Cinezik : Comment êtes-vous intervenu sur FAUTE D'AMOUR ?
Evgueni Galperine : En fait j'ai contacté le réalisateur Andrey Zvyagintsev parce que j'ai eu la chance d'avoir son numéro de téléphone. C'est la première fois de ma vie que je fais une chose pareille. Je lui écris en lui disant que j'aimerais bien qu'on travaille ensemble. Il m'a dit qu'il avait des idées très claires et précises de ce qu'il voulait. Il était en plein tournage mais il était toujours ouvert à ce que je lui envoie choses. J'étais heureux d'écouter ses remarques. La grande joie avec ce film est qu'il n'y avait aucune référence, il n'avait même pas voulu que je vois les images du film, ni que je lise le scénario. Il avait très peur que la musique soit illustrative, il m'a parlé longuement du sujet et de l'émotion par rapport à l'histoire telle qu'il la voyait. Ensuite, c'était à moi de me mettre devant mon écran et d'essayer de trouver des clés musicales. Pendant trois mois, j'ai travaillé totalement à l'aveugle.
Y a t-il eu tout de même une collaboration entre vous ?
E.G : C'était une relation humaine très riche, on s'est beaucoup parlé, on a échangé, mais au niveau du processus de travail, où en général le réalisateur vient, écoute, commente, où il y a une recherche en commun, là il y a eu une recherche totalement séparée. Il a fait sa recherche de son côté, moi du mien. Je lui ai confié cette musique ne sachant pas du tout ce qu'elle allait devenir. Et un jour, il m'a appelé en me demandant de venir à Moscou pour me montrer ce qu'il a fait, et comment il a placé les musiques, en attendant qu'il me donne d'éventuelles idées supplémentaires, mais entre la venue à Moscou pour le film et le résultat final, il y a très très peu de changements .
Vous travaillez toujours avec votre frère Sacha ?
E.G : Je travaille quasiment toujours en binôme avec mon frère Sacha, mais sur ce projet-là en particulier Sacha a moins participé. Il est très attaché à la composition à l'image pour comprendre les contrastes à apporter, et comme j'ai été compositeur sans images au début, ce travail sans image me correspondait plus. Car pendant trois mois il fallait travailler sans images. Je suis donc parti dans mon voyage de création personnelle en lui envoyant des musiques et en attendant ses commentaires. C'était un travail vers l'inconnu. Au final, cela m'a donné une grande liberté. Mais je n'avais pas oublié ce que j'avais entendu chez le réalisateur dans "Elena" et "Léviathan", c'est un univers cosmique et minimaliste.
Quelle a été votre première inspiration pour concevoir cette partition ?
E.G : J'ai conçu la musique à partir des sentiments que je me suis imaginés avec ces parents dont le seul enjeu est de retrouver leur fils. Puisqu'il y a cette seule idée, je me suis dit qu'il fallait faire une seule note, un seul accord, un seul rythme, que j'ai ensuite orchestré avec des variations, une dynamique. Mon idée de départ était de partir de cette obsession liée à la recherche du fils disparu. C'est un piano préparé qui est en "sample".
Cette unique note ouvre et cloture le film... entre les deux la partition est plus atmosphérique...
E.G : On entend cette note unique au début et à la fin du film, et au milieu la musique est basée sur un son qui ressemble à une sorte d'alarme lointaine, un son fabriqué à partir d'une roue de vélo que j'ai mise en boucle, c'est une sorte de sirène à laquelle s'ajoutent des choses un peu étrange qui constitue cet univers de perdition, comme un tourbillon qui aspire tout.
Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)