troisieme-autrice,rouet,ciampi,caillon,petitjean,bo-hebdo,compositrices, - Table Ronde : Spécial Compositrices, avec le Collectif Troisième Autrice Table Ronde : Spécial Compositrices, avec le Collectif Troisième Autrice

troisieme-autrice,rouet,ciampi,caillon,petitjean,bo-hebdo,compositrices, - Table Ronde : Spécial Compositrices, avec le Collectif Troisième Autrice


Conçu et animé par Benoit Basirico

- Publié le 01-02-2021




En compagnie des compositrices Julie Roué, Delphine Ciampi, Florence Caillon, Camille Petitjean qui nous présentent l'association, le Collectif "Troisième Autrice", lancée en janvier 2021, la programmation musicale met à l'honneur les femmes en musique de film : Eleni Karaindrou, Marie-Jeanne Serero, Béatrice Thiriet, Emilie Simon, Shannon Wright, Mica Levi, Wendy Carlos, Delphine Mantoulet, Jocelyn Pook, Hildur Guðnadóttir...

Programme des musiques 

  • L'éternité et un jour (Eleni Karaindrou)
  • Les garçons et Guillaume à table (Marie-Jeanne Serero)
  • Bird People (Béatrice Thiriet)
  • La Marche de l'empereur (Emilie Simon)
  • Les confins du monde (Shannon Wright)
  • Nostos (Delphine Ciampi)
  • Under the skin (Mica Levi)
  • Lights of Baltimore / Les Chiens (Julie Roué)
  • Tron (Wendy Carlos)
  • Free Bullet (Camille Petitjean / Haussmann)
  • Liberté (Delphine Mantoulet)
  • Eyes Wide Shut (Jocelyn Pook)
  • Qui a tué Lady Winsley (Florence Caillon)
  • Chernobyl (Hildur Guðnadóttir)
  • Cigare au miel (Julie Roué)
  • Little Birds (Anne Nikitin)

Page Facebook du Collectif : https://www.facebook.com/compositricesdemusiquedefilm

Cinezik : Qu'est-ce que "Troisième Autrice" ?

Julie Roué : C'est une association qui a été créée il y a une semaine ou dix jours, je ne sais plus exactement. Au départ, le collectif est né d'un constat en mars 2019 : nous étions très peu de compositrices, et il nous semblait intéressant de discuter ensemble de notre position un peu particulière. En ce qui me concerne, il s'agissait aussi beaucoup de transmettre une expérience et peut-être d'anticiper, ou du moins de remettre les choses en ordre. J'avais eu à ce moment-là quelques expériences successives lors du Festival du Film d'Aubagne où je m'étais dit : "Non, ma place n'est pas exactement la même que celle d'un compositeur". Notamment, et c'est une chose très simple, on ne demande jamais à un compositeur : "Qu'est-ce que ça vous fait d'être un compositeur ? Qu'est-ce que ça vous fait d'être un homme dans ce métier ?" Et rien que pour cela, j'avais envie de pouvoir en discuter, de trouver des réponses un peu plus subtiles que juste "Ah ben non, rien du tout", parce que non, ce n'est pas rien du tout. Nous avons une position particulière, on nous regarde un petit peu différemment. Il ne s'agit pas de se poser en victime, il s'agit juste de constater que nous évoluons dans un système plus ancien que nous, où les hommes ont une place privilégiée.

Cinezik : Rencontrez-vous plus d'obstacles que d'opportunités ? Dans votre expérience, avez-vous la sensation d'avoir rencontré plus d'obstacles que de tremplins ?

Julie Roué : Non, je ne dirais pas ça du tout. Il ne s'agit pas de dire que nous avons rencontré plus d'obstacles. De toute façon, il est impossible de les nommer, de les pointer. Peut-être que, d'une manière générale, on pense moins aux femmes compositrices. Je cite souvent un exemple qui me paraît simple, mais très significatif. Quand on cherche quelqu'un pour faire la musique de son film et qu'on est un jeune réalisateur, un jeune producteur, on tape sur Google "compositeur de musique de film", on ne tape pas "compositrice". Et donc, D'une manière générale, c'est juste le symptôme d'une invisibilité.

Cinezik : C'est une nouveauté en France, ce collectif "Troisième Autrice". S'inspire-t-il de l'Alliance for Women Film Composers aux États-Unis ?

Julie Roué : Tout à fait. Nous étions ravies de voir qu'elles existaient, même si au départ, nous nous sommes créées en tant que petit groupe sur Facebook, où nous discutions de nos problématiques techniques ou humaines. Puis nous nous sommes rendu compte, au moment où nous avons commencé à nous poser des questions un peu plus politiques, qu'il y avait des équivalents dans d'autres pays. Effectivement, elles nous ont pas mal inspirées.

Cinezik : Il y a une chronologie qui nous mène à la création de "Troisième Autrice". L'idée n'a évidemment pas émergé du jour au lendemain. Depuis deux ou trois ans, je crois que plusieurs événements ont encouragé cette création. Notamment en 2019, une lettre ouverte dénonçait l'absence de femmes au sein d'un palmarès.

