Cinezik : A quel moment êtes vous arrivée sur le projet ?
Delphine Malaussena : Je suis intervenue très tôt, j'ai fait des maquettes dès la lecture du scénario. J'ai pensé à ce violoncelle très tôt, ainsi qu'à l'électronique. J'ai utilisé le violoncelle, la batterie, des nappes et textures électroniques. J'ai proposé cette instrumentation très tôt. Ils avaient en tête les maquettes en tournant. Après le tournage, le réalisateur m'a dit qu'il y avait pensé.
Concernant ces maquettes, avant de faire appel à la violoncelliste il y avait des sons synthétiques ?
D.M : J'avais déjà enregistré la violoncelliste pour que la musique sonne bien. Comme il y a un jeu de textures et de sons, le résultat ne sonnait pas bien donc j'ai enregistré la violoncelliste pour la maquette.
Vous étiez ingénieure du son avant d'être compositrice, maintenant que vous écrivez de la musique, le son fait malgré tout encore partie de votre travail ?
D.M : J'aime bien faire la prise de son de tous les instruments, à part un orchestre bien sûr, mais pour des dispositifs intimistes j'aime bien m'en charger. Et les maquettes sont au final restées dans le film. Elles étaient déjà très avancées au niveau du son.
Ce personnage de tennisman incarné par Alex Lutz qui porte le film a t-il guidé la partition ?
D.M : L'idée était de traduire son état psychologique tout au long du film, que ce soit sa solitude, son côté torturé, et aussi les moments où il a besoin d'énergie avec un violoncelle plus rythmique pendant les matchs, notamment celui de la fin qui dure 30 minutes, ce n'était pas évident. J'ai essayé de suivre avec le violoncelle l'état du personnage. Aussi il y a une vidéo où on le voit quand il est enfant, j'ai alors utilisé ce violoncelle avec deux octaves au-dessus pour illustrer la jeunesse avec le même thème.
On peut dire que les notes s'aggravent au fur et à mesure que le personnage trépasse ?
D.M : En effet, et à la fin c'est très grave.
De quelle manière la relation avec la mère est illustrée ?
D.M : Elle a un thème. J'ai appelé le thème "Judith". C'est aussi du violoncelle, j'ai posé mon micro sur les cordes de l'instrument pour qu'on entende les doigts. Le réalisateur voulait une certaine unité dans l'instrumentation donc j'ai repris le violoncelle, mais dans un mode plus aigu pour la mère.
Quel a été le dialogue avec le réalisateur ?
D.M : Il n'avait pas d'intention particulière. Il ne m'a pas donné de références. C'est moi qui lui ai proposé des choses, puis il me guidait une fois que je lui ai fait mes propositions, et avec grande précision.
Quand on conçoit la partition en amont, le montage peut ensuite exiger des réajustements...
D.M : J'ai travaillé à quatre mains avec le monteur Jean-Baptiste Beaudoin. Parfois il attendait mes musiques pour monter, notamment pour le fameux dernier match. Il fallait que la dissonance et la rugosité dans le grain du violoncelle, qu'on a fait crisser, soit en symbiose, avec des instants plus romantiques.
La photo est assez lumineuse, avec le soleil au zénith sur le court, et donc la part sombre du film, c'est la musique...
D.M : Le réalisateur, c'est ce qu'il m'a dit. Il voulait quelque chose de radicale dans la musique, et de très sombre.
En terme de placement est-ce qu'il avait aussi des intentions précises ?
D.M : Cette étape s'est faite avec le monteur. Il a proposé des choses. Il a placé mes thèmes comme il voulait. C'est bien aussi que le monteur puisse s'approprier la musique, et proposer des choses.
Pour ce premier long-métrage en tant que compositrice, est-ce que le fait d'avoir été ingénieure du son sur d'autres films a pu nourrir une expérience mise à profit sur ce film ?
D.M : Et bien en l'occurrence j'avais travaillé sur le son du précédent film du réalisateur. Donc on avait déjà cette collaboration sur un long métrage. J'étais à un autre poste mais quelque part il y a eu continuité, même si la musique va plus loin que le son en terme de narration, de mise en scène et de point de vue.