Interview B.O : Pierre Pinaud & Mathieu Lamboley (LA FINE FLEUR)

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Propos recueillis à Aubagne par Benoit Basirico - Publié le 29-06-2021




Avec LA FINE FLEUR (au cinéma le 30 juin 2021), Mathieu Lamboley fait la rencontre de Pierre Pinaud pour une musique impressionniste (en référence à Ravel, Debussy, Satie) qui illustre le cadre floral de cette exploitation horticole sur un ton léger et parfois lyrique (avec piano, flûte, clarinettes, violoncelle, harpe, percussions). Le tandem a pu relater l'histoire de cette musique lors de son passage au Festival Music & Cinéma à Aubagne en Juin 2021.   



Cinezik : Pierre Pinaud, quel est votre rapport à la musique ?

Pierre Pinaud : Je n'ai pas une grande culture musicale. J'ai besoin de quelqu'un qui soit capable de la sentir, de faire une traduction musicale de mon film, et de me l'exprimer avec des mots qui ne soient pas ceux du langage de la composition.

Quels ont été ces mots pour LA FINE FLEUR ?

P.P : C'est à chaque fois quelque chose d'extrêmement compliqué. Ce n'est pas de l'ordre du miracle, mais presque, de trouver quelqu'un qui va sentir ce qui conviendrait pour le film. On a donné à Mathieu Lamboley une vidéo du montage et il a eu un ressenti par rapport à ces images. Ensuite il les nuance quand il y a la rencontre. C'est probablement son éclectisme et son écoute qui a fait qu'il a su rebondir rapidement dans l'univers que j'entrevoyais. Autant je ne m'exprimais pas de manière très nette, en revanche quand j'entends quelque chose je sais immédiatement si ça me plaît ou pas, si c'est à sa place dans le film. Mais en terme de formulation au départ c'est flou.

Le film a une grande part de comédie, pour un compositeur cela exige un juste dosage...

Mathieu Lamboley : C'est évidemment une comédie mais j'étais très sensible à l'histoire et à la beauté du personnage de Eve (Catherine Frot). C'est un film avec beaucoup de sensibilité, j'ai insisté tout de suite dans mon souvenir sur la poésie, les fleurs, la délicatesse, la subtilité. Je me suis dit que musicalement la musique pouvait être dans une esthétique impressionniste, proche de Debussy ou Ravel. Au niveau de la photo on est presque dans du Monet.

P.P : Maintenant je me souviens qu'il y a quelque chose auquel je pensais, mon désir de faire un film très français. Il y a Catherine Frot qui à l'étranger est une comédienne très emblématique de la France. Dans "Les saveurs du palais" elle incarnait un personnage très français, la cuisinière du président. Cela passe aussi par cette roseraie. J'avais donc donné à Mathieu cette référence d'une musique qui ait des échos très français. Que serait une musique qui pour l'étranger aurait un héritage français ?

M.L : Je me souviens de la scène de départ, la scène de l'hybridation des roses, dans laquelle il y a l'exposition du thème, et tu avais insisté sur cette délicatesse. En termes musicaux, j'ai pu le transcrire avec des instruments comme la harpe, avec une écriture très subtile de cordes.

P.P : Je lui ai aussi donné comme référence la musique répétitive, une musique qui avancerait par couches successives et qui évoluerait jusqu'à ce qu'on soit immergés. J'avais en tête la musique de Philip Glass pour "The Hours". Le film pose quelque chose de délicat au début puis devient émotionnel à la fin.

À côté de Catherine Frot, il y a l'acteur Melan qui est rappeur dans la vie et qui a participé à une partie de la musique...

M.L : Je me souviens, lors d'une projection équipe, il y avait placé sur le montage un des morceaux de Melan sur lequel il avait réutilisé des samples d'un groupe obscur japonais. J'ai donc proposé de partir sur cette base et de le mettre sur d'autres passages où figurent ma musique. C'est un peu le mélange entre les deux personnages. Ma musique est dans une esthétique proche de Eve et la musique de Melan est sa propre musique. J'ai donc par la suite collaboré avec lui, il m'a envoyé les samples originaux pour faire en sorte que ce soit cohérent à l'image.

En terme de placement, le film a aussi beaucoup de pauses musicales, de respirations...

M.L : Il y a certains endroits où initialement il y avait de la musique et au final on a décidé de l'enlever. Il y avait beaucoup trop de musique au début. Et à certains moments il fallait la faire respirer.

P.P : On avait un sentiment de couloir musical. On s'était attaché à la musique, on avait envie d'en mettre souvent, et au final on a réussi au mixage à avoir un recul pour se dire qu'elle n'était pas nécessaire tout le temps. Et on l'apprécie d'autant plus . Ce n'est pas faire un déshonneur à la musique de ne pas en mettre tout le temps. Parfois en l'enlevait sur une scène pour lui donner un écrin plus grand sur une autre scène. C'est aussi quelque chose qui va avec une certaine maturité de ne pas vouloir utiliser la musique de manière systématique. La musique pourrait être une béquille sur certaines scènes. Il y a quelque chose à trouver qui sert le film et qui n'est pas là que pour le sauver. Il y a quelque chose là qui a mûri en moi.

 

Propos recueillis à Aubagne par Benoit Basirico

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