par Martin Mavilla
- Publié le 16-05-2021Parmi les nombreux thèmes du film, celui de la « bagarre » nous est présenté dès l'ouverture du film dans l'épique « This is Berk ». Un thème sur fond de danse celtique souvent illustré par des cuivres tonitruants, illustrant ainsi la puissance des combats entre vikings et dragons.
Cependant, ce thème devient presque dérisoire lorsqu'il est appliqué à Harold, de part l'absence totale des cuivres au profit des bois, couronné par une mélodie tantôt jouée par la flûte ou le hautbois : des instruments légers et peu intimidants face aux dragons !
Mais là n'est pas la vocation d'Harold, qui possède la patience et la curiosité nécessaire pour faire la connaissance d'un redoutable dragon surnommé... Krokmou !
« Forbidden Friendship » illustre une scène de quatre minutes sans dialogues où la musique évolue en un magnifique crescendo nous dévoilant peu à peu le thème de l'animal.
La lente éclosion de ce thème nous retranscrit parfaitement leur relation de confiance se construisant au même moment. John Powell a d'ailleurs tenu à travailler sur cette scène à la fin du projet, estimant qu'il serait plus à même de déconstruire son thème après l'avoir développé dans le reste du film.
Comment faire une analyse de Dragons sans évoquer le sublime thème d'envolée de « Test Drive » ? Désormais aussi emblématique que celui de Star Wars ou Harry Potter, le thème principal de ce film a la particularité d'être construit en quatre sections distinctes.
À l'instar de « Forbidden Friendship », le thème principal évolue en une ascension mélodique qui provoque un émerveillement comparable à l'adrénaline d'un vol dans les airs.
Cependant, les quatre sections de ce thème peuvent s'organiser différemment selon les situations. Par exemple, lorsqu'Harold et Krokmou sont en chute libre avant de reprendre le contrôle in extremis, le thème occulte littéralement une des sections, nous reflétant ainsi l'état d'urgence de la situation. Mais ce n'est pas la seule variation que nous offre le compositeur.
Depuis le début de sa carrière, John Powell excelle dans le contrepoint : l'art de superposer plusieurs mélodies. Un contrepoint qui, dans le contexte de Dragons, prend un sens tout à fait particulier. Il arrive en effet que certaines sections du thème de l'envolée soient jouées simultanément. La mise en commun de ces éléments peut nous renvoyer à la notion de synchronisation que requiert la relation entre un cavalier et son destrier.
On constate également que les thèmes se font parfois écho, notamment pour ce moment décisif où Harold essaye de convaincre son village que les dragons sont apprivoisables. Le thème de Krokmou intervient alors pour encourager celui d'Harold, malgré la distance de plusieurs kilomètres qui sépare les deux personnages.
En apprivoisant les dragons et en découvrant certains de leurs points faibles comme l'anguille ou les papouilles, Harold a d'abord fait illusion auprès de tout son village qui s'est presque mis à croire en des pouvoirs magiques.
Cette nouvelle vocation d'Harold est illustrée par son propre thème, énoncé pour la première fois dans « New Tail » et longuement développé dans « See You Tomorrow ».
Un thème qui s'avère être la version ralentie du thème de la « bagarre », nous renvoyant à cette nouvelle approche d'Harold qui parvient à venir à bout des dragons avec d'autres méthodes que les coups.
Parmi les autres personnages du film, Astrid possède également son propre thème, développé dans « Romantic Flight », à travers lequel John Powell parvient à révéler une part cachée du personnage.
Ce thème, d'abord introduit par un violon solo, met en lumière la tendresse insoupçonnée de la jeune guerrière. Le choix de cet instrument nous renvoie également au personnage souple et filiforme d'Astrid. De plus, la mélodie recouvre un ambitus assez large en effectuant des intervalles presque acrobatiques par moments.
La virée dans les nuages de « Romantic Flight » donne également lieu à une rencontre entre Astrid et Krokmou, notamment par le biais du rythme. Le thème d'Astrid étant à 3 temps et celui de Krokmou à 4 temps, la connexion entre les deux personnages se fait lorsque le thème du dragon s'adapte au rythme d'Astrid en passant à 3 temps. Les rencontres musicales entre les personnages et l'animal se font donc à plusieurs niveaux.
Il peut paraître incongru d'évoquer le silence pour un film aussi riche en musique que Dragons bien qu'il joue un rôle déterminant dans la relation entre Harold et son père.
Dès le début du film, Stoïck déplore ouvertement l'incapacité d'Harold à combattre les dragons. D'autre part, le besoin pour Harold d'être accepté dans sa tribu rend sa vocation de dresseur inavouable, ce qui donne lieu à des scènes de silence pesant entre les deux personnages où la musique est totalement bloquée.
Mais celle-ci se libère lors du combat final contre la reine des dragons où Stoïck prend conscience des capacités de dresseur d'Harold avant de lui présenter ses excuses. Le thème de l'envolée retentit alors de manière intime entre les deux personnages, ce qui appuie la sincérité de Stoïck qui reconnaît et respecte Harold pour ce qu'il est.
Le compositeur veille donc à ne pas abuser de ses thèmes afin de servir la narration, la mission première d'une musique de film.
Avec Dragons, John Powell signe l'une des bandes originales majeures du cinéma d'animation de ces dix dernières années, comme en témoignent les ciné-concerts initiés en 2019 ainsi que la reprise de la musique jusque dans des fanfares militaires.
Sans oublier que la partition orchestrale (la version écrite de la musique) est désormais disponible chez Omni Music Publishing ; un régal pour les yeux et les oreilles !
Quant à la version CD ou digitale, elle est disponible par ICI ou en écoute intégrale ci-dessous :
par Martin Mavilla
Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)