Julie Roué : Effectivement, comme je vous le disais, nous avons créé ce groupe de discussion. Puis ensuite, une page Facebook, qui est une sorte de vitrine du travail des compositrices. Et en 2020, nous nous sommes permis de réagir à l'annonce des nominations des prix de l'UCMF qui ne nommaient aucune femme, à l'exception d'Hildur Guðnadóttir dans la catégorie internationale. Mais nous nous sommes permis de réagir parce que nous nous sommes dit : "OK, il y a très peu de femmes compositrices de musique de film, mais si en plus on ne les voit pas, on ne les soutient pas, on ne les rend pas un petit peu plus visibles lors d'un prix comme celui-ci, qui est le seul de son genre, eh bien ça ne va pas changer". Donc, nous avons discuté, nous avons écrit une lettre. Chacune avait un peu sa façon de voir les choses et de le formuler, donc nous avons essayé de trouver une formulation qui convienne à tout le monde pour nous exprimer sur le sujet.

Cinezik : La non-visibilité des femmes au sein des palmarès est une grande question. Il suffit d'ailleurs de prendre les Oscars et les Césars. Aux Oscars, vous avez cité Hildur Guðnadóttir, qui a reçu l'Oscar pour "Joker". Elle est en fait la première lauréate féminine à avoir obtenu un Oscar à l'époque où il n'y avait qu'une seule récompense musicale. Car en fait, deux autres femmes ont été récompensées aux Oscars : la Britannique Rachel Portman pour "Emma", mais c'était à l'époque où il y avait deux catégories musicales, pour la comédie et le drame. Cette année-là, où Rachel Portman l'a remporté, c'était "Le Patient anglais" de Gabriel Yared. Autre lauréate des Oscars, Anne Dudley, également britannique, ce qui peut poser la question, sachant qu'Hildur Guðnadóttir est islandaise. La Grande-Bretagne permet donc aux femmes d'être présentes aux Oscars aux États-Unis. La deuxième Oscarisée est Anne Dudley pour "The Full Monty". Et cette année-là, c'était également une double catégorie, puisque pour le drame, c'était l'année de "Titanic", pour l'Oscar de James Horner. Donc, Hildur Guðnadóttir est la seule femme à avoir remporté l'Oscar de la musique de film à l'époque où c'est la seule à être récompensée. Pour les César, maintenant, aucune lauréate dans toute l'histoire des César (à date de l'entretien - edit : avant le trophée de Irène Drésel en 2023). Précisons évidemment que les César ne sont nés qu'à partir de 1975, ce qui exclut évidemment les femmes qui ont pu faire de la musique auparavant. Aux César, il y a eu deux nommées. Béatrice Thiriet, dont nous avons entendu la partition pour "Bird People" de Pascal Ferran, et "La Marche de l'Empereur", musique d'Émilie Simon. Pour revenir tout d'abord juste sur Béatrice Thiriet, considérez-vous aujourd'hui, car le public le voit comme ça, que Béatrice Thiriet est un peu l'arbre qui cache la forêt, qu'elle est un peu l'ambassadrice des compositrices ?

Julie Roué : En tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'elle était là bien avant la majorité d'entre nous. Elle fait partie de celles qui sont là depuis assez longtemps, et qui en plus ont maintenant une reconnaissance institutionnelle, ce qui fait que oui, son existence est importante, elle a un peu tracé le sillon.

Cinezik : Et à l'instant donc, Émilie Simon, qui est la première nommée au César pour "La Marche de l'Empereur", pourquoi ce choix ? Qu'est-ce qui vous touche dans cette partition ?

Julie Roué : Je crois tout simplement que c'était la première fois de ma vie que je voyais un film dont la musique était composée par une femme. D'ailleurs, je ne me suis pas dit les choses comme ça à ce moment-là. Émilie Simon, c'est une électro avec de la voix, ce qui est quelque chose qui me touche et que j'aime bien faire moi aussi. Je trouve que cela ne se démode pas, contrairement à beaucoup de sons électros.

Cinezik : Et comme on l'entend avec Émilie Simon, elle était non seulement une des rares compositrices à être vraiment populaire à cette époque pour le cinéma, mais peut-être que le fait qu'elle soit d'abord chanteuse d'albums l'a aidée. Et c'est quelque chose qui se retrouve très fréquemment, que des compositrices de films soient en majorité d'abord des chanteuses. Je dis "d'abord" parce que pour le public, évidemment, elles sont identifiées en tant que chanteuses. Je pense évidemment à Camille, qui a aussi fait des musiques de films, Audrey Ismaël, Morgane Kibi, ou encore Olivia Merilahti, qui est chanteuse avec le duo The Dø et qui a fait "Sparring" il y a quelques années, ou encore Yael Naïm, évidemment, chanteuse et compositrice de cinéma. Et vous-même, Julie Roué, d'ailleurs, prêtez la voix parfois, notamment sur un album personnel.

Julie Roué : Oui, moi, c'est un petit peu dans le sens inverse. J'ai d'abord fait de la musique de film et ensuite, je me suis mise à chanter. C'est vrai qu'assez souvent, on cherche pour les bandes originales des noms, des gens connus, des gens dont on connaît l'univers. Et donc, quand on vient de la pop et qu'on a déjà un univers bien identifié, c'est quelque chose d'un peu rassurant. Donc, il y a vraiment beaucoup de... J'ai l'impression que deux courants principaux chez les compositeurs de musique de film, d'une manière générale. Ceux qui viennent vraiment de la musique de film, orchestrale, conservatoire, etc. Et ceux qui viennent de la pop, donc c'est assez logique qu'on retrouve pas mal de chanteurs et de chanteuses.

