par Benoit Basirico
- Publié le 18-07-2021Pour cette histoire de mutation des corps et de possession, la musique accompagne d'abord le parcours de cette femme tueuse avec une exhubérance qui accroit les effets. Elle souligne le cheminement, d'abord dans le registre de l'horreur pure et codifiée. On pense alors à Cronenberg (à ses débuts) ou à John Carpenter avec des sonorités électroniques. Le compositeur qu'on appréciait déjà pour Ben Wheatley ("Kill List", "Touristes !") a d'ailleurs signé la musique en 2021 d'un film de Cronenberg fils, "Possessor". Habitué du genre donc, il fait évoluer sa musique vers de plus en plus d'émotions au fur et à mesure que le personnage trouve l'attention et l'amour qu'il a tant souhaité qu'on lui porte. Car il s'agit surtout d'une quête d'amour.
La musique convoque aussi Kubrick à travers la fameuse Sarabande de Haendel popularisé par le film "Barry Lyndon" et que Jim Williams transforme. Il entreprend avec le morceau baroque la même mutation que celle que la cinéaste opère sur le corps de son héroïne, jusqu'à rendre la référence méconnaissable. Le film est l'histoire d'une greffe (suite à un accident de voiture, on implante une pièce de titane dans la tête de la jeune fille), puis d'une mutation (le corps de cette fille devenue femme se transforme jusqu'à se camoufler dans la peau d'un jeune homme pour échapper à la police), et enfin d'une adoption (elle croise sur son chemin un pompier, Vincent Lindon, qui la considère comme son fils disparu). Ainsi la partition originelle entreprend un même cheminement de transformation, elle se nourrit d'une batterie, d'une guitare et d'une présence vocale.
Enfin, le récit du film historique culte de Kubrick relate la vie tragique, sombre, et funèbre de Barry Lyndon, de l'enfance à la mort. L'histoire de Julia Ducournau est également celle d'une vie qui tend vers sa chute, avec la même structure en diptyque qu'affectionne le réalisateur de "Orange mécanique", avec un point de bascule entre la maîtrise pour le personnage de son action meurtrière, et sa soumission à un système de possession. La partition de Jim Williams devient alors la messe noire d'un envoûtement, une véritable symphonie chorale vers la dépossession de soi.
(Edit : La B.O est enfin sortie le 31 juillet 2021)
Comparons les 2 "Sarabande" :
par Benoit Basirico
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