LES VEUVES (Hans Zimmer), de l'adrénaline ou de l'ennui ?

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Julie Issartel, Thibault Vicq, Benoit Basirico

- Publié le 08-12-2018




Hans Zimmer retrouve Steve McQueen sur LES VEUVES, après "12 Years a Slave" (2013). Julie Issartel et Thibault Vicq, avec Benoit Basirico en contrepoint, ont livré leur avis dans l'émission BO Mensuelles (Aligre FM) du 3 décembre 2018. En voici le compte rendu.

Benoit : Pour commencer, quel est votre avis général sur le compositeur Hans Zimmer ?

Thibault : Quand on pense à Hans Zimmer, on pense à l'épanchement de musique, à une abondance du début à la fin d'un film, pas toujours délicate. Mais parfois il peut être subtile, cela dépend des réalisateurs et des films. Je ne suis ni un détracteur ni un admirateur, parce qu'il y a deux Hans Zimmer. C'est en fonction des projets.

Julie : Pour moi aussi il y a deux Hans Zimmer. Il y a le génie mélodique qui a écrit des thèmes sublimes, et il y a l'autre Hans Zimmer, celui qui fait beaucoup de films avec des musiques parfois convenues, comme LES VEUVES.

Benoit : C'est étonnant de dire qu'il fait des grands thèmes, puisqu'aujourd'hui on déplore plutôt qu'il dénigre les thèmes, notamment pour Christopher Nolan (Dunkerque, Dark Knight) en utilisant l'orchestre de manière plus sound-design, avec des grondements et des drones. Vous pensiez peut-être à "Gladiator" ou "Hannibal" ?

Julie : "Interstellar" ou même "Dark Knight" ont des thèmes je trouve. Et pour l'avoir vu en concert, c'était sublime. Avec très peu d'instruments, il parvient à faire vibrer le spectateur.

Benoit : Je parlerais plutôt de motifs... Et que pensez-vous de sa musique pour LES VEUVES ?

Julie : Ce sont des procédés musicaux qu'il recycle : des percussions qui évoquent un tic-tac dans les situations stressantes, des soufflés d'orchestre...

Thibault : C'est un bon directeur artistique on peut dire. Il connaît les techniques, il sait comment les utiliser.

Julie : Oui c'est efficace.

Benoit : Pour moi, Hans Zimmer appartient à la famille des compositeurs qui sont plus cinéastes que compositeurs, dans le sens où il ne cherche pas à faire une musique sophistiquée mais à se mettre au service des enjeux du film, quitte à réduire sa partition à des sons synthétiques. On dirait presque ici de la musique techno, qui joue sur la pulsation. Et le fait que sa musique n'intervienne qu'au bout d'une heure (au moment de la préparation du braquage) témoigne du désir d'avoir une idée narrative et de mise en scène. La musique est un personnage, c'est la musique du braquage. La musique n'est pas là à tout prix pour faire juste de l'illustration, elle est employée uniquement dans une fonction déterminée. Les pulsations m'ont fait ressentir l'adrénaline de ces femmes qui entreprennent un braquage. On est en empathie avec elles.

Thibault : Dans cette idée, ces veuves ne sont pas des professionnelles du braquage. Ce n'est pas leur métier, et la musique n'est justement pas assez maladroite, elle n'exprime pas assez l'incompétence de ces personnages dans leur entreprise. Cette musique pourrait correspondre à n'importe quel film d'action, cela pourrait être un "Océan's 11" ou un "Mission : Impossible". Au final, il n'y a pas la dimension plus humaine du film. C'est très mécanique.

Julie : Je me suis aussi demandé pourquoi engager Zimmer pour faire cela, autant prendre un compositeur moins cher. C'est juste rythmique. Je me suis demandé si ce n'était pas à cause de la Temp Music, ce procédé qui tue un peu la création, qui consiste à mettre sur le montage des musiques préexistantes temporaires, et ensuite de demander au compositeur de s'y référer. Hans Zimmer a surement répondu au cahier des charges, sans vraiment chercher à créer quelque chose d'original, ni de convenir au film, et de coller à la situation particulière de ces veuves. C'est une musique passe-partout qui pourrait convenir à n'importe quel braquage ou situation de stress.

Thibault : Mais c'est tout de même efficace dans le film. On sent en effet l'adrénaline. Mais je ne me suis pas senti passionné par le combat de ces femmes. C'est gentiment efficace.

Benoit : Il y a aussi un passage plus lyrique, pour les émotions...

Thibault : Je trouve que le contraste entre les deux aspects de la partition, entre les moments de tension et les moments plus apaisés, nuit au film car c'est trop stéréotypé. Il y a trop de dichotomies. Le thème plus lent est lié à la perte du fils du personnage de Viola Davis mais il ne capte pas avec suffisament de subtilité la palette d'émotions des personnages.

Julie : Pour conclure, je dirais que c'est une BO frustrante. Hans Zimmer peut faire des choses sublimes, mais là c'est passe-partout, ça pourrait convenir à un tout autre film.

 

Julie Issartel, Thibault Vicq, Benoit Basirico


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