Cinezik : Et en plus, il y a une nouvelle vague de chanteuses aujourd'hui. On n'a jamais autant parlé du féminin dans la pop française. Et peut-être que finalement, le cinéma va se nourrir musicalement des femmes par la pop française. Quand par exemple, je ne sais pas, pour citer Juliette Armanet, si un jour elle se met à faire de la musique de film, peut-être que toute cette pop française va aussi se mettre à ajouter du féminin dans les statistiques du cinéma français. D'ailleurs, pour parler de statistiques, c'est 6 % le pourcentage des femmes au générique des films français. En tout cas, c'est ce que j'ai dénombré sur les années 2018, 2019 et 2020. C'est 5 à 6 % de femmes dans les génériques de films. Peut-être Delphine Campi, qu'en pensez-vous de ces statistiques ? Évidemment, pas du bien.

Delphine Campi : Non, mais moi je suis d'un naturel très optimiste, je vois le verre à moitié plein, je me dis qu'il y a plein de choses à faire, il y a beaucoup de travail et beaucoup de choses à changer. Voilà ce que j'en pense, mais c'est vrai que c'est quand même un nombre étonnant. Et moi je vais rebondir parce que vous parlez de chanteuses et de pop, mais moi je viens plutôt du côté rock et non chanteuse, mais musicienne. Donc les femmes compositrices peuvent aussi être des instrumentistes. Et justement, mon coup de cœur musical a été la musique de Shannon Wright qui est guitariste, pianiste et qui chante aussi. Mais elle est une sacrée instrumentiste pour la bande originale qu'elle a faite pour "Les Confins du monde". Je me suis sentie proche de cette approche instrumentaliste, mais pas orchestrale comme le disait Julie. Pas de cette mouvance-là, plutôt d'une femme qui compose avec son instrument, seule devant son écran. Voilà, ça c'est mon contrepoint.

Cinezik : D'ailleurs, il faut toujours éviter de faire des généralités, évidemment. Et le sentiment que j'ai, et c'est pour cela que j'aimerais qu'il y ait beaucoup plus de compositrices, et c'est aussi une richesse, c'est que j'ai l'impression que les femmes en musique de film sont celles qui sont les plus versatiles, plus multiples, multi-instrumentistes même, dans la mesure où la voix fait aussi partie de leur arc d'instrument. Et donc Béatrice Thiriet, d'ailleurs, dont on parlait, elle-même peut passer d'un genre à un autre. Même les compositeurs sont aussi versatiles, mais il y a des compositeurs qui ne restent que dans un sillon, souvent orchestral, alors que les femmes compositrices savent peut-être un peu plus changer d'angle, et c'est ce que vous avez fait vous-même, Delphine Campi. Nous l'aborderons tout à l'heure. Alors, Shannon Wright, évidemment, est une multi-instrumentiste dont la voix. Vous avez aimé "Les Confins du monde", j'imagine, ce film de Guillaume Nicloux ?

Delphine Campi : Ah oui, j'ai beaucoup, beaucoup aimé. Très étonnant, c'est un film qui pénètre, qui reste en nous pendant un moment. Il y a une ambiance suintante. Oui, j'ai beaucoup aimé. "Les Confins du monde", donc, musique de Shannon Wright.

Cinezik : Delphine Campi, vous qui avez choisi la musique de Shannon Wright pour "Les Confins du monde", nous venons d'entendre votre composition pour "Nostos".

Delphine Campi : Un long métrage documentaire. 

Cinezik : Documentaire de Sandrine Dumas. On sent le côté rock, évidemment, qui vous correspond. Comment, justement, vous qui venez du rock en tant qu'instrumentiste, vous vous êtes acclimatée, on va dire, à ce travail de commande, quelque part, qu'est le cinéma ?

Delphine Campi : Oh, la vaste question. En fait, elle m'a choisie aussi parce qu'elle aimait ce que je faisais en musique, donc j'étais libre, non pas de m'acclimater, mais c'est quelqu'un que je connais très bien. Donc j'ai plutôt travaillé avec elle sur l'ambiance. Enfin, je savais ce qu'elle voulait. Et ça a été relativement facile de... Je ne sais pas comment expliquer, de me jeter dans la musique de son film avec tout mon bagage musical. Et puis après, c'était plus difficile d'enlever des choses et de nettoyer pour que ça corresponde vraiment au film, que ça ne soit pas trop bavard, etc.

Cinezik : Alors, évidemment, que ce soit pour des compositeurs ou des compositrices, la musique de film, la clé, ce sont les rencontres, ce sont les opportunités, évidemment. Et donc, vous, par exemple, quelle a été l'opportunité pour cette rencontre avec Sandrine Dumas ?

