Interview B.O : Emilie Simon, LA DELICATESSE (2011)

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Interview réalisée à Paris le 21 novembre 2011 par Benoit Basirico - Publié le 12-12-2011




Emilie Simon, chanteuse et compositrice française de musique électronique, elle sort son premier album en 2003. En janvier 2005, Emilie Simon compose sa première B.O de film avec La Marche de l'empereur. Elle continue d'alterner ses albums (Végétal) et des films (Survivre avec les loups), jusqu'à associer les deux : en 2011, sa musique pour le film La Délicatesse donne lieu à l'album Franky Night.


Cinezik : En tant que musicienne interprète de pop électro, comment vous retrouvez-vous sur un projet de film ?

Emilie Simon : Ce sont toujours les réalisateurs qui sont venus vers moi pour les différents projets sur lesquels j'ai travaillé. J'adore faire cela, même si c'est très différent du travail d'album. C'est un métier à part entière. J'ai commencé avec LA MARCHE DE L'EMPEREUR sans savoir comment j'allais me débrouiller, et j'ai adoré ça. Je suis très inspiré par les images en général. Les réalisateurs qui m'ont contacté adorent mon univers et ont une vision de leur film avec ma musique, donc il y a une grande liberté, une grande confiance. Et je ne travaille que sur des films qui me passionnent, donc c'est à chaque fois une très belle aventure.

Comment s'est organisé le travail pour LA DELICATESSE, film de Stéphane et David Foenkinos adapté de l'ouvrage de ce dernier ?

E.S : David Foenkinos m'a envoyé son livre et son scénario avec une lettre pour me dire qu'il avait très envie que je fasse la musique du film. Je n'ai pas eu l'impression d'avoir de contraintes, car tout ce que j'avais à exprimer a plu au réalisateur et s'est construit artistiquement. C'est une très belle chose de travailler avec des réalisateurs artistes qui ont une vision. Quand on a commencé à travailler ensemble, je leur ai proposé un thème principal puis un deuxième thème que je pensais parfait pour leur film. Ils ont adoré ces thèmes-là. Ils les ont ensuite imaginés sur telle ou telle scène, un peu comme on pose des post-it, puis je réarrangeais les morceaux afin que ce soit plus épuré à tel moment. Je fais aussi du sur-mesure sur les scènes du film, je propose quelque chose et j'attends que les réalisateurs me disent si ça leur plait. Il y avait une grande liberté, et quand ça ne marchait pas ce n'était pas grave.

La BO du film est aussi un album ("Franky Night"). Dans quelle mesure vous aviez pensé des morceaux d'abord pour l'album avant que cela devienne une musique de film ?

E.S : Il y avait des thèmes existants que j'avais déjà travaillé mais qui n'étaient pas finalisés, d'autres idées étaient nés avant d'arriver sur le film, puis à la vue des images, d'autres choses sont nées. Le tout est devenu finalement un seul et même projet.

Quels ont été vos choix instrumentaux ?

E.S : C'est un album très chaleureux, que ce soit la musique du film ou "Franky Night", ce sont de belles chansons d'amour, donc mon propos n'est pas très électronique, c'est assez différent avec LA MARCHE DE L'EMPEREUR. Il est ni orchestral, ni électronique, il est plus humain dans le mode de jeu, les textures utilisées. Alors biensûr il y a toujours des éléments électroniques, je ne peux pas m'en empêcher, et qui viennent amener une touche de couleur, de surréalisme, mais l'idée générale était quelque chose de sobre dans le sens "humble", sans trop de cordes. Ce sont des sentiments très intenses, mais secs.

En quoi cette musique est celle du film ?

E.S : C'est une vraie musique de film, il y a des instrumentations récurrentes, des motifs rythmiques qui reviennent, des thèmes associés aux personnages et aux situations. Le titre "Mon chevalier" qui a fait l'objet d'un clip est au générique début et en générique de fin, et se retrouve dans le film. C'est un peu le thème principal du film, construit autour des percussions et du clavier. Ce n'est pas de l'électronique, mais c'est une façon d'écrire qui s'en apparente, avec des motifs mécaniques, répétitifs. Il y a le concept de la boucle, mais avec des petites modifications qui suivent l'harmonie. Il y a un timbre qui vient dés le départ du film apporter une empreinte sonore sur le film.

Quel a été le travail au montage pour des correspondances rythmiques entre la musique et l'image ?

E.S : J'ai écrit des musiques à l'image, d'autres où l'image s'est adaptée au tempo de la musique. Jusqu'à la fin les choses bougent, c'est un dialogue, il y a beaucoup d'échanges avec la monteuse qui était super sur ce film, c'était une très belle équipe.

Dans la mesure où vous avez un univers musical bien à vous, les réalisateurs évitent-ils d'employer du temp track, ces musiques temporaires destinées à vous guider ?

E.S : C'est quelque chose que je n'aime pas, car tu t'attaches à la musique, c'est une manière de se retrouver coincée. C'est parfois difficile d'y échapper dans les logiques de production, mais c'est délicat, car l'idée c'est de faire du sur mesure. Ce qui est interessant dans la musique de film, c'est d'avoir une musique cohérente du début à la fin, avec biensûr des musiques additionnelles, mais que l'idée sonore du film soit pensée de manière globale.

Y avait-il une partie de votre musique présente au moment du tournage ?

E.S : Il y a des musiques avec lesquelles ils ont tourné. "Franky's Princess" dans la boite de nuit, Audrey Tautou danse dessus. C'est génial de s'y prendre à l'avance comme cela, quand tout s'organise bien.

En quoi votre musique a été inspirée par la comédienne Audrey Tautou qui joue le rôle principal ?

E.S : Ma musique lui va très bien. Quand j'ai vu les premières images, elle était très inspirante, j'avais envie d'écrire de la musique en la voyant jouer. Je l'ai habillé musicalement, elle a été ma muse (rires).

Y a t-il des versions instrumentales dans le film de morceaux présents sous forme de chansons dans l'album ?

E.S : Oui, il y a des musiques dans le film, comme "Walking with you", qui est un des thèmes principaux lors de la rencontre avec Markus, qui est uniquement instrumental dans le film, et qui est chanté dans mon album.

Votre implication pour cette BO est-elle la même que pour vos albums personnels ?

E.S : Mon implication est extrême, que ce soit pour un film ou pour un album. Je ne fais pas de différence au niveau de l'attention que je porte aux choses ou de l'intensité du travail fourni. Je suis hyper passionnée quand je m'engage dans un projet. Alors sur ce film c'est particulier, j'avais beaucoup à dire sur le sujet, cette histoire-là m'a beaucoup touché, j'ai eu la joie de pouvoir m'exprimer et de mettre en valeur ce film par la musique.

Que pensez-vous des artistes de variété ou de pop qui se mettent au cinéma ?

E.S : Je trouve qu'écrire pour le cinéma est un métier, et quand j'écoute une musique de film, j'entends qu'il y a des gens dont c'est le métier, qui ont un savoir faire. Après, les artistes pop ou électro qui font des musiques de film, cela apporte des couleurs personnelles et fraiches, sans avoir l'expérience d'un compositeur qui fait cela depuis 20 ans. Simplement, en fonction de chaque film il y a une vision, et ce qui est beau est d'utiliser les musiciens pour ce qu'ils sont, et il peut ainsi émaner de cette collaboration quelque chose de particulier et qui fait de ce film quelque chose d'unique.

 

Interview réalisée à Paris le 21 novembre 2011 par Benoit Basirico

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