Edward aux Mains d\'Argent (Danny Elfman, 1991), féérie et mélancolie d'un conte moderne

edward_scissorhands,@,elfman, - Edward aux Mains d\'Argent (Danny Elfman, 1991), féérie et mélancolie d'un conte moderne


par Thibault Vicq

- Publié le 12-09-2019




Entre BATMAN (1989) et BATMAN : LE DÉFI (1992), le tandem Danny Elfman-Tim Burton s'éloigne de l'héroïsme urbain et des ennemis au cœur tendre en empruntant la voie du conte moderne, autour de la figure centrale de l'anti-méchant. 

D'emblée, la valse triste d'Edward, par le célesta et le chœur d'enfants, explore une atmosphère poétique désolidarisée du réel et qui ne ressemble à aucun autre, faisant de cette BO l'une des plus emblématiques de son auteur. Tout le langage elfmanien se trouve dans le développement d'une timidité qui bataille pour s'ouvrir à l'indifférence du monde, ici représentée par la cruauté hypocrite des banlieues pavillonnaires américaine. La partition s'appuie sur ce contraste entre la mélancolie d'un thème bienveillant (celui d'Edward) et la mécanique bien huilée des faux sourires produits à la chaîne entre deux pelouses bien tondues. Tchaïkovski et Stravinski ne sont jamais très loin.

L'orchestration est empreinte des mêmes caractéristiques. L'homme en noir vit dans un monde régi par la résonance - des espaces vides de son château, de ses sculptures de glace - et le legato, au tempo changeant. Les timbres convergent vers un équilibre sonore, se confondant parfois, mais se soutiennent constamment pour s'épancher en élans magiques. À la ville, il faut suivre la cadence ininterrompue d'un rebond qui avance sans regarder en arrière. L'utilisation des instruments solistes, notamment le violon, alimente l'esprit individualiste de performance qui se joue. Quand Edward est présenté aux habitants de la ville, il doit lui aussi s'accrocher aux bribes chaotiques qu'il assimile et proposer une découpe de cheveux, de poils ou de verdure à un rythme d'enfer, sur fond de dissonances et de stridences. Le travail à la chaîne de la fabrique de cookies ou l'illustration du voisinage suit une écriture de ballet tantôt bourru, tantôt âpre.

La musique combine ces éléments avec une palette émotionnelle très variée. L'animosité de la population contre Edward, illustrée par des cuivres obstinés, peut passer rapidement à l'amour sincère avec Kim grâce à des touches plus lyriques des cordes et des voix. Tandis que les personnages se voient défaits de leur vernis initial et que les vrais visages se révèlent, les harmonies des souvenirs s'ajoutent au moment psychologique présent et à la cruauté de la nature humaine. L'antihéros, en retournant à sa vie solitaire, décuple la puissance de son imagination par son expérience des sentiments, et la musique développe ses atours en beauté triomphante.


par Thibault Vicq


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