Delphine Campi : On se connaissait avant, pour dire la vérité. On est amies depuis très très longtemps. Et moi, je rajouterais que la clé, c'est vraiment le dialogue avec la metteure en scène, que je la connaisse ou pas. C'est de comprendre ce que la metteure en scène veut et d'essayer de... Même si on pense avoir compris, il faut toujours approfondir la communication, l'entente. Voilà, pour moi, c'est ça la clé.

Cinezik : Est-ce que, donc on parle d'opportunités, mais parfois il peut y avoir aussi des freins, est-ce que vous avez ressenti des freins ? Oui. Ils étaient de quelle nature ?

Delphine Campi : C'est-à-dire que, comme je n'ai pas une grande expérience, du coup, moi je m'emballe et je fais des œuvres qui durent trois minutes et on n'en garde que huit secondes. Donc forcément, pour moi, c'était une sorte de frein à mon... Mais sinon, comme on avait bien communiqué au départ, je n'ai pas eu vraiment de frein créatif, parce qu'on savait vers quoi on se dirigeait.

Cinezik : On parle souvent, dans le féminisme, de sororité. Le point commun que vous avez en commun avec Julie Roué, c'est que votre premier long métrage à toutes deux était avec une réalisatrice. Donc vous, Sandrine Dumas. Sentez-vous quand même ce tremplin possible par les réalisatrices ?

Delphine Campi : Probablement, oui. Je ne m'avancerai pas vraiment sur une généralité là-dessus, mais il y a, encore une fois, c'est l'entente, la communication. Je pense qu'avec les femmes, il y a quelque chose qui peut aller plus vite et peut être plus efficace, on se comprend peut-être mieux. Enfin, je prends des pincettes, parce qu'il y a sûrement des femmes avec qui ça ne se passerait pas bien, mais il y a quand même quelque chose de... On fonctionne un petit peu pareil, en général. À prendre avec des pincettes, mais moi, je suis persuadée de ça quand même.

Cinezik : Julie Roué, Delphine Campi. Peut-être entendre Camille Petitjean sur le fait également de venir de la scène. Camille Petitjean, on reparlera tout à l'heure de votre musique, mais on parlait justement de cette capacité d'alterner les projets totalement différents les uns des autres. C'est un peu ce qui vous caractérise, j'ai l'impression.

Camille Petitjean : C'est vrai que j'aime beaucoup ça et c'est vrai que c'est quand même génial d'avoir cette possibilité d'aller à droite, à gauche, d'aller dans les directions avec les personnes qui nous intéressent aussi. Donc je ne me verrais pas, c'est vrai, me cantonner à un truc particulier.

Cinezik : Et on l'abordera aussi tout à l'heure avec Florence Caillon qui a fait du cinéma, mais aussi beaucoup de danse, de spectacle. Évidemment, la multiplicité des projets vient aussi du support différent, de la télé au cinéma, à la scène, à la danse, au spectacle vivant.

Florence Caillon : En vrai, c'est aussi une aération, je trouve. Ce sont deux mondes complètement différents qui se complètent, qui enrichissent la vie et qui font qu'on ne s'use pas. Moi, j'ai cette sensation là. J'ai l'impression que quand j'en ai un peu marre de la scène et que j'ai un film, je suis hyper contente. Et quand j'en ai marre de ce moment parce que j'ai fait aussi des séries très longues pendant dix ans où parfois on peut avoir une certaine lassitude, eh bien tout d'un coup on y revient. Ces allers-retours m'ont donné beaucoup de liberté, après il ne faut pas compter ses heures.

Cinezik : Nous recevons donc le collectif "Troisième Autrice", nous reviendrons évidemment sur ce collectif, j'ai plein de questions pour comprendre un peu ce collectif. Pause musicale avec Mica Levi, qui est une femme qui monte récemment, qui vient d'ailleurs de la musique électronique puisqu'elle était DJ sous le nom de Micachu et qui a vraiment fait parler d'elle avec "Under the Skin", une musique à la fois expérimentale, lancinante, émouvante. Ça aurait pu être aussi mon choix et vous êtes deux à l'avoir choisi, Delphine Campi et Julie Roué, qu'est-ce qui vous touche dans cette partition l'une et l'autre ?

Julie Roué : Mica Levi, c'est juste une énorme claque en fait. "Under the Skin" était quelque chose de complètement hallucinatoire, totalement d'accord, voilà, un truc que j'avais jamais vécu et vraiment je crois pour la première fois je me suis dit que la musique au cinéma, ça pouvait prendre les tripes, ça pouvait vraiment parler à notre deuxième cerveau là-bas, en...

Delphine Campi : Oui, moi je suis tout à fait d'accord, c'est pourtant un synthé, il y a des choses qu'on connaît, mais ce film-là, pareil, j'ai pris une énorme claque, ça m'a emmenée, ça m'a transportée quelque part et je l'entends toujours comme une référence dans beaucoup de musiques que j'entends.

Cinezik : Musique de Julie Roué. Cette musique, je l'ai d'abord entendue dans un court métrage d'Angèle Chiodo qui s'appelle "Les Chiens" et on retrouve cette musique dans un long métrage "Lights of Baltimore" pas encore sorti dans les salles, de toute façon ce serait compliqué aujourd'hui de le sortir. Julie Roué, donc cette musique qui traverse d'un film à l'autre et surtout ce que j'apprécie particulièrement, c'est la présence vocale évidemment.

