Interview Léa Fehner : la musique des OGRES née au contact des comédiens

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- Publié le 14-03-2016




Pour son deuxième film (après "Qu'un seul tienne et les autres suivront" - 2009), la réalisatrice Léa Fehner plonge dans l'univers du théatre ambulant de ses parents et convoque l'accordéon de Philippe Cataix qui a improvisé sa musique au sein de la troupe. 

Interview Léa Fehner

Cinezik : LES OGRES relatent votre enfance auprès de vos deux parents au cœur du théâtre itinérant. Quelle place avait la musique dans cet univers ?

Léa Fehner : Je n'avais pas énormément de musique autour de moi quand j'étais petite, mes parents étaient beaucoup plus portés sur la question du verbe, de la peinture et de l'image. Il n'y avait pas comme beaucoup de monde des musiques permanentes chez soi. En même temps, il y avait cette possibilité merveilleuse d'être entourée de musiciens qui allaient rythmer la musique des spectacles de mes parents. La musique était toujours liée non pas à une érudition et un savoir, mais plutôt à un rapport physique avec des gens qu'on aimait, qu'on connaissait. La manière dont j'ai abordé la musique dans ce film est vraiment liée à cela, et liée à une personne (Philippe Cataix) dont j'avais envie d'être nourrie par son souffle, sa créativité, son plaisir avec son instrument, l'accordéon, qui est assez incroyable et singulier dans le paysage du cinéma.

Le compositeur du film, Philippe Cataix, avait composé la musique de plusieurs spectacles de vos parents, et sa musique vient ici de l'intérieur du film, elle épouse l'énergie de la troupe...

L.F : Il a improvisé sa musique au moment de la création du spectacle, dans des moments de répétitions avec les comédiens, ce qui était le fruit d'échanges, de discussions, d'inventions et de trouvailles. Derrière l'improvisation, on a toujours peur que les gens pensent qu'il n'y a pas de travail, mais il y a une grande écoute, c'est ce qui a rendu cette musique si cohérente avec le film. Il l'a travaillée et inventée au contact des comédiens. C'est une musique qui nait du contact avec les comédiens.

A quel moment la version finale de cette musique a t-elle été enregistrée ?

L.F : La musique était principalement enregistrée sur le tournage, avec la complication que cela implique au niveau du montage, avec toute l'exigence que cela demande en post-production, et en même temps avec tout le défi et l'énergie que cela apporte avec les comédiens. Elle était là sur le plateau. Elle a été pensée en amont, décidée ensemble, mais elle se jouait principalement au moment du tournage. C'était un sacré défi de montage pour cette musique de continuer à être portée principalement par le sens de la scène, et d'avoir cette contrainte de l'instrument à faire perdurer d'un plan à l'autre. La musique nourrissait les êtres de manière interne au film, non pas comme quelque-chose décidée à la fin, qu'on tartine, qu'on impose à ce que le film est en train de raconter.

Hormis cette accordéon, il y a aussi un piano mélancolique pour les émotions...

L.F : C'est un moment de souffle, un moment plus tranquille, c'est un moment où ils se taisent. Il fallait un instrument qui ne soit pas celui du groupe, qui vienne de l'extérieur. Cette musique est la reprise du thème présent au début du film, celui de la parade, une valse entre François et Lola. Le compositeur est donc passé par le piano, cet instrument étranger au groupe. Et puis j'ai un rapport très premier degré avec la musique. Je n'ai pas forcément une recherche à tout crin du contrepoint ou du contraste. Je trouve qu'il y a une grande noblesse à se dire que, sans pathos ni sensiblerie, on peut accompagner l'émotion que l'on veut faire partager aux spectateurs à un moment donné du film.

Le film se clôt par une chanson interprétée par les comédiens...

L.F : Il était primordial dans la création de l'unité de la troupe de les faire répéter les chansons ensemble, de trouver une voix commune, de parvenir à faire un chœur. Cela a beaucoup compté pour faire exister cette troupe constituée de comédiens d'origine divers et la rendre crédible à l'écran. Les paroles de la chanson sont écrites par Philippe Cataix, d'après une lecture assidue de nouvelles de Tchekhov. Elles ont une poésie et une tendresse présentes chez ce grand auteur.

Interview réalisée en mars 2016 à Paris par Benoit Basirico

 


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