobre, sans pour autant utiliser une flûte ou une guitare, il fallait que ce soit un instrument polyphonique. C'est grosso-modo la même musique sur tout le film avec des fonctions différentes en fonction des images. C'est l'idée d'une musique qui ne doit pas peser. Je voulais qu'on ressente la légèreté, comme un petit balancement qui va avec le rythme du film, et en même temps avec un peu de nostalgie, des petites failles, des petites souffrances liées aux frustrations des personnages."

Non seulement la mélodie satienne qui parsème le film est de nature sobre en soi, mais les emplacements musicaux sont judicieusement dosés :
"Je n'ai pas participé à la réflexion, Fabienne Féret la monteuse et René ont réfléchi bien en amont au placement de la musique, et quand ils m'ont fait voir des extraits du film, le montage était achevé. Ils m'ont même dit précisément en me montrant les scènes où la musique devait apparaître. La musique n'est pas trop structurée. Elle est comme un souffle. Le film a déjà sa structure, il ne fallait pas imposer par la musique un gros bloc. Cela dépend des films, dans un film d'action, il faudrait que la musique soit présente sur toute une scène, mais sur ce type de film, il faut travailler dans la justesse, il n'est pas question de vouloir m'affirmer autrement. "

Ce travail témoigne du fait que la qualité d'une BO n'est pas proportionnelle à sa quantité (souvenons-nous en 2012 de TABOU de Miguel Gomez, notre numéro 1 dans notre bilan musical de l'année, avec une simple mélodie au piano de Joana Sa). La musique de Marie-Jeanne Serero pour le film de René Feret est à sa juste place, participant à l'émotion du film (le final est poignant en partie grâce aux notes qui se font entendre) tout en contribuant à une distanciation. La qualité du film et de sa musique repose sur cet équilibre entre l'émotion et la distance, d'autant que René Feret aime avec son ouvrage rire des situations les plus dramatiques.

Texte et propos recueillis : Benoit Basirico

 


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