Julie Roué : Oui, alors en plus l'histoire, moi je l'aime bien parce que c'est ma petite cousine qui avait 13 ans à l'époque qui est venue enregistrer, qui a fait toutes les voix, enfin moi je chante les voix graves et elle l'aiguë et elle a été rémunérée en Kinder Surprise.

Cinezik : Ah oui ! Alors Julie Roué, vous avez un parcours assez atypique, ou pas, parce que je crois que ça se retrouve quand même chez d'autres compositrices, c'est le fait que vous soyez compositrice et aussi de formation d'ingénieure du son. La technique du son est aussi quelque chose qui vous caractérise. Comment gérez-vous le côté compositrice et ingénieure du son ? Est-ce que quand vous composez de la musique, le rapport au son est quelque chose qui vous préoccupe ?

Julie Roué : Absolument, mais j'ai l'impression qu'on est très nombreux et nombreuses dans ce cas-là, en musique de film. Moi, j'ai d'abord été monteuse de son, ce qui me donne une approche vraiment par la matière de la musique et du son en général. Et pendant très longtemps, j'hésitais à dire que je faisais les deux, que j'étais compositrice et monteuse son. J'avais l'impression qu'on n'allait pas me prendre au sérieux d'être à la fois technicienne et artiste. Jusqu'à ce que je me rende compte qu'en fait, non, c'était un super atout, parce que la musique de film, c'est un métier très technique en fait. Pour produire des maquettes de qualité, il faut absolument mettre les mains dans le cambouis. Et donc voilà, aujourd'hui je pense que c'est tout à fait audible et c'est même très valorisé d'avoir des compétences techniques, ce qui peut-être dans les générations au-dessus n'était pas si évident.

Cinezik : Pour revenir sur le collectif "Troisième Autrice", parmi vos nombreuses missions, j'imagine qu'il y a aussi une mission de visibilisation des compositrices, notamment à travers d'événements. Prévoyez-vous des événements ?

Julie Roué : Des événements, on les prévoit pour l'instant un petit peu dans l'abstrait, mais dans nos projets, on voudrait organiser des tables rondes. Donc probablement sur YouTube ou toute autre plateforme permettant comme ça de visibiliser ce qu'on fait, de discuter de sujets qui nous concernent et qui concernent tous les gens qui font de la musique de film, avec des producteurs, avec des réalisateurs, avec des superviseurs musicaux, pour ouvrir le débat.

Cinezik : Si les personnes qui nous écoutent veulent se tenir au courant de vos prochaines actualités, il y a une page Facebook ?

Julie Roué : Pour l'instant, il y a une page Facebook, il y aura bientôt un site internet, à n'en pas douter. Et je me permets de faire un petit peu de pub aussi, parce que dans notre association nouvellement créée, il y a des membres qui sont compositrices, mais on a aussi une place pour les soutiens. Donc toute personne qui souhaite soutenir ce qu'on fait et être informée peut très bien devenir membre.

Cinezik : Très bien. Donc collectif "Troisième Autrice", vous pouvez le trouver sur Facebook, pour être alerté également des prochaines opportunités. Et on reviendra tout à l'heure sur le statut de membre, si des personnes nous écoutent, des compositrices veulent vous rejoindre.

Cinezik : Également un autre sujet, nous venons d'entendre Mica Levi. Je vous disais qu'elle était DJ. Le fait que des compositrices viennent de la musique électronique est aussi très fréquent. Nous avons entendu Émilie Simon, évidemment, qui est aussi dans la musique électronique, et aussi une pionnière qui était en couple, c'est le couple Bebe et Louis Barron, qui sont les premiers dans l'histoire du cinéma à avoir fait une musique électronique au cinéma. C'était "Planète interdite", un film avec les extraterrestres, donc Hollywood quand même. Hollywood, qui était dans le tout orchestral, s'est dit : "Il faut une musique pour les extraterrestres, on va faire une musique électronique." Et ce qui est intéressant, c'est que l'ASCAP américaine de l'époque, le syndicat des compositeurs, avait refusé d'attribuer le terme compositeur ou compositrice à ces artistes, puisqu'en fait, ils étaient ingénieurs du son à la base, et ont fait, à l'époque, il n'y avait pas encore de synthétiseur, on était dans les années 50, et ils ont fait la partition de "Planète interdite" à partir de générateurs de fréquence. Donc, la frontière entre technologie électronique et musique était parfois peu reconnue, mais en tout cas, ils ont été les premiers à franchir un cap là-dessus. On peut citer aussi la DJ Chloé, Chloé Thévenin, qui avait signé une très belle partition récemment pour "Paris la Blanche", et puis récemment, à Cannes, Fatima Al Qadiri, une superbe partition électronique pour "Atlantique" de Mati Diop. Elle a d'ailleurs reçu le Grand Prix au Festival de Cannes, pour citer un peu comme ça des compositrices qui viennent de la musique électronique. Et je me dirige vers Camille Petitjean, vous m'avez vu venir. Vous venez évidemment de l'électronique.

