Des thèmes ont pu jalonner l'histoire du festival (dont nous vous avions fait un best of), mais depuis quelques années, il était plus compliqué de sortir d'un film en compétition avec un thème en tête. C'est pourtant le cas cette année avec cette mélodie de Ibrahim Maalouf, très simple, épurée, et qui revient à plusieurs reprises, qui passe du piano à la trompette. On pourrait donc s'en réjouir. Sauf que le plaisir est nuancé pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, le film n'est pas consistant en terme de narration, l'émotion peine à apparaitre, les enjeux sont évanescents, le thème par son évidence et sa clarté apparaît ainsi comme un moyen de cacher l'inconsistance du film et de son récit. Tous les détracteurs de la mélodie au cinéma pourront ainsi avec raison affirmer que "la musique en fait trop". Ce sentiment de débordement musical n'a lieu qu'au regard du manque de relation entre cette partition et ce qui se joue à l'image. Le thème parait ainsi "plaqué" sans rentrer en résonance avec ce qui se joue dans le film. Le compositeur a fait une très belle musique, mais le film n'est pas à la hauteur, le résultat paraît vain.
De plus, si on connait Ibrahim Maalouf, on reconnait le style du musicien, le thème rappelle celui de "Dans les forêts de Sibérie" (qui lui a valu le César en février dernier), cette musique pourrait également provenir d'un de ses albums. Ainsi, non seulement cette musique ne surprend pas au regard du parcours de Maalouf, mais elle n'instaure pas non plus pour l'expérience du spectateur une identité propre au film. Un peu comme un Depardieu faisant du Depardieu, entendre du Maalouf nous fait sortir du film (si jamais on n'était parvenu à y entrer).
Le plaisir musical de la mélodie est bien là, mais on attend une nouvelle opportunité pour s'en réjouir pleinement, lorsque la musique jouera moins la vedette, et qu'une réelle alchimie prendra forme avec un récit plus consistant.