Comment est né le projet du court-métrage RESTER LÀ ?
Fabien Daphy : Le film relate une rencontre la nuit, une parenthèse nocturne entre les deux personnages. C'est une bourse du Festival de Grenoble en 2012 qui a permis d'avoir une production et au film de se concrétiser.
A quel moment avez-vous pensé à la musique et comment Jean-Michel Bernard est intervenu ?
F.D : Dans les premières versions du scénario, des notes musicales étaient déjà inscrites,
Jean-Michel Bernard : Tu fais partie des 10% des réalisateurs qui pensent à la musique à l'écriture.
F.D : Jean-Michel a lu le scénario bien avant que je sache que je ferai le film avec le Grec et France 2. Il m'a proposé d'en faire la musique, je n'ai pas eu le culot de l'aborder pour lui demander. Je connaissais une partie de son travail. Je me suis d'abord dit qu'il m'apporterai un retour intéressant en terme de lecture, mais loin de moi l'idée de lui proposer de faire la musique. Je lui ai juste envoyer le scénario après un festival où nous nous sommes rencontrés, juste pour lecture, comme on demande un conseil à un professionnel sans le connaître personnellement pour autant, et sans même savoir s'il me répondrait. A mon grand étonnamment, il m'a répondu, et m'a donné son numéro. Je crois que cette simplicité n'est pas fréquente, du moins avec un professionnel de son calibre.
Comment s'est faite la collaboration et la discussion ?
F.D : Je me suis dit que ce n'était pas parce que c'était Jean-Michel Bernard que je devais me retenir de faire des propositions. Alors je lui ai envoyé des morceaux en référence, des MP3 et une playlist Deezer de plusieurs artistes que j'écoutais à ce moment-là. Ce dialogue s'est fait sur deux ans avant que le film ne se fasse.
Quelles étaient les intentions musicales ?
F.D : Je me plaçais dans une ambiance très peu dialoguée, avec une grande place au son, et aux silences. Je savais que je voulais de la musique, mais je savais aussi que je ne voulais pas contrarier les silences. Je voulais quelque chose de ténu, simple, relativement en retrait. Il y a aussi le motif du labyrinthe qu'on devait retrouver dans le thème.
JMB : Cette musique est beaucoup plus compliquée qu'elle n'y parait. Elle a le rôle du troisième personnage. La musique souligne le coté saugrenu de la situation. Elle a un regard extérieur sur la rencontre des deux personnages paumés. La musique a un coté liant, sans prendre parti, mais elle a un coté goguenard, qui avance comme ce périple labyrinthique. Il y a un thème récurrent, avec un trio de cordes et un piano.
F.D : On a réussi à trouver le bon dosage entre la mélancolie et la douceur. C'était important, il fallait être doux sans être mièvre, ni trop romantique.
JMB : Cette musique est assez alerte, rebondissante, quelque part. Elle fait le contrepoint aux arrêts dramatiques.
Pour cette collaboration entre un jeune réalisateur qui signe son court-métrage et un compositeur confirmé, quelle était l'implication de chacun ?
FD : Ce qui était formidable, c'est l'implication de Jean-Michel qui a tout pris en charge, aussi bien la composition de la musique que sa production. Et en même temps, il m'impliquait à mon tour. Pendant l'enregistrement, il me laissait parler aux musiciens, pas seulement y assister. Je me souviens avoir parler à l'alto comme je parle à un comédien, pas d'un point de vue technique, mais en terme d'intention. Il y a l'idée du dialogue. Et après on laisse faire les professionnels.
JMB : J'aime faire des court-métrages. J'aime aider les jeunes réalisateurs. Cela est dans la lignée de ce que je fais au conservatoire. Pour moi, il n'y a pas de différences entre travailler avec Martin Scorsese ou avec Fabien. C'est une histoire d'envie, de plaisir à faire les choses. J'ai autant aimé faire les petits bouts de HUGO CABRET que ce court-métrage. C'est quand tu te retrouves enfermer dans une absence de créativité que je trouve cela effrayant.
Vous l'évoquez, quelle est votre mission au conservatoire ?
JMB : Depuis Octobre 2014, le conservatoire du 12e arrondissement de Paris a ré-ouvert ses portes et a créé plusieurs classes nouvelles, dont une classe de MAO, une classe de tournage vidéo, et une classe de musique à l'image. Je me suis découvert un plaisir d'encadrer de jeunes musiciens lorsque, en mars 2014, je dirigeais la Master Class du Festival d'Aubagne. J'ai un bon rapport avec les jeunes. On m'a donc proposé ce poste. C'est un cours tous les 15 jours, ce n'est pas trop prenant, donc j'ai accepté. Je me retrouve à la tête de 8/9 élèves dans ce conservatoire, c'est une grande joie ! Ils ont tous déjà un certain niveau. Mon rôle est de leur apprendre à se nourrir le plus vite possible, c'est à dire à apprendre à écrire pour des commandes quelles qu'elles soient (un jour une publicité, le lendemain un film d'animation, puis un documentaire, ensuite une séquence d'un film culte...) Par ailleurs, je recherche des projets réels pour eux, et cette année ils font la musique des films des élèves des Gobelins pour le festival d'Annecy. Ce sont 5 films très courts projetés à chaque séance.