Camille Petitjean : Oui, carrément, du rock il y a très longtemps, mais de l'électronique aussi, oui. C'est une partie très importante, un peu comme Julie parle d'être ingénieure du son et le fait d'aimer avoir les mains dans le cambouis. C'est vrai que moi j'ai ce rapport-là aussi avec les machines. Et c'est vraiment un plaisir énorme d'avoir des objets qui ne sont pas acoustiques et qui sont uniquement de l'électricité qui circule. Et qu'est-ce qu'on en fait et comment on peut la manipuler ? Ça, c'est vraiment passionnant pour moi.

Cinezik : Et votre choix, avant de parler de vos musiques à vous, votre choix parmi les compositrices de l'histoire du cinéma, il y a Wendy Carlos qui a travaillé avec Kubrick, notamment, pas que pour Kubrick, mais également pour les studios Disney. C'était assez révolutionnaire à l'époque, les studios Disney. Totalement révolutionnaire.

Camille Petitjean : Une personne totalement révolutionnaire, incroyable, et qui a vraiment œuvré énormément pour une sorte de vulgarisation, ou en tout cas, de faire passer la musique électronique dans le domaine quotidien. C'est quelqu'un de vraiment important pour moi.

Cinezik : Wendy Carlos, on doit rappeler évidemment que c'était Walter Carlos, une transition s'est faite vers Wendy Carlos et donc aujourd'hui on parle beaucoup de cette transidentité à l'époque c'était très très peu présent dans les débats j'imagine que Wendy Carlos a eu justement une difficulté j'imagine à s'affirmer.

Camille Petitjean : Alors je ne pense pas du tout que ça a été une question à aucun moment pour elle, dans le sens où son travail était quand même de toute façon une priorité absolue, et aussi dans la mesure où elle était, j'ai l'impression que c'était quelqu'un qui était vraiment sur sa route, suivant son chemin et faisant les choix qu'elle a faits et les décisions sans tellement réfléchir. Et je crois que même après Stanley Kubrick qui a travaillé du coup avec Walter Carlos à un moment, puis avec Wendy Carlos, je pense qu'il n'y a pas eu tellement de débat en fait.

Cinezik : C'est un bon exemple justement. Wendy Carlos donc pour la musique de "Tron". D'entendre cette musique électronique, j'ai secoué la tête derrière mon micro. C'est votre partition, Camille Petitjean, pour un documentaire qui s'appelle "Free Boulette". De quoi s'agit-il ?

Camille Petitjean : Alors, c'est un documentaire pratiquement à la limite de la fiction, mais qui suit le parcours d'un personnage qui est prêtre, en fait, dans son village, et son rapport, en fait, avec beaucoup de femmes qui sont présentes. Et je pense que c'est vraiment son parcours à lui, par rapport à sa foi, par rapport à ses désirs et sa volonté de... Enfin bon, des trucs qui nous concernent tous. Mais en l'occurrence, c'est très dépaysant, puisque ce n'est pas du tout ce que moi je peux connaître. Et il y a surtout cette façon de filmer de Paulina Pytlák, qui est très intime, qui rentre vraiment dans une proximité telle que c'est presque du voyeurisme, mais avec une élégance photographique et magnifique.

Cinezik : Vous avez signé cette partition et une autre, je crois, d'un long métrage "Boys Like Us", un deuxième film de Patricia. Vous avez écrit ces partitions en duo, je crois ?

Camille Petitjean : Avec mon partenaire Thomas Carteron, avec qui on avait un groupe de musique. On est partis de là et on a eu des possibilités de travailler sur des films. Nous, on est très sensibles à l'image, depuis toujours, l'un et l'autre et du coup c'était une occasion assez exceptionnelle de pouvoir travailler avec quelqu'un en duo sur un film de fiction et sur un documentaire très expérimental quand même, c'était vraiment extraordinaire.

Cinezik : Et après ce duo, Haussmann, il y a un projet solo qui est Claude Violente, des albums...

Camille Petitjean : Des albums de pop, on peut dire ça comme ça, ouais, carrément, je pense que c'est ça.

Cinezik : Et donc est-ce qu'aujourd'hui, dans vos projets futurs, vous avez envie de l'assumer de manière personnelle, ou alors au contraire collaborer de nouveau ?

Camille Petitjean : Vous voulez dire par rapport à Haussmann ou tout seul ?

Cinezik : Haussmann ou même d'autres collaborations éventuelles ?

Camille Petitjean : Bah oui, oui, je trouve que c'est quand même une chance énorme qu'on a de pouvoir travailler avec d'autres personnes, de rencontrer des gens, d'apprendre des choses des autres. Quand on voit les gens travailler, on a vraiment une dimension qui s'ouvre, moi je trouve, et notamment dans les musiques de films où c'est tellement particulier à chacune par rapport à son parcours, une qui est ingénieure du son, une qui est pianiste depuis toujours...

Cinezik : Florence Caillon.

Camille Petitjean : Alors j'ai pas pensé à Florence Caillon, mais je voulais dire en tout cas tout est possible et c'est vraiment génial de pouvoir se rencontrer.

Cinezik : Et par rapport au collectif "Troisième Autrice", quel est votre regard justement sur cette...

