Interview Benoit Delépine & Gustave de Kervern / AVIDA

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Interview réalisé à Paris par Benoit Basirico le 8 Août 2006. - Publié le 08-08-2006




Ce tandem de la télévision sur Canal + (Grosland) a signé la réalisation de deux films cultes décalés et fauchés AALTRA et AVIDA, avec autant de qualités que de défauts, aussi loufoques et drôles que bordéliques et obscurs... Leur démarche en marge de la production est à saluer.


Votre film qui vient de sortir AVIDA est un peu fou, un peu rock'n roll…

BD. On adore le rock, mais on n'arrive pas encore à en mettre dans nos films. Dés qu'on peinera à trouver des idées visuelles intéressantes, on sera obligé de mettre du rock.

GK. Quand on mettra sur l'image de quelqu'un qui court les Stones ou les Cure, ce sera fini pour nous, c'est qu'on aura plus d'idées (rires).

Votre film est en même temps assez lent avec un certain mutisme chez les personnages…

GK. On aime bien les films d'atmosphère, l'éloge de la lenteur. Et on ne veut pas écrire de dialogues, les mots d'auteur nous font peur. Donc on est parti vers ce cinéma finlandais, où les personnages sont dignement mutiques. Sur AALTRA, on pouvait couper le son et comprendre l'histoire... tandis que sur AVIDA, même avec le son certains ne comprenne toujours rien (rires).

BD. Dans le scénario de base de AVIDA, il n'y a qu'une phrase de dialogue, on les trouvait au fur et à mesure avec les comédiens.

Vous parsemez votre film d'apparitions de comédiens provenant d'autres univers…

BD. La présence de Kati Outinen, actrice fétiche de Kaurismaki, marque davantage un respect de la Finlande en général que du cinéma de Kaurismaki plus particulièrement.

On s'est trouvé près de Lens dans une caserne de pompier désaffectée, on y rigolait à propos de cinéma, mais on s'est retrouvé avec Kati Outinen dans une situation délicate : Gus qui joue le personnage principal lui saute dessus dans l'herbe pour la violer sans éclairage, c'est à la limite du « snuff movie ». Elle a pleuré, cela s'est passé durement pour elle mais elle est formidable dans le film.

Pour Chabrol, on a beaucoup de respect pour lui, c'est l'homme qui a sans doute le plus d'humour au monde en ce moment.

GK. On a fait trois heures de repas avec lui, et deux minutes de tournage, car il adore la bonne bouffe.

La réalisation est aussi un acte militant comme peuvent l'être vos engagements auprès d'ATTAC ?

BD. Avec tout ce qui se passe dans le monde, je m'engage pour ATTAC que je soutiens, mais c'est trop sérieux pour moi. Je trouve très intéressant ces combats mais j'en ai marre des discussions entre gens qui pensent la même chose, c'est perdre notre temps. Comme Noam Chomsky qui rend compte de l'évolution du monde actuel qui part en « couille ». Mais nous, nous sommes vivants, nous tournons cela en dérision, car nous sommes tous responsables.

GK. Nous ne sommes pas des politiciens. Mais on fait quand même des films sociaux quelque part... Dans AVIDA, il y a une société de riches, une société de pauvres, un riche paranoïaque qui s'enferme dans son système sécuritaire et qui en crève, et qui utilise un sourd-muet pour amuser ses chiens.

Ce film est produit par Mathieu Kassovitz…

GK. C'est une chance. Il est dingue pour monter un film comme cela. Va défendre un film aussi radical ! Il avait d'autres projets et il s'est quand même investi pour nous.

BD. En plus on est le premier projet de sa nouvelle société de production. On a eu une chance inouïe.

GK. On savait ce projet invendable, et on voulait abandonner l'idée, avant la rencontre avec Mathieu.

BD. On ne refera jamais un film aussi radical qu'AVIDA, c'est impossible... Il va plus loin qu'AALTRA avec cette philosophie des abrutis.

GK. Pour le prochain film, on veut se concentrer sur l'aspect politique qui nous intéresse, mais on veut garder l'humour, on ne veut pas que ce soit du social pur. On a trop de second degré dans notre tête pour faire un film sérieux.

Interview réalisé à Paris par Benoit Basirico le 8 Août 2006.

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