Interview B.O : Jorge Arriagada, un point de vue féminin et romanesque pour LE CAHIER NOIR

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Propos recueillis par Benoit Basirico - Publié le 03-10-2018




Après avoir été le compositeur de Raoul Ruiz sur 46 films jusqu'à la mort du cinéaste chilien en 2011, Jorge Arriagada retrouve pour LE CAHIER NOIR Valeria Sarmiento (monteuse des films de Ruiz) pour la sixième fois après "Les lignes de Wellington" (2012). Il était au micro de notre émission mensuelle. 

Interview en écoute dans l'émission (à 32'42)


Cinezik : Pour ce film historique, votre partition se montre romanesque et témoigne d'un large développement mélodique...

Jorge Arriagada : Il est de plus en plus rare de demander des musiques si expressives, cela fait plaisir de revenir à ce qu'on a appris au conservatoire. Cela dépend des films. Avec Ruiz, il m'est arrivé de faire des musiques mélo. Ici, c'est un film d'époque, c'est magnifique de pouvoir s'exprimer avec des grands espaces, des châteaux, des belles personnes !

Comment la réalisatrice vous a présenté le projet ?

J.A : Le projet, on le connaît depuis longtemps car c'est Ruiz qui devait le faire au départ, avant sa mort. Le scénario était presque écrit. Valéria a pris la suite. L'idée était de suivre précisément le scénario. C'est en plus une histoire adaptée d'un roman de Camilo Castelo Branco. Donc avec cette adaptation, il fallait être proche du récit. Le tournage s'est déroulé chronologiquement.

Comment avez-vous présenté vos morceaux à la réalisatrice ?

J.A : J'écris la musique sur un logiciel d'écriture qui me sort à peu près quelque chose d'audible. Ils sont d'ailleurs de plus en plus efficaces là-dessus. Ce ne sont pas encore les sons de l'orchestre, mais au moins on peut s'apercevoir du résultat. Et on peut corriger au moment de l'écriture, et au moment du montage.

Est-ce que l'idée était de correspondre musicalement à l'époque à laquelle se situe le film (la fin du 18e) ?

J.A : Je voulais faire quelque chose de plus moderne. Mais Valeria ne voulait pas de modernisme. Elle voulait quelque chose qui correspondait à l'époque, elle voulait de l'émotion, que la musique soit importante, que les gens soient contents d'avoir vu ces images avec la musique. Valeria ne m'a cependant pas du tout donné de références, je n'ai pas cherché à correspondre à l'époque au final, la musique reste très moderne. Il demeure dans ma partition un côté expressionniste viennois, plutôt orienté vers Mahler et Wagner.

Le personnage féminin interprétée par Lou de Laâge est centrale, s'agissait-il d'épouser musicalement son point de vue ?

J.A : Oui, il y a un grand côté féminin, l'émotion doit passer par cette personne qui a cet amour et cet enfant. Le regard de Valeria a toujours été dans ses films très féminin. Elle voulait justement que l'émotion soit à sa manière et non pas à la mienne.

La réalisatrice sait accueillir la musique qui a une vraie place de premier plan. Bien qu'il y ait des morceaux d'une minute, la musique parvient dans cette durée à se déployer et à développer des thèmes...

J.A : Notre métier a complètement changé aujourd'hui. On utilise beaucoup plus le collage, un peu à la manière d'un DJ. Aujourd'hui un ingénieur du son peut parfaitement faire la musique d'un film, car il y a énormément d'éléments sonores et de bruitages à faire dans les films actuellement. La musique apprise au conservatoire est très peu utilisée au cinéma. Mais concernant Valeria, la musique est pour elle un moyen d'exprimer les choses, elle la laisse exprimer les émotions des personnages. Et cela s'envisage dès le scénario, car on ne tourne pas un film de la même manière si on sait ou pas s'il y aura de la musique. Donc Valeria prévoit la place qu'elle va lui laisser.

Comment s'est passé le travail avec le montage ?

J.A : Je savais parfaitement où les thèmes devaient être placés, mais la longueur a été adapté. Comme j'enregistre séparément les cordes, les bois, les cuivres et les percussions, je peux recréer le morceau au montage.

 

Propos recueillis par Benoit Basirico

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