Camille Petitjean : Moi, je suis arrivée il n'y a pas longtemps, en tout cas en voyant qu'il y avait un rassemblement de personnes qui ont des chemins de vie très différents, mais qui ont toutes, je pense, cet amour de la musique et de la musique à l'image. Je trouve que c'est quand même une occasion en or de pouvoir, encore une fois, apprendre, de pouvoir se soutenir, de pouvoir observer comment on peut avoir une place et être présente au même titre que d'autres, des hommes par exemple.

Cinezik : Alors si des compositrices nous écoutent, y a-t-il des critères particuliers pour pouvoir être membre de l'association, du collectif ? Florence Caillon ?

Florence Caillon : On en a pas mal discuté, pour l'instant c'est plutôt ouvert, il faut avoir fait déjà des choses, des musiques pour l'image, oui

Julie Roué : Essentiellement, c'est de se reconnaître comme compositrice, même des toutes jeunes compositrices qui sont encore à l'école font partie du collectif.

Cinezik : "Troisième Autrice", parce qu'on ne le dit pas suffisamment, mais il y a trois auteurs sur un film : compositeurs, réalisateurs, réalisatrices et scénaristes. Et donc, "Troisième Autrice", pour le revendiquer au féminin, évidemment. Rencontrez-vous, dans cette création du collectif, des soutiens, notamment de réalisatrices, mais aussi d'institutions ? Est-ce que la SACEM, le CNC ou le collectif 50/50, que vous pouvez d'ailleurs peut-être définir, voilà ces soutiens-là ?

Julie Roué : Le collectif 50/50, nous sommes assez nombreux à en faire partie. Donc nous faisons partie des sujets, disons, qu'il défend. Donc je dis "qu'elle, qu'il", parce qu'en fait, c'est un collectif mixte qui défend la diversité dans le cinéma d'une manière très, très large. Nous, notre champ est beaucoup plus restreint. Et la SACEM aussi, réfléchit beaucoup à cette question-là, notamment Delphine.

Delphine Campi : Oui, la SACEM, moi je suis plus proche de la SACEM, s'intéresse beaucoup à ce que fait "Troisième Autrice" et regarde d'un œil bienveillant la montée du collectif.

Cinezik : 50/50, je ne l'ai pas défini, mais c'est un collectif qui visait à la parité au sein des productions de films, où il y a une aide du CNC, un bonus. Lorsque cette parité est atteinte, est-ce que les compositrices font partie de ce bonus ?

Julie Roué : Alors ça, c'est un de nos chevaux de bataille. Et ce n'est pas gagné, parce qu'en fait, c'est tout un calcul un petit peu compliqué pour faire en sorte qu'il y ait de plus en plus de parité. Et en fait, il y a un calcul qui est fait sur les postes à responsabilité dans les films. Il faut un certain nombre de postes aux féminins pour avoir un supplément sur une aide qui est accordée par le CNC. Et nous, on aimerait bien que le poste de musique de film soit ajouté à ce barème-là, mais ce n'est pas si simple, et notamment parce qu'on est tellement peu nombreuses, que personne n'a vraiment intérêt à nous rajouter dans ce barème.

Delphine Campi : C'est-à-dire que ce point-là, il va être super dur à obtenir, et donc, même du côté des plus féministes du collectif 50/50, c'est un peu compliqué à faire passer. C'est aussi un peu un cheval de bataille de ma commission parité à la SACEM, où on réfléchit à comment peut-être organiser des quotas pour justement qu'il y ait plus de femmes dans les subventions, les projets. Moi, c'est un de mes chevaux de bataille.

Florence Caillon : Oui. Après, je pense que ce qui est important, c'est d'être sur le terrain aussi, c'est-à-dire de rencontrer des réalisateurs, des réalisatrices, des productions. Je trouve que c'est vraiment là. Il faut qu'on y aille maintenant, en fait, de plus en plus, et il faut que les gens jouent le jeu de notre présence.

Cinezik : Collectif "Troisième Autrice", il y a évidemment l'artistique, le travail des compositrices, mais comme on vient de l'entendre, beaucoup de choses techniques pour faire évoluer votre cause, la cause, d'ailleurs, qui n'est pas que la vôtre. Et parmi les membres du collectif "Troisième Autrice", il y a Delphine Mantoulet qui a signé cette partition pour Tony Gatlif. À l'instant, nous venons d'entendre la partition de "Eyes Wide Shut" par Jocelyn Pook en 1999. Alors la particularité, je vous disais tout à l'heure que les Britanniques étaient très présentes, Rachel Portman, Anne Dudley, eh bien Jocelyn Pook est britannique et elle est à la base altiste et elle jouait de son instrument pour Massive Attack, Laurie Anderson, Ryuichi Sakamoto, Peter Gabriel. Et c'est grâce à Kubrick qu'elle a fait sa première partition pour le cinéma. On dit que Kubrick n'aimait pas les compositeurs et compositrices, notamment pour "2001, l'Odyssée de l'espace", où il n'y a que des musiques préexistantes. Eh bien Kubrick a quand même fait confiance à Jocelyn Pook, non seulement pour faire la musique de son film "Eyes Wide Shut", mais aussi pour prendre en charge musicalement une des scènes les plus importantes du film qui est une scène masquée où Tom Cruise arrive masqué dans une assemblée très angoissante comme scène et cette partition qui rappelle un peu les musiques un peu tripantes indiennes aussi, il y a des choses comme ça très très particulières. Et donc c'est une musique originale signée Jocelyn Pook et qui a continué par la suite à faire d'autres musiques de films. Et elle a fait aussi, Jocelyn Pook, un spectacle de danse d'Akram Khan, "Desh", représentation à Paris en 2013. Et donc Jocelyn Pook a fait des ponts entre le cinéma et la scène et la danse, comme vous, Florence Caillon.

Florence Caillon : Oui, puisque moi je partage ma vie depuis bien longtemps maintenant entre la composition de musique de film et la scène, où je suis chorégraphe circassienne, c'est-à-dire que je chorégraphie le vocabulaire acrobatique circassien. Et je compose aussi pour la scène, pour mes propres pièces, beaucoup, mais aussi pour d'autres.

Cinezik : On parlait tout à l'heure du côté multitâche des compositrices, et vous-même, formation variée, de violoncelle, piano, guitare, banjo, boîte à musique, ukulélé, cordes, flûte, cymbalum, même l'électronique.

Florence Caillon : Alors, je ne joue rien de tout ça, quand même, il faut le dire. Et j'aborde ce sujet que pour moi, la composition, c'est autre chose que l'interprétation musicale, que l'instrumentation. Je compose à partir d'un clavier, mais je suis un bébé de l'informatique musicale. C'est-à-dire que je n'ai pas appris la musique de façon traditionnelle, je n'ai pas fait d'études au conservatoire. J'ai suivi pendant deux ans une classe de composition à Pantin, un endroit absolument passionnant où des compositeurs de toute origine se retrouvaient et échangeaient. On regardait les partitions des uns, des autres, on en parlait, c'était absolument passionnant. Et j'ai appris effectivement beaucoup de choses, des bases, de l'harmonie, etc. là-bas.

Cinezik : Très intéressant. Et puis c'est vrai que le grand public confond souvent interprétation et composition. Et on a l'impression par exemple que tel interprète a fait aussi la composition, ce qui n'est pas forcément le cas.

Florence Caillon : C'est ça. Et je trouve que c'est important de rendre visible le rôle de l'auteur, de l'autrice. Parce que le monde des idées ne se voit pas. C'est-à-dire, on voit bien un violoniste ou un pianiste qui va jouer. Mais la personne qui compose une musique, qui la pense, qui la mature, qui la malaxe, ça ne se voit pas de la même façon. On va avoir le pianiste qui la joue, on va avoir l'instrument qui joue. Et la composition, c'est vraiment un truc particulier qui n'est pas la même chose que l'interprétation. Par contre, je travaille avec des musiciens, les mêmes. Il y en a certains qui me suivent depuis très longtemps et ça, c'est très précieux.

Cinezik : Florence Caillon, vous avez donc écrit la composition musicale de "Qui a tué Lady Winsley", un long métrage de cinéma. Un mot dessus avant de l'entendre ?

Florence Caillon : Oui, en fait, c'est mon premier long, puisque moi j'ai fait beaucoup de télévision. Voilà. Et ça fait longtemps que je voulais faire du cinéma. Et c'était une belle aventure.

Cinezik : "Qui a tué Lady Winsley" ? Musique de Florence Caillon. Nous venons d'entendre la musique de Hildur Guðnadóttir pour "Chernobyl", la série HBO de la compositrice islandaise qui a eu l'Oscar pour "Joker". Alors j'ai préféré vous faire entendre ce "Chernobyl" que "Joker", évidemment, qui est beaucoup plus entendu par ailleurs. "Chernobyl", qui est aussi une série télé pour HBO. C'est bien aussi de se dire que les compositrices sont aussi présentes pour la télévision et de plus en plus, d'ailleurs. D'ailleurs, Florence Caillon, vous disiez que vous avez fait beaucoup de télévision avant de signer votre premier long métrage.

Florence Caillon : Tout à fait, j'ai fait les musiques de "Boulevard du Palais" pendant 10 ans, par exemple, une série, et c'était absolument une aventure géniale. On voit vieillir les acteurs, c'est super.

Cinezik : Et sur la place des femmes, justement, à l'occasion de cette invitation du collectif "Troisième Autrice", on questionne cette place des femmes dans le cinéma, mais est-il plus facile à la télévision ?

Florence Caillon : Non, en fait, moi quand j'ai commencé, je connaissais vaguement Béatrice Thiriet, j'avais repéré son nom au générique, on ne se connaissait pas du tout en fait, parce que comme je suis beaucoup avec le spectacle vivant, je ne connaissais pas beaucoup les gens de ce métier, je ne connaissais pas mes consœurs, mes confrères, et justement "Troisième Autrice", c'est génial pour ça parce qu'en fait, enfin, on se connaît, on se rencontre. Et donc, j'avais l'impression qu'il y avait un peu Béatrice Thiriet et moi. 

 


De Gauche à droite : Delphine Ciampi, Camille Petitjean, Florence Caillon, Julie Roué.

Conçu et animé par Benoit Basirico

Cinezik Radio

Table Ronde : Spécial Compositrices, avec le Collectif Troisième Autrice


En savoir plus :

Vos avis